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Légitimer la théorie littéraire : Jean-Marie Schaeffer et le pouvoir des sciences

par Marion Bianconi
(Doctorante à l'Université Sorbonne Nouvelle)

Issu d'un exposé présenté dans un séminaire sur la notion de l'autorité des modèles tenu en 2020 à la Sorbonne nouvelle par Tiphaine Samoyault, ce texte resté inédit est reproduit dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula avec l'aimable autorisation de son autrice.


Dossiers Théorie de la théorie.



Légitimer la théorie littéraire : Jean-Marie Schaeffer et le pouvoir des sciences

Par quels secrets la théorie littéraire instaure-t-elle sa légitimité en tant que savoir[1] ? Aussi bien dans le champ global de la connaissance que dans celui des études littéraires, il ne va pas de soi que l'on puisse s'autoriser à théoriser la littérature. Le texte, si précieux dans notre domaine, est empreint de singularité ; la théorisation au contraire est un acte de généralisation qui semble vain à bien des acteurs du savoir lorsqu'elle approche de ces objets si fluctuants, hétérogènes, insaisissables que sont les textes.

On retrouve ainsi la vieille question de l'Arkhè : « ce qui commence et ce qui commande »[2]. Source de légitimité, principe organisateur et de gouvernement : dans le domaine du savoir, ce principe qui est prince, c'est la Science. La Science, avec une grand S non pas telle qu'elle existe et a toujours existé avec ses errances et ses méthodes fluctuantes, mais la Science comme principe[3], comme valeur instituée, comme idéal positiviste fondé sur une idée de la raison elle-même Raison avec un grand R qui doit gouverner l'esprit. Cette Science avec un grand S, les sciences dures en ont socialement le privilège évident[4]. Hors du champ de ce privilège, comment la théorie littéraire négocie-t-elle avec ce principe souverain qui règne sur le savoir ?

Une des solutions possibles face à cette Arkhè est de fonder son autorité par délégation : la forger en empruntant un modèle qui semble plus légitime, celui de ces sciences dites « dures ». C'est ce que semblent faire, à première vue, bon nombre de théoriciens de la littérature contemporains, dont Jean-Marie Schaeffer, notamment et surtout dans un essai qui a fait date, Pourquoi la fiction ?[5] : il y mobilise de façon très visible le modèle biologique, en postulant à des fins théoriques l'identité du règne biologique et du domaine culturel. Il le fait en fin connaisseur de l'histoire du modèle biologique dans la théorie littéraire, dont un précédent ouvrage avait proposé l'histoire critique s'agissant des classements génériques : Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?[6].

Mais dans un tel système, comment garder la main ? Comment ne pas déléguer toute autorité à son modèle ? Nous proposerons ici une analyse de la stratégie de J.-M. Schaeffer fondée sur trois termes : Arkhè, Trans-arkhè, An-arkhè. Ces trois notions voudraient décrire un processus de prise de pouvoir par le théoricien sur sa propre démarche dont on peut restituer la logique de la façon suivante : Schaeffer rend visible dans la matière textuelle de son discours un modèle archétypal à visée légitimante — en l'occurrence celui des sciences biologiques —, mais dans un second temps il diffuse ce modèle hors des niveaux que la Science avec une grand S accepte comme fondateurs de légitimité rationnelle : le modèle voyage, se transpose hors de son domaine — il est transarchisé. Ce faisant, il est absorbé par la démarche proprement poétique du théoricien qui l'an-archise, et reprend ainsi la main sur son discours désormais légitime. Nous verrons que la poétique est le principe d'anarchie de la théorie littéraire instituant, au sein du texte théorique lui-même, un nouvel ordre affranchi.

L'analyse de ce processus logique de négociation avec le modèle dans le texte de Jean-Marie Schaeffer nous permettra non seulement de mettre le doigt sur les enjeux de pouvoir qui innervent l'écriture théorique, mais encore, de mettre en évidence la façon dont la théorie elle-même, dans son propre usage des modèles, s'affranchit de leur contrainte.

 Arkhè : légitimation

Examinons pour commencer la fonction du modèle biologique dans le projet général du livre de Schaeffer, en tant que fonction légitimante de l'Arkhè scientifique pour qui s'en réclame.

Tout d'abord, rappelons que l'ouvrage se présente d'emblée comme une défense aristotélicienne de la fiction face à des attaques platoniciennes encore vives.[7] Contre sa dégradation ontologique comme illusion, il revendique une approche pragmatique empruntée à Searle qu'il inscrit dans une naturalisation cognitiviste de la fiction. En somme, suivant la veine aristotélicienne selon laquelle la fiction est un comportement humain, il en fait une éthologie. Cette étude qui se veut biologique donne alors droit de cité à la fiction, justement en tant qu'elle est naturelle.

La rigueur des sciences naturelles, en effet, peut donner force de loi au discours pro-mimétique, mais leur force, pour le non-spécialiste de la biologie qu'est souvent le lecteur, tient davantage de la représentation que de la rigueur disciplinaire. Analysons, en premier lieu, la présence textuelle du modèle biologique dans le texte de Schaeffer. Pour tenir sa légitimité de l'Arkhè scientifique, cette présence doit être explicite, massive et visible afin de produire sur le lecteur un effet de saturation.

Cette présence est d'abord explicite en ce que Jean-Marie Schaeffer se réclame ouvertement d'une démarche naturaliste :

« Selon la perspective naturaliste que j'adopte, il va de soi que les représentations mentales elles-mêmes sont une propriété biologique parmi d'autres de l'espèce humaine. La culture ne s'oppose pas à la nature, mais elle est elle-même un fait de l'évolution biologique. »[8]

S'il se revendique naturaliste, c'est moins en vertu d'une continuité que d'une identité qu'il instaure entre faits culturels et faits biologiques[9]. La construction de cette représentation est corroborée par l'usage massif d'un vocabulaire biologique d'une part, par un style visiblement scientifique, notamment dans la formulation de lois, d'autre part. Ces deux aspects de l'écriture de Schaeffer permettent une saturation scientifique de surface du texte théorique. L'aspect massif de la présence du vocabulaire biologique est immédiatement perceptible. Certains termes clés ou assemblages de mots apparaissent par exemple avec une fréquence assez élevée dans le texte. Les syntagmes « cause naturelle » et « causalité naturelle » sont les premières collocations remarquables. Elles constituent le lien lexical entre la philosophie d'Aristote, qui pense les causes naturelles de la fiction, et l'approche cognitiviste, qui pense les rapports de l'esprit au cerveau. Dans cette optique, la littérature est un « comportement » naturel, mot qui apparaît souvent, avec son dérivé à forte connotation scientifique, « comportemental ». Le texte s'inscrit grâce à ce champ sémantique dans une veine éthologique. Nombre de sous-catégories des sciences de la vie sont en effet mobilisées par le lexique, qui permet parfois de les mêler. À ce titre, un nœud est construit autour des termes « évolution » et « développement », concepts dont l'articulation a une histoire particulièrement complexe, entre le domaine de l'étude de l'embryon et celui de la pensée de la variabilité des espèces dans le temps. L'emploi du mot « information » est d'autant plus complexe qu'il n'appelle pas seulement plusieurs domaines internes à la biologie, mais qu'il convoque, en plus de la question de l'information génétique, les sciences informatiques[10].

L'effet de cet usage massif d'un vocabulaire qui rappelle les sciences de la vie peut ainsi être double. Un premier effet est celui de précision : les termes scientifiques renvoient à un savoir suffisamment pointu pour que les lecteurs de la collection « Poétique » du Seuil n'en aient pas une connaissance exhaustive. Mais cet effet se double d'une confusion créée par le syncrétisme scientifique du texte : quand le terme peut convoquer plusieurs domaines, la densité de signification rend complexe le processus de discernement du sens. Le terme démultiplie alors le capital scientifique qu'il confère au texte : le doute autorise la présence de deux connotations scientifiques normalement divergentes et multiplie le bénéfice symbolique de l'emploi d'un seul terme scientifique.

Concernant le style visiblement scientifique, il suffit d'isoler un intervalle de quelques pages pour remarquer des suites de formules apparaissant comme des lois quantitatives fondées sur la notion de proportion.

« Bien que le degré d'immersion fictionnel soit toujours inversement proportionnel à l'attention accordée à l'environnement perceptif actuel […]. [11]

Quant à la tonalité de cette appréciation, elle varie selon l'indice de satisfaction inhérent à l'activité de réactivation mimétique même.[12]

Plus la charge affective induite par ce qui est représenté est forte, moins le mimème a besoin d'être « fidèle » ; et, à l'inverse, plus le mimème est fidèle, moins la charge affective de l'objet représenté a besoin d'être grande.[13] »

Les formules « proportionnel », « varie selon l'indice » et « plus... moins... et, à l'inverse » relèvent de théorèmes mathématiques : la possible réciproque, comme énoncée dans la dernière citation. Si ce dernier phénomène textuel rappelle davantage les mathématiques que la biologie, il contribue également à la saturation stylistique du texte par des éléments scientifiques, participant à exposer en tout lieu un véritable Portrait du roi, par lequel s'exerce la force de la loi des sciences dites dures.

Or, « Représentation et pouvoir sont de même nature »[14], nous a appris Louis Marin dans Le Portrait du roi. « Mise en réserve de la force dans les signes »[15], la représentation est la conversion de la force en latence : voilà ce qu'est le pouvoir. Voilà aussi quel est le risque dans le texte de Schaeffer : à travers un usage massif et visible d'un vocabulaire et d'un style scientifique, il fait miroiter des images de la biologie qui pourraient bien participer au fantasme de pouvoir absolu de la Science en la représentant. Car représenter la Science, c'est doubler ce qu'elle est véritablement d'une image d'omnipotence, qui tend à transformer sa nature :

« Le pouvoir, c'est la tension à l'absolu de la représentation infinie de la force, le désir de l'absolu du pouvoir. Dès lors, la représentation (dont le pouvoir est l'effet) est à la fois l'accomplissement imaginaire de ce désir et son accomplissement réel différé. Dans la représentation qui est pouvoir, dans le pouvoir qui est représentation, le réel – si l'on entend par réel l'accomplissement toujours différé de ce désir – n'est autre que l'image fantastique dans laquelle le pouvoir se contemplerait comme absolu, il est dans sa réalité de ne jamais se consoler de ne pas l'être. La représentation […] opérerait la transformation de l'infinité d'un manque réel en l'absolu d'un imaginaire qui en tient lieu. Toute notre étude, […] vise à parcourir la transformation, dans les champs et sur des objets divers, de l'infini en absolu, des représentations infinies du prince dans l'absolu imaginaire du monarque. Tout ce travail tente, dans ce cadre philosophique, de tirer un portrait du roi (une représentation du pouvoir) qui soit le monarque même (le pouvoir comme représentation).[16] »

Le pouvoir premier et direct de la Science — produire des connaissances, avoir un impact sur des décisions politiques et éthiques —, par l'image, tend à se faire pouvoir absolu sur tous les objets. Cela n'est pas sans effet sur l'entreprise de Schaeffer : en représentant les Sciences dans un discours qui se pare de tous les ornements de celles-ci, par l'emploi abondant et visible du vocabulaire, il adopte un comportement qui permet de faire de son objet le monarque, de son discours la Science, tant il est vrai que « Le portrait de César, c'est César »[17]. Par la représentation, la force des Sciences apparaît en effet comme la plus grande, comme la seule légitime, comme l'unique : le pouvoir, dans la représentation, c'est la monarchie, mono-arkhè, qui se veut absolu régnant. Les ornements du courtisan, écrit Louis Marin, sont le lieu de l'investissement imaginaire des sujets : « Déguisements, grimaces et masques, tous ces vains instruments font d'autant plus d'effet qu'ils sont vains, ont d'autant plus de force qu'ils sont de simples signes sans autre valeur que de marquer la place toute vide de la véritable justice ou de la vraie science, d'en tenir lieu et par là même de justifier leur justice ou leur vérité imaginaires en frappant les imaginations. »[18] Et les troupes qui les arborent, à l'image d'un Schaeffer qu'on grimerait temporairement en courtisan : « Ils sont le costume du roi qui désigne son corps comme multiplié en majesté »[19] — mais que faisons-nous ici sinon intégrer la cour de Louis Marin le temps de quelques lignes ?.

Le projet du livre de Schaeffer s'articule donc à des enjeux de pouvoir : en revêtant le costume du naturaliste, Schaeffer donne force de loi à son apologie de la fiction. La loi, c'est la loi naturelle, mais elle apparaît aussi comme la loi du prince, la loi de l'Arkhè scientifique, de la monarchie de la Science, dont l'omniprésence du portrait sert à légitimer la pensée de Schaeffer et à donner droit de cité à la fiction. La représentation du pouvoir possède cette ambivalence d'être à la fois une délégation et une sujétion à ce pouvoir.

Toutefois, si l'on examine d'un peu plus près les éléments qui constituent ce portrait omniprésent, on constate une hétérogénéité de leur rapport au modèle et de leur statut dans la pensée de Schaeffer. C'est seulement à partir d'un examen minutieux de la façon dont le théoricien disperse les emplois du modèle biologique dans les différents niveaux de sa pensée que l'on pourra saisir un rapport plus ambigu au pouvoir monarchique que celui de simple représentation-délégation-sujétion.

Trans-arkhè : contamination ?

Étudier les niveaux de la pensée auxquels se manifeste le modèle biologique et le rapport logique au modèle dans lequel ils s'inscrivent est une étape nécessaire pour comprendre l'hétérogénéité fondamentale de son emploi, des lieux de cet emploi, et son enjeu dans la dynamique qui entoure l'expression de l'Arkhè. Elle est, pour ainsi dire, transarchisée (trans-arkhè), en ce qu'elle voyage d'un lieu à un autre, de son lieu propre, littéral, à des lieux impropres, où son efficacité est autre que Scientifique (avec un grand S, si l'on nous permet de caractériser ainsi la légitimité des sciences dites dures). Comprendre l'hétérogénéité de ces emplois est une étape nécessaire à la compréhension de la négociation du théoricien avec ses modèles : elle est la manifestation structurelle (structure de la pensée et structure du texte) de ce jeu avec le pouvoir nécessaire au processus de prise en charge par le théoricien du savoir qu'il produit.

Un examen du texte de Schaeffer met en évidence qu'il fait principalement trois types d'usages du modèle biologique qui correspondent chacun à un rapport au modèle et à un niveau de composition du texte. Pour mieux nous prendre au jeu, nous avons, quand nous le pouvions, employé des notions développées par Schaeffer lui-même pour les désigner.

Nous distinguons ainsi un usage homologique du modèle, qui consiste à en faire un emploi littéral, c'est-à-dire à traiter une matière de la même façon que le modèle, de sorte qu'elle ne s'en distingue pas (faire comme, au sens de faire pareil, faire la même chose) ; un usage analogique, qui relève du « faire comme si » à visée heuristique, et enfin, un usage métaphorique, communicationnel, qui relève non plus tant du « faire comme si » que du « montrer comme ».

Le modèle biologique est littéral et homologique quand Schaeffer fait lui-même de la biologie, ou plus exactement quand il étudie des objets biologiques. Cette démarche est omniprésente dans son essai puisque, comme on l'a expliqué plus haut, il envisage les faits culturels comme des faits biologiques. Le chapitre II, « Mimèsis : imiter, feindre, représenter et connaître », qui fait une éthologie de la fiction, en est un bon exemple :

« Lorsqu'on essaie de dégager les significations de la notion d'imitation telle qu'elle est utilisée dans les divers travaux traitant des relations mimétiques, on découvre qu'elle définit au moins cinq types de phénomènes différents qui se distinguent quant à leur fonction et quant à leur complexité. Je les regrouperai ici en prenant comme fil conducteur leur complexité, c'est-à-dire que je partirai des phénomènes les plus élémentaires et les plus largement répandus dans le champ du vivant, et que je terminerai par les comportements les plus complexes et les plus spécifiques à l'espèce humaine.[20] »

Le théoricien s'attache ici en effet à détailler tour à tour la production de mimèmes chez différentes espèces du papillon à l'homme.

Si nous soutenons que Schaeffer fait ici un usage homologue de son modèle c'est parce qu'il imite le biologiste dans le même but de produire un savoir biologique. C'est la première définition que donne Schaeffer de l'homologie : « qui correspond à [la] finalité cognitive [du modèle] »[21]. Le modèle opère ici à un niveau littéral de la pensée de son objet. La part du texte qui utilise le modèle le désigne en effet proprement et littéralement. Ainsi, l'idée qu'une telle relation d'identité puisse être pensée comme homologie apparaît dans les processus d'apprentissage qu'évoque Schaeffer, et qu'il désigne comme des processus d'imitation ré-instanciation :

« Réinstancier un comportement qu'on imite c'est produire des mimèmes dont la somme (ou l'intégration dans une séquence actancielle hiérarchisée) aboutit à un comportement qui s'inscrit dans la même classe ontologique que le comportement imité. L'apprenti chasseur qui imite les gestes du chasseur expérimenté s'adonne à la même activité que son modèle, il poursuit les mêmes buts, son action va avoir le même type d'effets, etc.[22] »

À côté de cet usage homologique littéral de la biologie comme modèle des comportements mimétiques, Schaeffer utilise également la biologie comme modèle analogique heuristique. C'est le cas lorsque l'imitation de celle-ci est fondée sur l'exemplification par des éléments biologiques de certains traits de l'objet que leur usage permet de désigner. Ces traits sont généralement d'ordre relationnel, et cet usage repose sur la possibilité d'abstraire des raisonnements d'un domaine pour les appliquer à un autre. À l'inverse du cas du chasseur proposé par Schaeffer dans l'extrait ci-dessous, le théoricien donne le cas de l'acteur pour caractériser l'imitation lorsqu'elle n'est pas de la même classe ontologique que le modèle :

« Feindre un comportement qu'on imite c'est produire des mimèmes dont la somme aboutit à un comportement qui s'inscrit dans une classe ontologique différente de celle du comportement imité. L'acteur qui feint d'être Hamlet-qui-tue-Polonius ne s'adonne pas à la même activité que son modèle (fictionnel) : il ne poursuit pas les mêmes buts, son action ne va pas avoir les mêmes effets, etc.[23] »

De même que l'acteur qu'il décrit, Schaeffer fait un usage analogique du modèle biologique quand il emploie les concepts… d'analogie et d'homologie.[24] Ces deux concepts sont définis, à un moment donné, comme des analogues de concepts biologiques :

«En biologie on distingue ainsi entre homologie évolutive et analogie évolutive : des ressemblances (par exemple morphologiques) entre deux espèces sont qualifiées d'homologues lorsqu'elles sont dues aux mêmes causes (selon le principe : mêmes causes, mêmes résultats) ; en revanche, lorsqu'une ressemblance (morphologique) est le résultat de causes différentes ayant agi sur les deux espèces, on parle de simple analogie évolutive.[25] »

Concernant l'imitation et non plus les espèces, elle est homologue quand elle imite des traits du modèle parce que le modèle les possède. Une imitation en revanche est analogue quand elle imite les traits du modèle pour une autre raison que leur possession par le modèle. Schaeffer prend l'exemple des Mémoires d'Hadrien : si Yourcenar imite des traits réels de l'empereur, ce n'est pas parce que le modèle les possède, c'est parce que cela correspond à un projet littéraire. L'empereur possédait bien d'autres traits qu'elle n'a pas imités pour cette même raison.

Malgré la différence entre la conception biologique et la conception développée par Schaeffer du couple analogie-homologie[26], son fondement sur l'idée de causalité demeure. Le modèle biologique est donc mobilisé ici par Schaeffer en tant qu'il exemplifie certains traits de la relation qu'il veut désigner. C'est donc pour ainsi dire, un usage impropre de la notion biologique qui repose sur la possibilité d'abstraire certains traits du modèle qui sont utilisables par le théoricien et applicables en propre à son objet, à savoir la fiction.

Enfin, le modèle métaphorique à visée communicationnellese rapproche du modèle analogique en ce qu'il correspond aussi à une désignation impropre, mais son statut dans la pensée est différent : il ne renvoie pas à la possibilité d'abstraire un raisonnement de son domaine d'origine pour l'appliquer à un autre. Il nous semble relever de l'image didactique, voire de la pure illustration. Alors que l'analogie heuristique est un outil de pensée, la métaphore didactique est un outil d'écriture et de compréhension, qui se situe au niveau non pas de la construction de la pensée, mais de sa communication entre l'auteur et le lecteur. Voici, par exemple, l'usage que fait Schaeffer de l'image de la membrane :

« La conscience [de l'enfant] d'être « lui-même » lui fait donc encore défaut car on ne devient « soi-même » qu'en « sécrétant » une membrane séparatrice qui donne simultanément naissance aux deux univers, celui de l'intériorité subjective et celui de l'extériorité objective.[27] »

Dans ce raisonnement plus psychanalytique que littéraire, aucune vraie membrane n'est en cause, il s'agit plutôt de concrétiser la limite psychologique dont il est question à l'aide d'un terme dont le sens métaphorique permet l'explicitation de la pensée. Cette métaphore trouve un écho particulier dans la variété de son public : pour le public le plus instruit en psychanalyse, elle donne à la problématique de la limite une nouvelle peau[28] ; pour le public le moins instruit, la membrane vient concrétiser cette question dont il ne connaît pas les termes psychanalytiques : la métaphore trouve alors sa fonction didactique.

Pour résumer, nous avons distingué trois types d'emplois du modèle biologique. L'emploi homologique où il y a équivalence ontologique avec le modèle : Schaeffer fait acte de biologiste. C'est un emploi propre dans un lieu fondamental de la pensée qui détermine la nature de l'acte du théoricien. L'emploi analogique heuristique où il n'y a pas équivalence ontologique avec le modèle : Schaeffer utilise un outil du biologiste dans un usage différent car une de ses fonctionnalités est particulièrement utile dans son activité. C'est un emploi impropre dans un lieu fondamental de la pensée et déterminant pour son déroulement. Enfin l'emploi métaphorique illustrant, lequel n'a pas non plus d'équivalence ontologique avec le modèle : Schaeffer emploie les mots de la biologie pour désigner des choses qui ne sont pas de la biologie ; l'emploi est impropre et dans un lieu superficiel de la pensée, déterminant la perception qu'auront les lecteurs de son texte.

Ces trois catégories que nous distinguons nettement confèrent une dimension hétérogène au texte dans son usage du modèle biologique. Mais leur délimitation n'est pas toujours si nette, et l'hétérogénéité du discours se double d'une hybridité des usages du modèle.

C'est le cas en particulier de l'usage massif que fait Jean-Marie Schaeffer des notions de contagion et de contamination qui sont synonymes dans sa pensée. Apparaissant au départ dans le contexte d'une traduction de la République de Platon, pour désigner métaphoriquement le transfert s'opérant de la fiction vers les comportements humains[29], la métaphore est reprise dans le texte de Schaeffer pour illustrer les théories antimimétiques. Elle est même filée lorsqu'il parle d'« iconolâtrie endémique »[30] ou de « poussées de fièvres mimétiques »[31]. Peu à peu, elle devient un véritable concept, développant des à-côtés plus jargonnants tels que la « conception épidémiologique »[32] de la fiction. La contagion-contamination essaime dans le texte — « le déclenchement de ce comportement néo-natal résulterait d'une “contagion” motrice »[33] — jusqu'à en perdre ses guillemets : « la contamination de l'univers historique (référentiel) par l'univers fictionnel »[34]. Elle est devenue, au fil du texte, la désignation analogique privilégiée d'une certaine théorie de la fiction.

La contamination n'agit néanmoins qu'à des niveaux de désignation impropres. Pourquoi Schaeffer fait-il voyager le modèle biologique de son lieu propre (homologue et littéral) à des lieux impropres (c'est-à-dire métaphoriques) ? La question importe d'autant plus que, si pour faire de la biologie il est nécessaire d'être littéralement biologiste, métaphores et analogies peuvent trouver des modèles en d'autres lieux. Plutôt que de membrane, il aurait pu parler de cloison, ou de frontière, ou d'enveloppe ; plutôt que de convoquer la contamination, il aurait pu évoquer la transsubstantiation. Le Christ, viral aussi, ne se propage-t-il pas dans tous les pains ? Et virus et imitation, en tant que phénomènes de propagation, ne frôlent-ils pas formellement l'eucharistie ?

Si donc l'usage du modèle biologique n'est pas nécessaire aux niveaux analogique et métaphorique, pourquoi les utiliser ? À moins de faire l'hypothèse que Schaeffer organise in fine une cérémonie eucharistique autour de rituels biologiques, nous pourrions supposer qu'il a été lui-même contaminé, et donc qu'il aurait subi « l'effet de contagion, c'est-à-dire l'effet d'entraînement induit par les activités mimétiques ».[35]

Cette hypothèse de la « contamination » de Schaeffer par le modèle biologique nous amènerait à devoir relever une forme de passivité du théoricien qui ne parviendrait pas à se soustraire à un pouvoir agissant qu'aurait le modèle qu'il convoque. Ce modèle aurait traversé ses lieux propres pour se transarchiser par lui-même, comme une façon de s'imposer en tout lieu, de se faire omnipotent. On aurait alors effectivement affaire à un modèle de type eucharistique, correspondant tout à fait au modèle du « Portrait du roi » tel que le décrit Louis Marin :

« [On pourrait] considérer que la présente étude tente d'examiner divers domaines du langage, récit d'histoire et discours d'éloge, ou d'image, tableau d'histoire, médaille ou portrait, comme les expansions de cet énoncé : « ceci est mon corps », que la bouche du prince proférerait, transformant ainsi ses représentations dans leurs diverses modalités en autant de signes du sacrement politique de l'Etat dans la présence réelle du monarque.[36] »

La Science, présente non plus dans son identité ontologique mais dans des lieux impropres, prend les airs d'un agent surnaturel du texte qui serait sa présence démultipliée — fantasme eucharistique du monarque.

Or, s'il reste une question à poser, c'est celle de l'agent non pas fantasmé mais véritable de ce phénomène de trans-arkhè que nous avons observé dans la pensée de Schaeffer. Par ce terme, nous entendons le fait que le Prince sorte des domaines de sa légitimité propre, autrement dit, que le modèle qu'il représente se greffe à des niveaux où il n'opère pas de façon littérale. L'agent de la trans-arkhè ne peut être que le Prince lui-même ou l'auteur. Si c'est le Prince, en tant qu'il est une entité abstraite et institutionnelle (la Science avec une grand S), la trans-arkhè s'exerce comme une pression sociale que nous sommes incapables de dégager à l'échelle d'un seul texte : nous n'en voyons que ses effets. Mais cela pourrait confirmer que la Monarchie (ou mono-arkhè) de la Science (avec une grand S) avec son monopole sur les savoirs est une Transarchie, en tant qu'elle se manifeste à tous les niveaux de la pensée et dans tous les domaines du savoir.

Néanmoins notre étude se situe à l'échelle d'un texte singulier, résultat à la fois d'une activité intellectuelle et d'une démarche d'écriture. Aussi, la Trans-Arkhè ne peut-elle se penser que sous l'angle d'un acte de transarchisation de l'Arkhè par le théoricien lui-même. Quel est alors l'effet de cette transarchisation sur l'autorité de l'Arkhè, en tant qu'elle est agie par le théoricien ? Quel est également la place de l'auteur dans ce processus ? Est-il, autrement dit, complice de l'autorité (« prêtre », « courtisan »), ou au contraire, peut-on penser une autorité rendue passive, pour ainsi dire, par l'action du théoricien qui la représente ?

Nous souhaitons, dans une dernière étape de notre étude, mettre en évidence le type d'agentivité pratiqué par le théoricien transarchiste : on se souvient que l'imitation, non-homologue, est chez Schaeffer celle de l'acteur[37] qui détourne le modèle de ses buts premiers, lui fait perdre sa nature, son grade ontologique, dans la nouvelle production, où elle agit de façon impropre.

An-arkhè : reprendre la main

Dans un monde hypothétique où nous sommes assurés qu'il n'est pas complice de l'autorité, sur scène, Schaeffer joue contre l'Arkhè, derrière son masque. Cette hypothèse ne pose plus Schaeffer en prêtre complice d'une eucharistie scientifique, elle imagine que toutes les actions dégradant le modèle Scientifique dans son dos sont le fruit d'une activité volontaire qui vise, par la transarchisation de l'Arkhè, à l'an-archiser, à l'annuler comme Arkhè dans l'espace textuel. Quel type d'agentivité travaille sous le masque de celui qui entretient le portrait de roi, et quelle est son action sur le modèle scientifique ?

Car le portrait, nous le disions, la représentation, est produite par un acteur, par un agent de ce portrait : en l'occurrence, il s'agit du théoricien qui reste bien sûr auteur de son texte et agit sur les modèles qu'il emploie. En tant qu'acte d'écriture projetant le modèle comme un motif (leitmotiv) dans le texte, il semblerait que la transarchisation du modèle soit un acte poétique. Mais nous aimerions montrer qu'il relève d'un acte poétique qui dépasse la linéarité du texte et traverse les différents niveaux de la pensée.

Pour ranger un nouvel objet dans la classe poétique, relisons nos maîtres. « La fonction poétique projette le principe d'équivalence de l'axe de la sélection sur l'axe de la combinaison. L'équivalence est promue au rang de procédé constitutif de la séquence »[38], affirme Jakobson dans « Linguistique et poétique ». L'axe de la sélection est celui du choix des mots à intégrer dans la phrase parmi un nombre de possibles, l'axe de la combinaison est celui de leur agencement pour former une séquence : si le premier repose sur l'interchangeabilité des mots, donc à un certain degré, sur leur équivalence, le second est fondé sur leur différence de fonction. Jakobson voit la fonction poétique là où l'équivalence devient également principe de combinaison. Quel meilleur exemple que le célèbre vers de Bérénice de Racine expliqué par Aragon : « Je demeurai longtemps errant dans Césarée... Qui m'a été une hantise d'enfance, ou presque, pour la répétition des r, comme de piliers d'un rêve. »[39] La séquence semble bâtie sur l'équivalence sonore entre les mots : ce serait là le fondement de la poésie.

Jakobson voit ainsi la fonction poétique dans la projection du principe d'équivalence d'un axe sur un autre. Or si la répétition du modèle biologique créant un système d'échos à l'échelle du livre semble constituer indéniablement un leitmotiv poétique[40], on pourrait aller au-delà et envisager une projection de l'équivalence non plus sur l'axe de la sélection, mais sur un axe graduel. L'équivalence n'est plus projetée sur la surface plane du texte mais sur deux échelles : celle des niveaux du déploiement de la pensée de l'auteur — ce qu'il fait, la façon dont il pense, comment il le dit — et celle des niveaux de propriété de sa parole, deux échelles qui se croisent chez Schaeffer autour des trois catégories d'usage du modèle que nous avons développées plus haut : homologue, analogue et heuristique, métaphorique à visée communicationnelle. On pourrait dès lors penser la projection d'un même modèle à différents niveaux de la pensée comme un acte poétique qui instaure un principe d'équivalence sur l'axe graduel. Telle serait ce qu'on pourrait nommer une poétique transgraduelle.

Or, un tel acte poétique serait fondamentalement subversif : instaurer une équivalence entre les différents niveaux de la pensée, c'est défaire le privilège évident du niveau homologique et littéral, privilège qu'il tient de son identité avec le Prince : la Science. La transarchisation du modèle est donc poésie transgraduelle, et, s'appliquant à une Arkhè, elle est profondément subversive en ce qu'elle gomme sa dimension première grâce au principe d'équivalence.

Le geste poétique transgraduel qui fait la spécificité de l'écriture transarchiste entre dès lors en conflit avec la hiérarchie des emplois d'un modèle. Car une hiérarchie existe bien, en amont de l'existence du texte, entre les emplois propres et impropres du modèle, et cela à deux niveaux. À un premier niveau, peu importe le contenu désigné proprement ou improprement, la désignation impropre fait l'objet d'une dégradation épistémologique. À un second niveau, c'est le contenu lui-même, en tant qu'il se réfère à une pratique elle-même valorisée, qui est favorisé sur tout autre contenu : les dénotations de lui-même par ses signifiants propres ont donc plus de valeur que les dénotations d'autres objets par son nom.

Une des attaques majeures de la métaphore par l'épistémologie se trouve chez Bachelard. Nous pensons en particulier au chapitre « Un exemple d'obstacle verbal : l'éponge » de La Formation de l'esprit scientifique, qui prend pour objectif de démontrer « le caractère métaphorique déficient de l'explication par l'éponge »[41], déficience due à ce que les images — dites « primitives »[42], « puériles »[43] — prennent la place d'une véritable connaissance, ce qui en fait un « obstacle épistémologique ». Obstacle à la pensée, objet primitif et idiot, la métaphore n'a pas droit de cité dans la Science. Idiot, d'autant plus qu'il se rattache à tout ce à quoi l'idéal de l'« éducation scientifique s'oppose », selon Paul Feyerabend, qui la décrit comme un « lavage de cerveau »[44] contre tout ce qui se rapporte un tant soit peu à ce qui lui est étranger :

«L'éducation scientifique que nous connaissons aujourd'hui a précisément ce dernier but [ : se soumettre à des règles strictes et immuables]. Tout d'abord, un domaine de recherche est défini. Ce domaine est séparé du reste de l'histoire (la physique par exemple, est séparée de la métaphysique et de la théologie) et reçoit une « logique » qui lui est propre. Une formation poussée dans une telle « logique » conditionne alors ceux qui travaillent en ce domaine ; cela rend leurs actions plus uniformes, et cela fige aussi de larges pans du processus historique. […] La religion d'un individu, par exemple, ou sa métaphysique, ou son sens de l'humour (son sens « naturel » de l'humour, et non cet humour de chapelle assez désagréable que l'on trouve dans certaines professions spécialisées) ne doivent pas avoir le moindre lien avec son activité scientifique. Son imagination est entravée, et même son langage cesse de lui appartenir.[45] »

La métaphore, fondée sur un principe de substitution, et donc sur l'intervention d'un élément étranger au signifié dans son signifiant ne peut être acceptée dans une discipline fondée à la fois sur la rigidité des frontières et sur la rigidité du langage. La hiérarchie entre expression propre et impropre est donc, à ce niveau, flagrante.

Le second point autour duquel une hiérarchie se noue vient du fait que le signifié propre des désignations en question est un objet valorisé : la Science même, l'Arkhè. Le jeu de la hiérarchie se complexifie : d'une part la valeur d'une séquence est plus grande quand aussi bien son signifié que son signifiant renvoient à l'objet valorisé que quand le signifiant de valeur vient enrichir un objet au départ moindre. D'autre part, le thème en question étant la Science — forme arkhè-typale de la connaissance, ce au nom de quoi la métaphore est dégradée par l'épistémologie — la dégradation de l'emploi métaphorique d'un vocabulaire scientifique est doublée.

Le geste transarchiste de poésie transgraduelle, qui met sur le même plan les emplois propres et impropres, qui égale la visée épistémique à tous les autres buts d'un usage linguistique, consiste donc en la mise à plat d'une hiérarchie. La subversion est d'autant plus forte que la Science est transportée par le poète transgraduel dans des lieux que l'épistémologie lui juge contraires. L'Arkhè, hors hiérarchie, n'est plus première, et n'est donc plus à même d'être Arkhè : c'est l'an-archie. Le A privatif a doublé la majuscule de l'Arkhè, tandis que Schaeffer derrière le Portrait du roi, émajuscule la Science.

L'usage du modèle Scientifique dans Pourquoi la fiction ? fait donc l'objet d'un véritable retournement. Le modèle Scientifique perd sa valeur d'Arkhè dans le geste poétique qui devait réaliser son fantasme monarchique d'omniprésence et d'omnipotence. Dans cette eucharistie que l'anarchie a fait rater, la bonne nouvelle, c'est que le geste théorique peut rester libre de son modèle s'il s'autorise à la poésie. Schaeffer a-t-il réellement conscience de cette agentivité lorsqu'il la met en œuvre ? Ou a-t-il été véritablement contaminé par un modèle dont il critiquait en 1989 les usages gratuits chez les théoriciens du genre littéraire[46] et qui dirige le parcours de ses ouvrages les plus récents ?[47] Laissons-lui peut-être ce secret en nous réjouissant de l'apaisement qu'il pourrait permettre entre les savoirs.



Marion Bianconi (Doctorante à l'Université Sorbonne nouvelle) 2020

Mis en ligne dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula en octobre 2022.

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[1] Je remercie vivement Tiphaine Samoyault qui m'avait autorisée à intervenir sur ce sujet dans son séminaire de Master « Avons-nous des modèles ? Réflexions sur l'autorité » à la Sorbonne Nouvelle le 23 novembre 2020, et dont la relecture m'a beaucoup aidée. La réflexion ici présentée est antérieure à la parution du livre de J.-M. Schaeffer, Les Troubles du récit. Pour une nouvelle approche des processus narratifs (Th. Marchaisse, 2020).

[2] « Principe », Vocabulaire européen des philosophies : Dictionnaire des intraduisibles, dir. Barbara Cassin, Paris, Le Robert & Seuil, 2004, p. 1022.

[3] Ibid., « Le principe, arkhè […], principium, est ce qui commence et ce qui commande, les deux sens étant noués en grec comme en latin. »

[4] Voir notamment : Nathalie Kremer, « Entretien avec Philippe Caron », Fabula-LhT, n° 8, « Le Partage des disciplines », mai 2011, URL : http://www.fabula.org/lht/8/caron.html, page consultée le 26 mars 2021. Philippe Caron y évoque notamment « l'antonyme caché, “ sciences molles ” » des sciences dures.

[5] Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1999.

[6] « On a eu tendance à concevoir la classification générique sur le modèle de la classification biologique », Jean-Marie Schaeffer, Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?, Paris, Seuil, 1989, p. 70.

[7] « En ce qui concerne notre attitude face à la fiction, nous sommes toujours contemporains de Platon » (Pourquoi la fiction ?, éd. cit., p. 12.) remarque Schaeffer à propos des attaques sur les jeux vidéo.

[8] Ibid., n. 58, p. 107.

[9] Nous pouvons ici parler de modèle en ce que Schaeffer imite le biologiste dans le même but que lui. C'est un modèle homologique selon sa propre terminologie, sur laquelle nous revenons plus loin.

[10] Sur ces questions, nous nous sommes principalement aidée du Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences (Dominique Lecourt, Thomas Bourgeois, Paris, Presses universitaires de France, 1999).

[11] Pourquoi la fiction ?, éd. cit., p.183.

[12] Ibid., p. 185.

[13] Id., p. 187.

[14] Louis Marin, Le portrait du roi, Paris, Minuit, coll. « Le Sens commun », 1981, p. 11.

[15] Ibid., p. 12.

[16] Id.

[17] Id., Louis Marin revient à de nombreuses reprises sur cette phrase produite par la logique de Port-Royal.

[18] Id., p. 40.

[19] Id., p. 41.

[20] Pourquoi la fiction ?, éd. cit., p. 64.

[21] Ibid., p. 77. Nous évoquons plus bas l'autre définition, fondée sur la causalité.

[22] Id., p. 98.

[23] Id. p. 98.

[24] L'analyse de la pensée de Jean-Marie Schaeffer a plongé notre démarche dans une spirale où elle forme une boucle sans fin : penser l'analogie comme une analogie, utiliser, de façon tout à fait analogue, la catégorie « analogie » développée par Schaeffer pour penser cette analogie de l'analogie, etc. Pour comprendre la façon dont se déploie la réflexion schaefferienne, il semble qu'il faille insensiblement se laisser prendre au jeu.

[25] Ibid., p.216-217.

[26] Il est important de souligner qu'en biologie, l'analogie et l'homologie concernent le rapport entre deux espèces, donc deux objets entre lesquels il n'y a pas de différence hiérarchique. En revanche, s'agissant de l'imitation, elle concerne le rapport entre deux objets dans une relation de différence hiérarchique : le modèle (premier) et son imitation (seconde).

[27] Ibid., p. 167.

[28] Le poids des travaux du psychanalyste Didier Anzieu sur la pensée des années 1990 est nettement lisible dans cette métaphore, qui n'est pas sans rappeler le « moi-peau ». La limite externe qu'est la peau, trouve son correspondant interne dans la membrane, une fois l'homme ouvert et le cerveau disséqué. (Voir Didier Anzieu, Le moi-peau, Paris, Dunod, 1995).

[29] Ibid., p. 35 : « Si un mauvais choix d'objet peut être dangereux, c'est parce que les comportements réels risquent d'être contaminés par les comportements répréhensibles, Platon note que si ces imitations sont à proscrire c'est afin d'“éviter que la contagion de cette imitation ne gagne la réalité de leur être ”». Les occurrences sont soulignées par nous. La traduction citée par Schaeffer est celle d'Émile Chambly publiée en 1930 aux Belles Lettres.

[30] Ibid., p. 24.

[31] Id., p. 33.

[32] Id., p. 46.

[33] Id., p. 66-67.

[34] Id., p. 137.

[35] Id., p. 38.

[36] Le Portrait du roi, éd. cit., p. 14.

[37] Voir ci-dessus, n. 23.

[38] Roman Jakobson, « Linguistique et poétique » dans Essais de linguistique générale. 1. Les fondations du langage, Paris, Minuit, coll. « Reprise », 2003, p. 220.

[39] Louis Aragon « Histoire d'un manuscrit tant de fois mis en terre », cité par Carine Trévisan dans Aurélien d'Aragon : un « nouveau mal du siècle », Besançon, P.U. de Franche-Comté, 1996, p. 181.

[40] Nous nous inspirons ici de la démarche de Jean-Yves Tadié dans Le Récit poétique : « Si nous reconnaissons, avec Jakobson, que la poésie commence au parallélisme, nous trouverons, dans le récit poétique, un système d'échos, de reprises, de contrastes qui sont l'équivalent, à grande échelle, des assonances, des allitérations, des rimes » (Jean-Yves Tadié, Le récit poétique, Paris, Gallimard, coll. « Tel 240 », 1994, p. 7)

[41] Gaston Bachelard, « Un exemple d'obstacle verbal : l'éponge. Extension abusive des images familières », dans La formation de l'esprit scientifique : contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris, Vrin, 1969, p. 75.

[42] Ibid., p. 73.

[43] Id., p. 82.

[44] Paul Feyerabend, Contre la méthode. Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance, Seuil, 1988, p. 15-16.

[45] Id.

[46] Qu'est-ce qu'un genre littéraire ?, éd. cit. Voir notamment la critique qu'il fait de l'usage des sciences naturelles par Brunetière.

[47] Voir notamment Jean-Marie Schaeffer, L'Expérience esthétique, Paris, Gallimard, coll. « NRF essais », 2015 ; et plus encore : Les Troubles du récit. Pour une nouvelle approche des processus narratifs (Th. Marchaisse, 2020), où l'objet se resserre sur le nœud bio-psychologique à l'origine des processus narratifs, et qui mériterait à lui seul un autre article.



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Dernière mise à jour de cette page le 11 Octobre 2022 à 11h37.