Atelier


On lira ici l'appel à contribution du séminaire «en résidence» organisé par l'équipe Fabula du 7 au 11 septembre 2009, à Carqueiranne (83), en partenariat avec le projet HERMÈS, coordonné par Françoise Lavocat.



Lire contre l'auteur. Pour (ou contre?) une lecture contrauctoriale.

Le tuer? C'est fait… Le ressusciter? C'est en cours et assez bien porté… Le respecter, être à l'écoute du moindre détail de son intention, subjugué par son autorité dont se pare comme d'un droit à écrire ou à parler? On ne fait que cela depuis des siècles. L'inventer? Pourquoi pas, pourvu que sa figure remodelée accompagne et conforte notre lecture.

Mais attaquer l'auteur de front au moment où on lit, non pas en l'ignorant mais en prenant le contre-pied de ce qu'il à dire ou à écrire de son œuvre, prendre le propos auctorial à rebrousse-page et trouver dans cette contestation l'assurance de bien lire ou de lire, en tout cas, de manière acceptable, voilà qui peut sembler plus incongru ou vain.

Pourquoi donc faudrait-il ou pourrait-on lire contre l'auteur? C'est la possibilité de cette herméneutique contrauctoriale que l'on aimerait explorer et interroger, sinon fonder.


En quoi l'auteur est soupçonnable ou pourquoi lire contre l'auteur?

Lire contre l'auteur c'est supposer d'abord que le discours de l'auteur sur son œuvre est suspect et ce sont les raisons de cette possible suspicion qu'il convient d'abord d'établir. Où l'on se demandera si toute déclaration auctoriale sur l'œuvre ne participe pas déjà de son effet ou de sa poétique et si ce n'est pas tomber dans le piège d'une stratégie d'écriture, à commenter comme tout autre procédé, que d'y prêter foi sans plus de critique. Où l'on interrogera la part d'autorité prêté à l'auteur contre celle prêtée, moins souvent, au lecteur ou au critique. Pourquoi un auteur saurait-il mieux qu'un autre se lire? Et la capacité à créer une œuvre garantit-elle la capacité à la lire?


Lecture contrauctoriale mode d'emploi: Où et comment?

Lire contre l'auteur c'est ensuite s'interroger sur les lieux où se trouverait les discours de l'auteur que l'on veut contester. Si l'on comprend que s'opposer à un discours préfaciel ou à une déclaration d'intention c'est en effet lire contre l'auteur, qu'en est-il d'un refus de prendre en compte la morale affichée du texte, de contester son programme ou sa structure, de remettre en cause l'effet qu'il semble vouloir provoquer. Jusqu'à quel point lit-on contre l'auteur?


Contre l'auteur mais pour qui et contre quoi?

Lire contre l'auteur c'est surtout poser soit qu'il existe une autorité supérieure à celle de l'écrivain, soit que la lecture n'a pas être autorisée. Or peut-on lire sans être autorisé ou en s'autorisant de son indiscipline et qu'en est-il de la validation d'une lecture contrauctoriale?

C'est aussi s'opposer non pas seulement à l'auteur mais peut-être tout simplement à des exigences implicites que masquerait le respect de l'auteur: ainsi peut-on opposer l'auteur à lui-même, son projet local à son projet global, et renoncer ainsi à l'idée d'une cohérence et d'une unité de la figure auctoriale.


La lecture contrauctoriale comme expérimentation

Surtout lire contre l'auteur cela serait ouvrir un champ nouveau d'expérience pour la lecture littéraire, se demander et observer ce qui arrive quand on s'oppose de front à l'auteur, quels chemins nouveaux s'ouvrent ou ne s'ouvrent pas dans le texte, ce qui s'éclaire ou ce qui s'obscurcit, ce que l'on y découvre dans le texte que l'on n'aurait pas pas trouvé autrement.

A moins qu'il existe en effet déjà des lectures contrauctoriales que nous ne savons pas voir et qui attendent d'être repérés et désignés comme telles. Expérimentation alors mais dans le champ historique pour faire esquisser un récit inédit de la lecture, animé par le fil d'une opposition à l'auteur.


A moins que…

A moins que déjà l'auteur, ou, en tout cas, certains auteurs, n'aient déjà prévu et paré la contradiction soit que déjà ils écrivent contre eux-mêmes et programment ainsi une lecture d'opposition à leur intention déclarée, soit qu'ils déclarent ironiquement une intention que ne peut soutenir la lecture de l'œuvre, obligeant le critique à s'opposer à lui pour lui être fidèle.

A moins que encore nous ne puissions après tout nous passer de l'auteur. Contre l'auteur, c'est donc un contrauteur qu'il faudra présenter, soit qu'on oppose l'auteur à lui-même soit que l'on forge la figure de l'auteur propre à contrer l'auteur….

Il n'est pas si certain que l'on puisse lire contre l'auteur, mais nous ne le saurons que quand nous aurons ouvertement et sérieusement, essayé de le contrer….


Pages associées: Lecture contrauctoriale, Auteur.


Sophie Rabau

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Dernière mise à jour de cette page le 29 Octobre 2009 à 14h38.