Atelier



Le (dé)goût du musée ? Un florilège littéraire

par Isabelle Roussel-Gillet
(Université d'Artois)


Inédit, le présent essai fait suite à l'anthologie de « visites au musée » éditée par Isabelle Roussel-Gilet et Serge Chaumier sous le titre Le Goût du musée (Mercure de France, 2020). Il est reproduit dans l'Atelier de théorie littéraire avec l'aimable autorisation de son auteur.




Dossiers Peinture, Description.





Le (dé)goût du musée ? Un florilège littéraire


Les écrivains contemporains situent des passages romanesques au musée sous l'effet conjugué de la place qu'occupe cette institution proliférante dans le paysage culturel et de commandes qui leur sont directement adressées pour écrire le musée. Outre des usages des musées bien plus ancrés au XXIe siècle qu'au XIXe siècle, avec notamment la création de services des publics et la visite de scolaires captifs, des facteurs éditoriaux stimulent leur présence dans les textes littéraires : l'explosion du secteur jeunesse et les commandes de livres par les musées eux-mêmes. D'une part, les romans jeunesse et polars sont en effet friands de scènes au musée, en particulier de crimes et de nuits, en section égyptologie ou beaux-arts de préférence. D'autre part, les musées stimulent des collections : « Une nuit au musée », chez Stock[1] par le musée Picasso qui demande à des écrivains d'y passer une nuit, ou « Récits d'objets », chez Invenit en coédition avec le musée des Confluences qui sollicite un écrivain afin qu'il écrive à partir d'un objet choisi dans la collection. Cette dernière série est, qui plus est, pensée comme propice au geste de collection par son offre de coffret collector. Ces mises en situations de l'écrivain provoquent des méditations existentielles, notamment sur la mort – et donnent souvent lieu à des passages plus proches de l'essai dans une littérature contemporaine hybride qui se passe souvent d'assignation générique.


Si le musée devient un lieu de la fabrique du littéraire, c'est aussi pour varier les points de vue sur lui-même, grâce à des écrivains de premier plan ou à des concours d'écritures lancés dont le musée co-édite les productions sélectionnées par un jury. Quand bien même s'agit-il d'une commande, le texte n'est pas à la solde d'un simple objectif promotionnel. Il ne s'agit pas d'écrire un guide, à la manière du Musée du Louvre de Théophile Gautier en 1867[2], dans le genre d'un « musée imaginaire », parcours des salles d'un musée conçu comme un « sanctuaire de l'art » sous le Second Empire, jouissance des formes et couleurs de la peinture des maîtres italiens ou hollandais.


Conçue avec Serge Chaumier, notre petite anthologie Le Goût des musées (2020)[3] offre un aperçu de manières d'écrire le musée, du XIXe à nos jours. Notre choix de textes littéraires évoquant le musée – comme lieu symbolique ou d'intrigue – se concentre dans le présent article uniquement sur le récit du XXIe[4] où le musée devient le décor d'intrigues, bien plus qu'il ne l'était au XIXe. Ainsi Luce Abélès[5] ne mentionne que dix romans publiés entre 1800 et 1920 où la scène au musée est significative et où le mot « musée » n'est pas qu'une simple occurrence dans une énumération. Les récits au XXIe, pris au sens large, certes plus nombreux à faire du musée un lieu où se rencontrent et évoluent les personnages, restent néanmoins rares quand il s'agit d'en faire le but ultime du récit sinon Le Musée du silence d'Ogawa[6], qui évoque la création d'un musée particulier. Dans la production de romans publiés après 2000, le musée est-il, de fait, comme s'interroge Marie-Sylvie Poli[7], le lieu d'un épisode ou un personnage à part entière, comme Notre Dame de Paris chez Victor Hugo ? Le musée est plus qu'un décor, il est le lieu d'un quasi huis-clos chez Bernhard (Maîtres anciens, 1985), Rezvani (L'Origine du monde, 2000), Beaujon (Le Patrimoine de l'humanité, 2006) ou Millhauser (Le Musée Barnum, 1996), dont les romans se passent presqu'entièrement dans un musée que l'on peine à quitter et dont la topographie structure le récit, des combles pour s'envoyer en l'air aux réserves pour fumer un joint. Dans ces trois cas, il n'est ni un lieu de passage (pour une scène collective aussi singulière que chez Zola ou pour un trépas chez Proust) ni un prétexte, voire un leurre, au double sens, comme chez Barnes, qui écrit sur Flaubert plutôt que sur son musée[8].


Au prisme du premier livre abordé dans le présent article, Marcher jusqu'au soir de Lydie Salvayre (2019) écrit au musée Picasso, nous proposons d'examiner si le musée est comme au XIXème un miroir grossissant de la société ou s'il devient un lieu d'interrogations engagées sur des enjeux plus larges que le capital culturel en exercice ? Est-il lieu d'expérience, et, si oui, de quelle nature ? Pour ce faire, nous reprendrons ici certaines topiques identifiables qui structurent notre anthologie : l'approche sociologique du visiteur, le rapport à la mort et au mausolée, l'expression d'un imaginaire fantasmatique et l'allusion aux logiques spéculatives sur les objets ou œuvres. Autant d'enjeux — sociologiques, existentiels, esthétiques, économiques et politiques — dont la scène au musée est révélatrice.


L'intérêt de croiser muséographie et littérature contemporaine consiste également à savoir ce que le musée fait à la littérature, en ne s'arrêtant pas à la seule lecture de l'expérience de visite mais bien à l'enjeu de cette dernière dans l'économie du récit. Comment peut-il permettre à une intrigue de se développer tant il est hors sol, hors temps, à en pouvoir geler le récit ? Devient-il un levier de fiction qui permette d'être un lieu véritablement romanesque, pour quelles intrigues ? Et plus largement qu'est-ce qui fait scène au musée ? Et plus précisément ici, qu'est-ce qui fait scène d'anthologie du roman du XXIe (du XIXe on le sait déjà, deux passages au musée de Proust et Zola sont devenus anthologiques) ? Aussi, il nous appartiendra de prendre du recul par rapport à notre propre manière de choisir des textes littéraires contemporains se situant au musée, qui fassent « anthologie », ce qui est aussi un geste signifiant.


Quel affect au musée ?


Les récits qui nous occupent ne font pas du musée un simple décor en arrière-plan mais un déclencheur d'affects, que ce soit la colère, avec des accents de manifeste chez Lydie Salvayre, ou la mélancolie, chez un Philippe Forest (L'Enfant fossile, 2014), parfois lyrique lorsqu'il pense l'archéologie des temps passés.


Chez l'une, le musée est un traque-narre, un traque-émotions qui confronte à soi, au point de faire monter une colère refoulée. La genèse du livre, une commande du musée Picasso, a une incidence sur le « résultat » ; celui de se cabrer devant la commande. Le livre ne sera pas un éloge à la solde du musée, tant Lydie Salvayre est d'abord rétive au projet, réticence qu'elle surexpose, tout en différant le projet à force de métatexte, de refus d'être prise au plaisir du privilège d'une nuit au musée, fantasme hors sujet pour elle. Plutôt que de simples figurations d'une œuvre ou du lieu – comme ce fut le cas pour de fréquentes commandes du Louvre (BD, nouvelles), qui peuvent se rapprocher du placement de produits[9] –, elle commence par lister ce qui l'insupporte dans un musée de beaux-arts. Rebelle, elle privilégie tant Giacometti à Picasso, partageant pour une exposition une « coloc imposée »[10], que la figure de la marche à celle de l'assignation. Son vrai moteur d'écriture est bien l'affect, – musée, je te hais – comme chez Thomas Bernhard, ou l'ennui.


Ennui qui a par ailleurs donné lieu à des métonymies : le musée réduit au divan[11] (Beaujon) ou à la banquette (Bernhard) ! Qu'un visiteur s'attitre en quelque sorte une banquette est un rituel, que celle-ci occupe l'attention du gardien plus qu'un chef d'œuvre devient un élément satirique parmi d'autres dans le pamphlet à charge contre le musée qu'est Maîtres anciens. Au passage il s'agit peut-être de souligner la hiérarchie interne au musée, voire la méconnaissance d'une directrice de ses usagers : « Je ne crois pas, […], que la direction du Musée d'art ancien soit au courant du fait que depuis plus de trente ans, M. Reger vient tous les deux jours ici, au musée, pour s'asseoir sur la banquette de la salle Bordone […] »[12]. Mais cette insistance sur la banquette est à double détente dans la trame narrative. Le persiflage incessant sur les visiteurs en groupes qui « traversent » le musée comme au cimetière pour vénérer quelques chefs-d'œuvre se conclut sur une réflexion plus existentielle : l'épouse de Reger est morte en allant au Musée d'art ancien. Sans que la comédie ne tombe dans la sentimentalité, il est précisé que c'est sur la même banquette qu'il avait rencontré sa femme que Reger revient s'asseoir. Dans sa solitude, « […] tous ces tableaux sont l'expression de l'impuissance absolue de l'homme à se débrouiller avec lui-même et avec ce qui l'entoure durant toute sa vie. » Bien que ce récit publié en 1985 soit antérieur aux récits du XXIème, il nous semble incontournable d'en souligner l'affect de colère, que l'on retrouve chez Lydie Salvayre, par ressacs, liés à la honte de sa classe sociale, colère difficile à « aiguiller […] vers des sujets plus altruistes et généreux »[13] comme la guerre du Vietnam.


Sur le plan littéraire, Lydie Salvayre évite les poncifs d'une entrée en matière soit par le musée lui-même (le British Museum de Lodge, le grand musée de Rezvani[14]), soit par l'ekphrasis d'une œuvre, soit encore par la critique d'art, même subjective, si typique des XVIIIe et XIXe siècles animés par le goût de la peinture. C'est son affect qu'elle met à l'incipit. Ce qui fait écrire : la colère. Et cette colère se décline, la première contre l'institution en révèle progressivement une autre plus profonde, intime, comme chez Reger. La première colère exprimée s'éprouve aussi contre une forme de prostitution de l'artiste en général, et la conduit au choix de mettre Baudelaire en exergue : « Qu'est-ce que l'art ? Prostitution. », formule incisive qui se rapporte autant aux œuvres exposées qu'à elle-même, écrivain jugée à sa « prestation télé »[15]. « REGARDER ces œuvres m'est une corvée et je me fais violence en continuant cette expérience à la con »[16]. Écrire peuple participe bien sûr de la transgression d'un lieu élitiste. C'est que le musée est un déclencheur de « souvenirs de honte » sociale[17]. Lydie Salvayre évoque cette honte, éprouvée autrefois lors d'un repas mondain où elle entend une convive dire à son propos : « elle a l'air bien modeste ». La sculpture L'homme qui marche lui fournit alors sa revanche : célébrer la modestie de Giacometti, ériger la modestie en valeur au-delà d'un stigmate social. Oubliée la honte, oublié le musée, place à la vie du sculpteur. La colère est aussi l'affect de son père, lors de scènes familiales qu'elle relate. Et le récit devient autobiographique, et autorise ce niveau de lecture de l'intime. Le musée reste un lieu idéal pour pointer la distinction sociale, la « supériorité »[18] de certains (se parer du capital culturel valorise tel personnage, donner un statut de VIP, d'habitué). Certains venant au musée pour affirmer « je ne sais quel prestige social ou je ne sais quel gage de supériorité sur le commun des incultes, ma défiance trouvait enfin, cette nuit-là, sa pleine et entière satisfaction »[19].


C'est ainsi que la quatrième de couverture mentionne directement « le pouvoir d'intimidation de la culture », et que l'autrice cite au fil du texte les dévots de l'art, que Baudelaire appelle la « canaille artistique »[20]. Avec elle, le musée n'est pas le lieu du commun.


Le visiteur à la loupe, chronique sociologique


Le musée semble d'abord un reflet de son temps : au XIXème, l'écrivain s'attache au copiste, à l'artiste, à l'homme de goût, au critique d'art quand, au XXème et XXIème, il introduit le gardien, l'artiste en représentation voire en performance au vernissage. Zola croquait déjà le visiteur tout comme Henri James, dont L'Américain[21] se fie à une méthode systématique pour appréhender le lieu en suivant les recommandations d'un guide touristique pour ne rien rater des œuvres à voir. Le musée est un lieu d'usages codés et Luce Abélès note que visiter le musée est, au XIXe, une pratique élitiste[22]. Si sous la plume d'Émile Zola, Le Louvre devient le théâtre des habitus de classe, où les ouvriers et petits commerçants sont dépourvus des codes en vigueur, l'écrivain du XXe révèle d'autres comportements que ceux des classes populaires, à l'instar d'un Thomas Bernhard, qui tourne en dérision les groupes de touristes, les guides, les représentants de l'État et le mauvais goût des lignées de princes ou ministres.


Nathalie Sarraute[23] pointe le lieu comme symbolique du SAVOIR, qui tend à se confondre avec l'école pour apprendre. De ce sceau du SAVOIR, capital disponible dont on peut se prévaloir, peut-on se défaire pour en faire sens ? Eric Reinhart[24] active le paradoxe d'une impossibilité à se débarrasser du prisme de l'histoire de l'art. Dans une nouvelle, commandée par Le Louvre, un libraire donne rendez-vous dans ce musée à une historienne de l'art dont il est amoureux : « Je lui avais demandé si elle accepterait de choisir un tableau au Louvre, un tableau dont elle aurait envie de ME parler, de ME parle à moi, avec le ME en capitales. »[25] Et la visite de se transformer en examen de passage pour l'amoureux face à l'érudite. Malgré ce que l'érudite en dit : « J'aurais pu te proposer un tableau qui m'aurait permis de t'administrer une merveilleuse leçon d'histoire de l'art. Le ME en capitales m'interdisait de jouer avec toi au professeur. J'ai donc choisi des œuvres qui me touchent pour des raisons personnelles. »[26] Elle choisit donc deux œuvres qui renvoient à l'inquiétude et au mystère. Le dialogue rapporté entre cette critique d'art reconnue et son admirateur montre qu'elle ne parvient pas à se dégager de la leçon, quand bien même la nature morte choisie[27] résiste aux codes. Le désir de l'un est absorbé par l'épistémophilie de l'autre. L'interprétation érudite fait écran, peut-être pour mieux se dérober à l'éventualité d'un rendez-vous amoureux ; la relation au tableau, plus qu'une « allégorie de la relation amoureuse », en est son substitut. L'intrigue amoureuse ne prend pas. La tentation de l'essai ralentit la fiction, ici à renfort de suspension du sentiment au profit de l'ekphrasis et de l'émotion esthétique. Chez Kamel Daoud[28], écrivain algérien, plus encore, l'essai - méditation sur l'érotisme et sur l'absence de musée en pays arabes - absente la fiction (« l'impossibilité du musée dans ma culture »[29]. Ou plutôt il la pense encore mieux dans ses enjeux politiques : « Le rapport au réel et à la mémoire est conditionné par une fiction collective, un récit qui n'admettra jamais ces brèches que vont constituer les « collections » et les arts ou traces anciennes dans ce monologue sur soi »[30]. « Le musée est une invention occidentale, la démocratisation de la collection privée de l'Empereur ou du Puissant. »[31]


Le musée à mort, lieu de méditation sur le temps


Tout le geste de Lydie Salvayre, résiliente d'un cancer, est d'écrire la vie, d'où sa diatribe contre l'œuvre devenue hors-sol à partir du moment où elle est conservée, et devient dès lors à ses yeux un art séparé de la vie[32]. Et elle écrit avec flux, force, énergie vitale ; elle repasse par le feu de l'écriture pour échapper à ce poids des morts. Cette association du musée aux cimetières est un lieu commun littéraire, certes. Il n'en est pas moins tissé au récit personnel dans les œuvres du XXIe les plus fortes. Quand Luce Abélès écrit que « la mémoire des siècles fait du musée un lieu spectral, propre à séduire les imaginations décadentes du siècle finissant.[33]», il peut être question de décadence du XXe siècle chez Michel Houellebecq, mais aussi de récits singuliers, intimistes comme chez Philippe Forest. Si les restes archéologiques ont suscité des écritures de polar, cet écrivain s'en tient à une dent, pour méditer sur la mort, à travers un fossile daté de -38 000 ans, le fragment d'une mâchoire d'enfant âgé de 5 ou 6 ans, plus précisément une dent découverte lors de fouilles en 1933 que l'on nomme « la mâchoire de La Quina » ! Son récit L'Enfant fossile évoque l'enfance de l'écrivain, son rêve de devenir archéologue, ainsi que la passion qui pousse à fouiller le passé, passion d'archéologue ou d'écrivain sur la trace de ce qui a été, tous deux « fouillant les fonds de notre propre histoire dans l'espoir d'en déterrer le trésor d'un souvenir parmi un amas désolé de déchets, mais sachant bien que toute trouvaille n'est jamais que le fruit des fables auxquelles nous feignons d'accorder foi. »[34] Que Philipe Forest choisisse un os d'enfant renvoie aussi à son histoire intime, la perte de sa fille, décédée au même âge que l'enfant de la Quina. Il l'évoque avec pudeur, par deux fois, pour superposer les mains négatives et l'empreinte de la main de sa fille faite à l'école. Le musée est ce lieu fossile où méditer sur la disparition, la perte, la vanité et où retenir l'absence, « la forme fossile de ce qui n'est plus, mais qui, cependant, pour l'éternité, un jour aura été »[35]. Le musée ne fait pas écran : après avoir servi de truchement à la rêverie mémorielle, il est évincé par l'écho intime.


Le musée embrayeur de réflexions ou déclencheur de fantasmes ?


Introduire la question des tâches réalisées au musée (plus que de centrer le récit uniquement sur les objets exposés, désirés, adorés, volés), c'est moins rendre visibilité aux petits métiers que prendre le chemin fantasmé des coulisses : gardien, et si peu de femmes de ménage (sauf dans les ébats chez Rezvani), agent de sécurité, jusqu'aux spécialisations les plus improbables comme l'hygrométreur. Les métiers dévolus aux femmes sont le plus souvent ceux de gardienne, restauratrice, modèle, guide érudite, experte cérébrale. Alors que fait donc le musée à la fabrique de l'imaginaire ?


Lydie Salvayre, pas plus que Kamel Daoud, ne se lancent dans la fiction. La première propose juste quelques flashs pour imaginer une partie de foot entre les statues pour se désennuyer, « opérer un dribble »[36]. Mais « Aucune des sculptures que j'avais abordées dans cet esprit sportif ne me fit le moindre signe et aucune ne parut juger mes dribbles sinueux dignes d'attention de la moindre attention ». Toute velléité romanesque se dissout dans le lieu gelé. Les deux auteurs au musée Picasso mêlent surtout autobiographie et réflexions sur le musée. Car le propre du musée serait de faire penser, de s'élever !


À ses risques, aussi, puisqu'il peut servir des fins politiques. Le musée n'a pas vocation qu'à faire recette, il témoigne de la puissance et de l'idéologie de son commanditaire. Combien de présidents français ont choisi de laisser trace par l'édification d'un lieu muséal ? (le quai Branly et Chirac, la pyramide du Louvre et Mitterrand…)


Dans le thriller à la sauce ésotérique, Origne de Dan Brown, Robert Langdon, spécialiste d'iconographie, visite la péninsule ibérique et découvre l'architecture du Musée Guggenheim de Bilbao réalisée par Franck Gerhy : « Le musée semblait être sorti de l'esprit d'un Alien – des formes de métal torturées assemblées de façon aléatoire. Avec ses trente mille plaques de titane qui luisaient comme autant d'écailles de poissons, cette masse chaotique avait quelque chose à la fois d'organique et d'extraterrestre, comme si un Léviathan futuriste était sorti des eaux du fleuve pour se chauffer au soleil ». […] « À mesure qu'on approchait de la façade, celle-ci semblait se métamorphoser. »[37] Nul étonnement alors qu'il enchaine sur la sculpture de brouillard de Fujiko Nakaya, puisque « Suivant les conditions climatiques, l'œuvre n'était jamais identique d'un jour à l'autre. »[38] L'anthropomorphisation de la « créature vivante », d'une « gueule de dragon » se double d'une objectivation en « vaisseau flottant ». Ces métaphores somme toute conventionnelles réduiraient le lieu à n'être qu'un geste architectural, si bien des pages plus loin, le roi n'adressait à son fils le discours suivant : « Quand tu seras roi, je prie pour que tu réussisses à convaincre notre glorieux pays de faire de ce lieu un grand mémorial – qu'il ne soit plus un sujet de contrôle ou une simple attraction touristique, mais un symbole puissant pour toutes les nations. Cet endroit doit devenir un musée vivant. Un monument dédié à la tolérance universelle, où les écoliers se rassembleront pour ne pas oublier la cruauté et l'horreur de la tyrannie, et apprendre les vertus de l'humilité »[39]. Le musée répondrait à des enjeux politiques, à des idéaux élevés.


Pas seulement ! Pour d'autres, il peut devenir le théâtre de fantasmes : fumer un pétard, prendre de la coke, baiser... avec Beaujon, et baiser encore avec Rezvani, dans une mise en abyme très subtile des effets de la toile L'Origine du monde. Avec Beaujon, la fable sociale vire à la farce déjantée : visiteurs assoiffés d'open museum, musée coté au « daune jaune », secrets des bas-fonds abritant un trafic de cocaïne entre gardiens, portrait cocasse de gardienne en SDF, prise d'otages… Ce n'est d'ailleurs que sous l'emprise de la cocaïne que les œuvres semblent « jolies »[40] et que le « chef d'œuvre méconnu du musée » s'avère être la poitrine d'une gardienne ! Thanatos dans le polar et Eros dans le roman, rien que de très viscéral. Les fantasmes comme celui attendu de voler un tableau sont plus subtils quand il s'agit de méditer sur la retouche de la restauration, pensée comme une atteinte à l'orignal. (Rezvani).


Un autre fantasme qui consiste à vandaliser une œuvre peut s'accomplir dans un passage à l'acte. Quand le roman Déchirures de Chloe Aridjis (2013) passe du crack (crise cardiaque d'un gardien) à la lacération au couteau d'une toile (geste féministe vandalisant une représentation de femme) puis à la craquelure imputable au temps, la focale se déplace de la gardienne à la restauratrice, ainsi que de l'organique à la surface du tableau. La toile Vénus à son miroir dont il est question est la métonymie d'un musée à son miroir, tout à son reflet. C'est tout le musée, et non seulement la matière de la toile, qui appelle la « libération d'une tension » inhérente au temps[41]. La narratrice, gardienne qui donne sa démission, finit aussi par détruire son propre musée miniature intime. En effet, elle supprime l'exposition sur une étagère des dioramas qu'elle fabrique chez elle. Et leur absence ne cesse de l'inquiéter que lorsqu'elle pose des livres sur cette même étagère. Comme si le musée, fut-il miniature, rendait à la littérature sa place à la fabrique de l'imaginaire, encore.


Le musée chez les capitalistes !


Le musée légitime la côte d'un artiste ou d'une œuvre qui entre dans ses collections. Dans La carte et le territoire, de Michel Houellebecq[42], l'artiste Jed Martin vend bien, ce qui fait la joie de son galeriste. En coulisses des grandes expositions, pèsent les ventes aux enchères, la domination des « hommes d'affaires les plus riches de la planète », le jeu des spéculations, réservé à une élite financière. Du musée, il est cependant moins question dans ce roman que des galeries privées, et du medium exposition, non toujours contextualisé.


Selon Salvayre, le musée comme institution publique est un nouvel opium fomenté par le ministre des distractions, à travers des expositions qui attirent les masses pour « rendre la masse visible à elle-même afin qu'elle puisse croire en sa propre puissance »[43]. Et cette toute puissance est sans nulle doute exprimée dans la constitution même des musées européens.

Mais, depuis les années 80, « La muséologie nouvelle entretient des liens étroits avec la réflexion politique et les théories sociales, le développement de nouveaux savoirs – l'écologie, les études matérielles, l'anthropologie –, aussi bien qu'avec le postcolonialisme et le multiculturalisme »[44]. Et ces enjeux actuels sont présents dans les fictions les plus contemporaines, à tel point que le terrorisme prend même le musée pour cible chez Kamel Daoud ou Laurent Gaudé[45]. Le musée est le fruit des conquêtes coloniales chez Arno Bertina, qui publie Des Lions comme des danseuses dans une collection, « Fictions d'Europe »[46], réfléchissant au devenir de l'Europe. Son personnage, journaliste, veut rencontrer Sa Majesté, le Fo, souverain bamiléké, qui a visité deux fois le quai Branly, musée parisien consacré aux arts extra-européens. Le Fô reste perplexe quand il doit payer une entrée pour voir des objets de son propre pays. L'auteur interroge là avec humour les signes d'un pillage au-delà des biens culturels, car le système colonial a survécu dans des accords entre les multinationales européennes et les États africains. La fable a une portée bien plus large que la constitution des collections, elle évoque le rêve de brûler le « dieu Pognon », une idole bien enracinée en Europe. De ce dieu, il est question partout dans les romans qui évoquent le marché de l'art ethnique autant que celui de l'art contemporain. Il semble alors que l'œuvre ne scandalise plus, que seul le marché de l'art répugne.


Tout comme Laurent Gaudé, Arno Bertina évoque le passage des frontières, les migrants de notre temps, et sa fable imagine une Europe devenant gratuite et des conservateurs médusés face à une proposition prise pour une blague : « Si vous ne voulez pas que nous réclamions l'ouverture des frontières au nom de la propriété imprescriptible de nos totems et de nos trônes, ainsi que la gratuité des visas etc., vous devez accepter de nous confier certaines œuvres pour que nos populations puissent les découvrir facilement et dans de bonnes conditions. »[47]


Qu'est-ce qui fait scène au musée ?


Alors, de quoi la scène au musée serait-elle emblématique ? D'une stratégie du ne pas, que nous avons introduite dès le choix du roman de Salvayre. Mais encore ?


L'histoire racontée, humoristique, désamorce le romanesque qui reposerait sur des émotions et des événements, mais suppose qu'il soit encore suffisamment détectable pour permettre ce décalage, cette oblicité. Nous lisons depuis le balcon en somme. Chez Jean Echenoz[48], l'aventure de la récupération d'un trésor sur un bateau pris dans la banquise se résout dans une négligence, l'oubli d'assurer son butin. Les objets sont énumérés lors de leur découverte et conditionnement, puis sont évalués par un expert. Le vol (poncif du polar) ne donne lieu à aucune grande scène. La scène au musée, chez un collectionneur ou dans la galerie n'existe pas, car le butin échappe et, à son tour, le récit dérobe donc la scène de l'exposition. Quand Jean-Philippe Toussaint plante le décor d'un vernissage, il ménage un quiproquo, l'admirateur approchant une femme qu'il croit, à tort, être l'artiste. Il revisite le poncif de la scène de rencontre. Jeu de réplique, cette scène est redoublée quelques pages suivantes d'une autre impossible rencontre entre le narrateur et la même artiste, Marie. Et pour cause, il l'aperçoit depuis le hublot du toit au-dessus de la salle de vernissage. C'est là toute la puissance de déconstruction du récit, que de regarder la scène au balcon, qui plus est ici au sens propre. Loin du roman qui en aurait joué la surenchère, le récit s'en tient à l'ébauche, à la scène romanesque manquée, comme chez Reinhart, où la seconde rencontre entérine le raté de la première. Mais, tour de force, l'ébauche n'est-elle pas éminemment romanesque ?


Dominique Rabaté fait de la rupture de la logique rationnelle et déterministe l'une des lois du romanesque : le romanesque correspondrait en ce sens à l'« ébauche d'un développement possible que le texte casse, là où le roman aurait cherché à saturer les causalités, aurait refait du déterminisme »[49].


Les seuls romans qui nous semblent saturer de causalités sont ceux qui se déroulent vraiment au musée, du début à la fin, ceux de Rezvani et Beaujon, qui déterminent une psychologie, une obsession et celui d'Ogawa, qui cultive le mystère de l'avènement d'un musée des plus singuliers, réunissant des objets volés à chaque habitant décédé. Les scènes au musée visent de fait à la disparition : disparaître ou mourir serait la meilleure chose à faire au musée comme se fondre dans les taxidermies. Où est donc passée la puissance épiphanique ?


Alors peut-on faire anthologie ?


Le propre du prélèvement de courts textes est de les sortir de leur contexte et de considérer qu'ils forment un tout en soi, un fragment signifiant, une scène au musée, donc. Le geste n'est pas si anodin ; il institue un texte comme « pièce d'anthologie », qui induit souvent l'idée de caractéristiques, de poncifs de la représentation du musée, de tendances de genre.


Faire une anthologie modeste d'une trentaine de textes comme nous l'avons fait pour Le Goût des musées, pose aussi l'enjeu de légitimer, de choisir des morceaux « dignes » d'y figurer. N'est-ce pas reconduire le prisme sociologique ou élitiste, risquer par exemple de privilégier les grands éditeurs ou écrivains reconnus ? L'anthologue doit éclaircir ses intentions : ambition de faire connaître des oubliés et non seulement des œuvres canoniques (des grands auteurs morts de préférence[50]), donner envie de lire (l'incipit a souvent cette vocation), ou donner à penser le musée (et de composer alors un ensemble non répétitif). Comme tout recueil, chaque fragment prend un autre sens dans la mosaïque composée.


Que faisons-nous alors dans le geste du recueil : renforcer des tendances, proposer des fragments qui donneraient envie de lire, chercher l'inventivité par contraste avec les poncifs ? Notre petite anthologie assume le choix de faire découvrir des livres peu connus, des genres parfois populaires mais surtout des musées moins en vue que Le Louvre. Le recueil relève moins de l'observatoire ou de l'interprétation que du parti-pris : quel texte espérions-nous trouver dans une démarche active ? De quelle représentation[51] du musée souhaitions-nous, nous-mêmes, nous émanciper ? Quand il s'agit de détestation et de distinction sociale, s'agit-il toujours d'un musée des beaux-arts ?


Nous avons le désir de cesser d'associer systématiquement musée = musée des beaux-arts ! Dans ce recueil, nous avons rassemblé des musées des beaux-arts et d'art contemporain, mais aussi un musée de sciences, deux musées d'ethnologie, des salles d'archéologie, une maison d'écrivains, un musée du spectacle de cirque, des musées du futur ou du silence, qui eux n'existent que dans l'imagination de l'écrivain. L'imaginaire littéraire n'est pas représentatif de la variété des musées, ce qui renforce la visibilité des grands musées ce qu'a bien saisi Orhan Pamuk, adepte des petits musées[52], lui qui a créé le musée ethnologique de sa fiction amoureuse, Le Musée de l'innocence[53]. Ce qui fait scène au musée relève souvent de l'événement qui s'y produit, mais aussi de la capacité du lecteur à se représenter le dit musée, – ce qui favorise la réception de l'ironie de l'écrivain – alors, il semble que cet archétype supposé soit moins le petit musée local que le musée des capitales. À croire que le musée de proximité passe aux oubliettes.


Si le muséographe ne peut s'empêcher de scruter l'expérience de visite, d'espérer un mode d'exposition, voire un fil narratif propre à l'exposition, plus que des œuvres qui font punctum et ekphrasis, et des salles labyrinthes ou repères, le critique littéraire ne peut s'empêcher de pister la singularité d'un récit, voire ses formes de réticences à la structure narrative. Demeurent alors, peut-être, des instants épiphaniques, des pauses du récit. Et le propre du roman moderne, de J.P. Toussaint par exemple, est que ces apparitions d'œuvres sont lacunaires, et jouées sur le mode ironique. Et d'ailleurs dans son récit Nue[54], qui est exposée ou s'expose de l'œuvre ou de la femme artiste ? Des œuvres si peu décrites, la femme plus que l'œuvre ou la femme comme œuvre ? La fiction rend plurielle l'interprétation.


Ainsi du musée-écran – devrait-on dire récit-écran au sens freudien – de Thomas Bernhard dont la décharge du personnage haineux à l'encontre du musée prend une autre dimension dès lors qu'on apprend que l'épouse du personnage, rencontrée au musée, est décédée sur le chemin l'y conduisant. La stratégie narrative articule des récits, des feuilletés du temps. La structure du récit suppose de ne pas se figer soi-même en tant qu'anthologue sur une scène de dissection du musée, geste qui ne tiendrait pas compte de l'économie d'ensemble du texte, d'autant quand le musée permet de révéler des doubles scènes.


Les récits modernes enregistrent les dysfonctionnements des épiphanies. Ainsi chez Lydie Salvayre, Picasso passe à la trappe, chez J.-Ph. Toussaint les œuvres sont éclipsés par la femme artiste et la quête amoureuse, et le narrateur au final tourne autour du musée (en passant par sa salle de vidéosurveillance, son toit, son parc) et, quand il y entre, il le traverse en courant. Selon Dominique Rabaté, le rapport nouveau que « le roman entretient depuis la fin du XIXème siècle à l'instant à la fois prosaïque et magique se double du soupçon qu'il ne pourrait être qu'une illusion, un mensonge ou une fiction. Une construction du désir »[55]. Et de désir il est question à travers bien des romans abordés ici, malgré les réticences.


En définitive, que le musée soit personnage, décor ou prétexte, confine au descriptif sauf à saisir son rôle de lieu symbolique, de musée-écran, ou encore sa fonction de contre-scène, avec distance, dans la trame narrative. L'alternative revient à souligner un instant de plénitude quasi épiphanique, lyrique, assumé, ou d'en jouer avec ironie, à la manière des modernes. La première possibilité favorise une suspension atemporelle, si habituelle au musée qui immortalise les œuvres ou objets. La seconde autorise tous les écarts, la gamme des nuances, des affects moins gelés dans l'admiration. Et ces nuances livrent sans doute un portrait plus subversif du musée vu par ses contemporains. La pulsion scopique activée peut dévier d'objet. Dans le cas de ces scènes au musée, isoler le passage de son contexte, le lire en lui-même, survalorise peut-être le mode épiphanique, avatar romantique du XIXème, raison de plus pour les resituer dans la trame narrative.



Isabelle Roussel-Gillet (Université d'Artois), 2020


Mis en ligne dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula en janvier 2021.




Ouvrages cités


Luce Abélès, « Roman, musée », La jeunesse des musées - Les musées de France au XIXe siècle, Chantal Georgel (dir.), catalogue de l'exposition présentée au musée d'Orsay, à Paris [7 février - 8 mai 1894], Éditions de la R.M.N./Musée d'Orsay, Paris, 1994, p. 316-330.

Chloé Aridjis, Déchirures, Paris, Mercure de France, 2016.

Julian Barnes, Le Perroquet de Flaubert, VO 1984, traduit de l'anglais par Jean Guiloineau, Stock, 2000.

Nicolas Beaujon, Le Patrimoine de l'humanité, éditions le dilettante, 2006.

Thomas Bernhard, Maîtres anciens, 1985, traduit de l'allemand par Gilberte Lambrichs, Paris, Gallimard, 1988.

Arno Bertina, Des Lions comme des danseuses, La contre allée, 2015.

Dan Brown, Origine, JC Lattès, 2017.

Serge Chaumier, Isabelle Roussel-Gillet, Le Goût des musées, Paris, Mercure de France, collection Petit Mercure, 2020.

Kamel Daoud, Le Peintre dévorant la femme, Paris, Stock, 2018.

Philippe Forest, L'Enfant Fossile, éditions Invenit et Musée des confluences, 2014.

Jean Echenoz, Je m'en vais, Paris, éditions de minuit, 1999.

Laurent Gaudé, Écoutez nos défaites, Actes Sud, 2016.

Michel Houellebecq, La Carte et le territoire, Flammarion, Paris, Gallimard, 2010.

Henri James, L'Américain, publié en feuilletons dans le journal Atlantic Monthly, 1877.

David Lodge, La Chute du British Museum, VO 1965, Rivages, poche trad. 1993.

Steven Millhauser, Le Musée Barnum, VO 1990, traduit en français en 2006.

Yoko Ogawa, Le Musée du silence, Actes Sud, Babel, 2003.

Orhan Pamuk, L'Innocence des objets, Paris, Gallimard, 2012, pages 55 à 57 non numérotées, cahier. Le Musée de l'innocence [2006], Paris, Gallimard, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, 2011.

Marie-Sylvie Poli, « Pour une poétique du musée et de la muséologie aujourd'hui », Les nouvelles tendances de la muséologie, François Mairesse (dir.), Paris, La documentation française, Musées-Mondes, 2016, pp. 219-228.

Dominique Poulot, Introduction à « Le musée et le politique », Revue Cultures et musées, n°28, 2017. https://journals.openedition.org/culturemusees/783

Dominique Rabaté, « L'épiphanie romanesque : Flaubert, Joyce, Tabucchi », Modernités II, L'instant romanesque, Bordeaux, PUB, 1998. http://cahiers-ceracc.univ-paris3.fr/sennhauser.html

Eric Reinhart, « Vingt minutes il y a vingt ans », Petit pan de mur jaune, Skira Flammarion Louvre-Musée, 2010, p. 219-224.

Rezvani, L'Origine du monde, Arles, Actes Sud, 2000.

Isabelle Roussel-Gillet, « Des visiteurs émancipés : lycéens et étudiants filment au musée », La lettre de l'OCIM, Janvier-Février, 12-15 ; avec Catherine Couturier Actes de colloque LAM/Ocim et actes du colloque QPES Brest 2019.

Lydie Salvayre, Marcher jusqu'au soir, Paris, Stock, 2019.

Nathalie Sarraute, Portrait d'un inconnu, 1948, Paris, réédition Gallimard, 1956.

Donna Tartt, Le Chardonneret, Roman pocket, VO américain, VF 2013, Plon 2014.

Jean-Philippe Toussaint, Nue, Paris, éditions de minuit, 2013.




[1] Sont ainsi commandités : sept titres publiés de 2018 à 2020 chez Stock ; Kamel Daoud, Le Peintre dévorant la femme (2018), Lydie Salvayre, Marcher jusqu'au soir (2019), Adel Abdessemed et Christophe Ono-dit-Biot, Nuit espagnole (2019), Léonor de Récondo, La Leçon de ténèbres (2020), Santiago H. Amigorena, Il y a un seul amour (2020), Enki Bilal, Nu avec Picasso (2020), Bernard Chambaz, Ephèmère (2020). Huit titres sont publiés chez Invenit de 2014 à 2017 : Phillipe Forest, L'Enfant fossile, 2014, Jean-Bernard Pouy, S63, 2014, Emmanuelle Pagano, En cheveux, 2014, Valérie Rouzeau, Télescopages, 2014, Bernard Plossu, Mémoires en réserve, 2015, (ce dernier faisant bien sûr la part belle aux photographies de B. Plossu), Marc Villard, Hound dog a fait un rêve, 2016, Régine Detambel, La Couleur venue de la terre, 2016, Olivia Rosenthal, Jouer à chat, 2017.

[2] Théophile Gautier, Le Musée du Louvre, 1867 (pour l'exposition universelle), publié en 2011, Paris, éditions Le Louvre- Citadelles et Mazenod.

[3] Trente-et-un textes sont réunis dans Serge Chaumier et Isabelle Roussel-Gillet, Le Goût des musées, Paris, Mercure de France, 2020. Tous ces textes ne sont pas cités dans le présent article. Et certains textes évoqués dans le présent article comme ceux d'Aridjis, de Brown, Houellebecq, Reinhardt, Tartt, et Bernhard ne figurent pas dans l'anthologie (des clauses testamentaires ne permettant pas de publier un extrait de ce dernier, par exemple). Pour que la distinction reste claire, nous garderons le terme d'anthologie pour le livre paru et le terme de florilège pour le présent article, qui n'embrasse pas l'ensemble des textes de notre petite anthologie.

[4] À noter la variété des genres et formats convoqués : des romans, (de Lydie Salvayre résultant d'une commande, de Nicolas Beaujon, de Chloé Aridjis, des récits courts (Philippe Forest et Arno Bertina parus chez deux « petits » éditeurs), une nouvelle commandée par Le Louvre à Éric Reinhardt dans le cadre d'un ouvrage collectif ou encore un thriller américain de Dan Brown…

[5] Luce Abélès, « Roman, musée », La jeunesse des musées - Les musées de France au XIXe siècle, Chantal Georgel (dir.), catalogue de l'exposition présentée au musée d'Orsay, à Paris [7 février - 8 mai 1894], Éditions de la R.M.N./Musée d'Orsay, Paris, 1994, p. 316-330.

[6] Yoko Ogawa, Le Musée du silence, Actes Sud, Babel, 2003.

[7] Marie-Sylvie Poli, « Pour une poétique du musée et de la muséologie aujourd'hui », Les nouvelles tendances de la muséologie, François Mairesse (dir.), Paris, La documentation française, Musées-Mondes, 2016, pp. 219-228.

[8] Quoiqu'avec Julian Barnes le fait qu'un musée peut en cacher un autre, et un perroquet empaillé un autre tout également, fait partie d'une stratégie littéraire à double détente dont nous allons relever la récurrence dans notre florilège. Julian Barnes, Le Perroquet de Flaubert, VO 1984, traduit de l'anglais par Jean Guiloineau, Stock, 2000.

[9] Sous son égide, des recueils anthologiques ont déjà été publiés pour regrouper des textes mentionnant Le Louvre. Depuis 2005, la collection développée par le musée du Louvre et Futuropolis compte plus de vingt titres, donne des cartes blanches aux auteurs, tenus cependant de faire référence au bâtiment ou aux collections du Louvre.

[10] Lydie Salvayre, op. cit.., p. 31.

[11] S'y endormir avec Henri James, L'Américain, 1877.

[12] Thomas Bernard, Maîtres anciens, Folio, trad. de l'allemand par Gilberte Lambrichs, Paris, Gallimard, [VO, 1985], 1988, p. 21. Cette comédie acerbe fait du musée un lieu de déception « répugnant ». Reger, un musicologue cynique, revient rituellement tous les deux jours, depuis 36 ans, monopoliser une banquette du Musée d'art ancien pour ne regarder qu'un seul tableau de Tintoret, que pourtant il n'aime pas. Le lecteur ne saura d'ailleurs rien de ce tableau dont aucun des trois personnages ne se soucie. Le narrateur observe Reger plutôt qu'il ne regarde les toiles. Reger est survolté dans un monologue à charge contre les artistes avides de gloire à la solde de l'État, les tableaux ratés, le bavardage des historiens d'art ou des guides qui donnent la nausée, et les visites obligatoires avec des professeurs qui « abîment les élèves ». Quant au gardien, Irrsigler, il se concentre sur le passe-droit de la « banquette réservée » pour Reger. La motivation principale pour s'y asseoir serait la « température idéale de dix-huit degrés centigrades » (250) de la salle !

[13] Lydie Salvayre, op. cit.., p. 101.

[14] Il n'est pas anodin que lorsqu'il y a description mettant en valeur le monumental ou le labyrinthe, le sujet soit d'un certain point de vue en posture moins « dominante » : un enfant (Tartt), un nain (Rezvani) ou un étudiant en thèse (Lodge).

[15] Lydie Salvayre, op. cit., </a>p. 45.

[16] Op. cit., p. 30.

[17] Op. cit., p. 49.

[18] Op. cit., p. 56.

[19] Ibid.

[20] Op. cit., p. 54.

[21] Henri James, L'Américain, publié en feuilletons dans le journal Atlantic Monthly, 1877.

[22] Op. cit..

[23] Nathalie Sarraute, Portrait d'un inconnu, 1948, réédition Gallimard, 1956, pp. 190-192.

[24] Eric Reinhart, « Vingt minutes il y a vingt ans », Petit pan de mur jaune, Skira Flammarion Louvre-Musée, 2010, p. 219-224.

[25] Ibid., p. 118.

[26] Ibid., p. 124.

[27] Sur la toile intitulée Le dessert de gaufrettes de Lubin Baugin peint entre 1630 et 1635 : une bouteille, des gaufrettes dans un plat en étain et un verre.

[28] Kamel Daoud, Le Peintre dévorant la femme, Paris, Stock, 2018.

[29] Op. cit., p. 168.

[30] p. 113

[31] p. 115.

[32] Lydie Salvayre, p. 59.

[33] Op. cit., p. 325.

[34] Philippe Forest, p. 75.

[35] Op. cit., p. 76.

[36] Op. cit., p. 27

[37] Dan Brown, Origine, JC Lattès, 2017, p. 30.

[38] Ibid..

[39] Op. cit., p. 523.

[40] Nicolas Beaujon, p. 101.

[41] Chloé Aridjis, op. cit., p. 82.

[42] Michel Houellebecq, La Carte et le territoire, Flammarion, Paris, Gallimard, 2010. Le récit analyse le milieu de l'art polarisé sur quelques acheteurs fortunés célèbres. Se pose en filigrane la question de ce qui donne valeur à une œuvre contemporaine. Le succès viendrait pour une part d'avoir peint des portraits, comme celui de Steve Jobs, monté à une million et demi d'euros, pour un « courtier américain, qui paraît-il opère pour le compte de Jobs lui-même. » Une scène au café offre un très beau contrepoint à la célébrité des stars de l'art contemporain, mais la toile pour laquelle le patron du café a posé n'a pas la même cote. Le patron de l'établissement avait […], une dizaine d'années auparavant, autorisé l'artiste à prendre des photos de lui et de son café, dont celui-ci devait s'inspirer pour la réalisation de « Claude Vorilhon, gérant de bar-tabac », le second tableau de sa série des métiers simples - pour lequel un courtier en bourse américain venait d'offrir la somme de trois cent cinquante mille euros ».

[43] Lydie Salvayre, p. 72.

[44] Dominique Poulot, Introduction à « Le musée et le politique », Revue Cultures et musées, n°28, 2017. https://journals.openedition.org/culturemusees/783 [Consulté le 10 juillet 2020]

[45] Laurent Gaudé, Écoutez nos défaites, Actes Sud, 2016, p. 93-94.

[46] Arno Bertina, Des Lions comme des danseuses, La contre allée, 2015.

[47] Ibid.., pp. 50-51.

[48] Jean Echenoz, Je m'en vais, prix Goncourt 1999

[49] http://cahiers-ceracc.univ-paris3.fr/sennhauser.html

[50] Pour des raisons économiques également.

[51] Isabelle Roussel-Gillet, « Des visiteurs émancipés&#8239;: lycéens et étudiants filment au musée », La lettre de l'OCIM, Janvier-Février, 12-15 ; avec Catherine Couturier Actes de colloque LAM/Ocim, ; avec Catherine Couturier et actes du colloque QPES Brest 2019.

[52] Orhan Pamuk, L'Innocence des objets, Gallimard, 2012, pages 55 à 57 non numérotées cahier.

[53] Orhan Pamuk, Le Musée de l'innocence [2006], Paris, Gallimard, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, 2011.

[54] Jean-Philippe Toussaint, Nue, éditions de minuit, 2013.

[55] Dominique Rabaté, « L'épiphanie romanesque : Flaubert, Joyce, Tabucchi », Modernités II, L'instant romanesque, Bordeaux, PUB, 1998. http://cahiers-ceracc.univ-paris3.fr/sennhauser.html, p. 57.



Isabelle Roussel-Gilet

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Dernière mise à jour de cette page le 17 Janvier 2021 à 15h35.