Atelier

C'est une notion faussement simple qui varie considérablement selon les problématiques.

Distinguons trois ordres dans l'espace de l'auteur, le réel, le textuel et l'imaginaire.

1) L'auteur : Un sujet biographique, un acteur social, un producteur intellectuel

Bénichou Pierre, Le sacre de l'écrivain, 1750-1830, Essai sur l'avènement d'un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Librairie José Corti, 1985. Pierre Bénichou montre comment l'ancien système religieux a été concurrencé ou supplanté du XVIIIe siècle au XIXe siècle par une foi dans laquelle l'Ecrivain tient la première place. Le Poète du XIXe siècle remplace l'Homme de lettres du XVIIIe siècle.

Puech Jean-Benoît, Du vivant de l'auteur, Seyssel, Champvallon, 1990.

Bourdieu Pierre, Les règles de l'art, Genèse et structure du champ littéraire, 1992, Libre expression, Seuil. Cet ouvrage montre les mutations de la situation de l'écrivain au XIXe siècle. Le champ littéraire se dissocie du champ économique et social et l'artiste, apprend à l'instar de Baudelaire et de Flaubert à construire ses propres valeurs : l'indépendance, l'autonomie, l'exigence en marge des critères académiques.

Planté Christine, La petite soeur de Balzac, essai sur la femme-auteur, Seuil, 1989. Christine Planté montre que la femme auteur au XIXe siècle constitue une sorte de mythe, construction idéologique et fantasmatique qui n'a plus les attributs de la femme et pas vraiment ceux de l'auteur.

Proust Marcel, Contre Sainte-Beuve,éditions Folio essais, Gallimard, 1954. Dans cet ouvrage, véritable matrice de la Recherche du Temps perdu, Marcel Proust revient sur les méthodes critiques qui ont gouverné tout le XIXe siècle et notamment sur la méthode biographique de Sainte-Beuve. Marcel Proust en appelle à la dissociation entre l'homme et l'oeuvre, entre l'homme et l'artiste, l'un ne pouvant expliquer l'autre.

Viala Alain, Naissance de l'écrivain, Les éditions de Minuit, 1985. Cet ouvrage qui porte sur le XVIIe siècle montre l'émergence de la notion d'auteur entre 1635 et 1685 en un siècle où l'univers littéraire se constitue en champ social autonome. Le champ littéraire se structure autour des académies, du mécénat d'Etat, des salons littéraires et de la presse.

La notion d'auteur a fait l'objet d'un colloque à Cerisy La salle en octobre 1995. Les actes de ce colloque ont été édités aux Presses universitaires de Caen en 1996.

Un numéro spécial de la revue Poétique de septembre 1985 s'intitule le Biographique. Il comprend notamment deux articles remarquables, ceux de Jean-Claude Bonnet, Le fantasme de l'écrivain et de Jean-Benoît Puech, Du vivant de l'auteur.

2) L'auteur textuel : le signataire de l'oeuvre Les analyses structuralistes prédisent la mort de l'auteur et mettent en avant la notion de narrateur d'un récit.

R. Barthes, W. Kayser, W.C Booth, Ph. Hamon, Poétique du récit, seuil, 1977.

Gérard Genette, Figures, 3 volumes, Le Seuil, 1966-1972

Gérard Genette, Nouveau discours du récit, Le seuil 1983. Le paratexte reste alors le dernier refuge de l'auteur qui peut s'autoriser par des jeux de fiction et de mystifications un retour sur l'oeuvre

Genette, Gérard, Seuils, Le Seuil. Gérard Genette initie les recherches sur le paratexte et invite notamment à réfléchir sur ces textes d'auteur que sont la préface, le titre, la signature...

Jeandillou Jean-François, Esthétique de la mystification. Tactique et stratégie littéraire, Paris, éditions de Minuit, coll. Propositions, 1994. Cet ouvrage réfléchit sur les stratégies d'auteurs et notamment les mystifications engendrés par les jeux sur le nom. S'appuyant à la fois sur des travaux récents de poétique et sur les conditions historiques de la production de la mystification, Jean-François Jeandillou montre comment les pseudonymes, les plagiats et les pastiches participent de la mythification littéraire.

3) Scénarios et fantasmes d'auteurs

Ces travaux manifestent, après la tentative structuraliste d'anéantissement, le retour de la notion d'auteur mais vu à travers le mythe que l'écrivain se fait de lui-même, mythe qui n'est pas sans conséquence pour la production des oeuvres.

Diaz, José-Luis, L'écrivain imaginaire, scénographies auctoriales à l'époque romantique (1770-1850), thèse d'état de lettres sous la direction de M. le professeur Claude Duchet, soutenue à l'université de Paris VIII, le 13 juin 1997. Le point le plus complet sur la question se trouve dans la thèse de José-Luis Diaz qui n'est pas encore publiée

Oster Daniel et Goulemot Jean-Marie, Gens de lettres, écrivains et bohèmes, Paris, Minerve 1992. S'inspirant des travaux sur la condition sociale de l'écrivain, Daniel Oster et Jean-Marie Goulemot décrivent des attitudes, des postures, des stratégies intimes de l'écrivain qui devient entre les Lumières et la fin du XIXe siècle, un véritable ethnologue de lui-même.

L'Auteur comme oeuvre. L'auteur, ses masques, son personnage, sa légende, ouvrage collectif sous la direction de Nathalie Lavialle et Jean-Benoît Puech, Orléans, Presses universitaires d'Orléans, 2000. Cet ouvrage collectif, fruit d'un colloque, s'attache au renouvellement du biographique qui ne porte plus son interrogation sur la personne et la vie réelle mais sur le personnage de l'auteur et la vie représentée. Les poses endossées par les auteurs sur la scène littéraire constituent une figure indépendante, illustration, voire incarnation de l'oeuvre.

Un numéro de la revue Textuel de 1989 s'intitule Images de l'écrivain. Il comprend toute une série d'études sur l'auteur par siècle. Nous signalons notamment les articles de Michèle Gally (époque médiévale), Alain Viala (âge classique), Jean-Marie Goulemot (XVIIIe siècle), José-Luis Diaz et Annie Prassoloff (XIXe siècle), Daniel Oster (XXe siècle).

Alexandre Gefen

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Dernière mise à jour de cette page le 3 Juin 2004 à 10h18.