Il faudrait peut-être se représenter l'histoire littéraire comme une géographie, comme un problème de frontières plutôt que de chronologie, se poser la question des lignes de partage pertinentes de l'espace littéraire, de l'organisation de cet espace. Devant l'idée commune que les genres ne sont plus des axes vifs pour la production littéraire contemporaine, par exemple, se demander quelles lignes de force, de perception et de fécondation du littéraire les ont remplacés ;et sur la base de ce parcours ou de ce paysage, enfin déterminer des périodes. L'historie comme détermination de pertinences, donc.

Cette pensée de Gracq en donne la formule portée jusqu'au paradoxe : « Ce qui m'intéresse surtout dans l'histoire de la littérature, ce sont les clivages, les filons, les lignes de fracture qui la traversent, en diagonale ou en zigzag, au mépris de écoles, des « influences » et des filiations officielles : chaînes souvent rompues de talents littéraires qui se succèdent ou qui apparaissent discontinûment, mais reviennent, aussi différents etre eux et pourtant aussi mystérieusement liés que ces visages féminins, aux résurgences chaque fois imprévisibles, dont l'amour exclusif que leur vouent certains hommes révèle seul et fait saisir la conformité occulte à un type » (En lisant en écrivant).

L'Histoire de la littérature dirigée par Denis Hollier, et son retrait par rapport à la chronologisation, ou encore l'Atlas du roman européen de Franco Moretti, fournissent des exemples de cette entreprise.

Les Eaux étroites, de Gracq, disent encore : « Parfois on dirait qu'une grille en nous, plus ancienne que nous, mais lacunaire et comme trouée, déchiffre au hasard de ces promenades inspirées les lignes de force qui seront celles d'épisodes de notre vie encore à vivre ».

Peut-on faire de l'histoire littéraire une histoire des possibles, disposés selon une cartographie mentale ?

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