Atelier

DE L'IDENTITE EUROPEENNE

Argument

La notion de mythe fondateur a été l'objet de discussions depuis les années 1990, particulièrement en sociologie et en science politique, à propos de la formation des identités et des questions de légitimation, surtout dans le contexte de l'Europe présente et future. Dans le colloque que nous envisageons, nous essaierons d'appliquer la notion de mythe fondateur en tant que notion heuristique à l'histoire littéraire.

Cette notion a une structure sémantique plus ou moins tautologique, mais c'est ce redoublement sémantique qui souligne l'élément fonctionnel le plus important du mythe: la narration semi-fictionnelle d'histoires d'origine qui engagent une communauté. En outre, la notion de mythe fondateur est empreinte d'une structure paradoxale de «comme si» («Als-ob-Struktur»): elle est marquée par le naufrage des mythologies anciennes et «nouvelles» aux XVIIIe et XIXe siècles, et elle déploie ostensiblement une connotation de projection fictive­ - mais elle ne cesse pas pour autant de prétendre créer du sens et des légitimations.

C'est précisément cette structure sémantique paradoxale qui rend la notion de mythe fondateur apte à concevoir la projection de sens - prospective et rétrospective - dans la construction d'«identités» post-nationales et supranationales comme celle de l'Europe future. La notion de mythe fondateur souligne le caractère arbitraire et décisionnaire de la relation herméneutique d'un présent donné avec son passé, et on s'interrogera, dans cette perspective, sur la contribution à la fois passée et future de l'histoire littéraire à la formation d'une identité européenne.

Depuis le romantisme, l'histoire littéraire en Europe a toujours été négociation de mythes fondateurs, mais de mythes fondateurs nationaux et rarement européens. La Romanistik allemande, avec sa perspective plurielle, à la fois romane et allemande, faisait plutôt exception. Mais l'histoire littéraire ne peut plus être aujourd'hui conçue de façon nationale, selon un concept de nation qui date du XIXe siècle. Pour cette raison, le colloque se propose d'associer une réflexion rétrospective et un programme prospectif. On considérera, d'une part, les nouvelles formes prises par la conscience littéraire européenne au cours du XXe siècle et on s'attachera, d'autre part, à réexaminer les héritages nationaux en se demandant ce qui, de ces héritages, peut servir de mythes (ou de mythèmes) fondateurs à une identité européenne non seulement passée, mais également future.

Une vie littéraire européenne

* Figures de passeurs

On se penchera sur des cas exemplaires, représentatifs de l'émergence d'une critique européenne par ses références et sa réception: Valéry, Keyserling, Ungaretti, Larbaud, Gide, Du Bos, Ortega y Gasset, d'Ors, Hofmann­sthal, Mann, Curtius, Robert de Traz

* Traductions, circulation

Entre l'âge des littératures nationales et celui de la littérature globalisée, le XXe siècle a été celui des traductions, des importations et des exils; on examinera le rôle des écrivains traducteurs (Giono et Melville, Larbaud et Joyce, Gide et Conrad, Schiffrin et Tourgueniev), celui des écrivains exilés (Canetti, Benjamin), ou la circulation européennes de pensées identifiées à une langue (celles de Husserl ou Heidegger).

* Initiatives culturelles européennes

Les décades de Pontigny («Nous autres européens» en 1925), la Fédération internationale des unions intellectuelles, la politique culturelle de la SDN et l'Institut international de coopération intellectuelle , certaines revues (Europe, La Revue européenne, L'Europe nouvelle de Louise Weiss, lEuropäische Revue de Karl-Anton Rohan, Commerce), les rencontres internationales de Genève présidées par Denis de Rougemont, puis Jean Starobinski, constitueront quelques exemples privilégiés. On observera également la façon dont le projet européen, en tant que tel, a pu se dissocier de tout programme littéraire.



Paul Geyer

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Dernière mise à jour de cette page le 7 Juillet 2006 à 19h16.