Atelier

La question du sens des textes factuels et des modèles herméneutiques qui leur conviennent soulève d'importants enjeux. Si la signification d'un texte factuel dépend essentiellement de facteurs extradiscursifs, ainsi qu'on a coutume de le penser, les voici aussitôt déportés du côté des sciences sociales. Ce sont les historiens, les sociologues ou les psychologues, pour ne pas les nommer, qui auront voix au chapitre ; le théoricien de la littérature n'aurait plus alors à s'intéresser qu'aux textes que leur ancienneté – comme les écrits historiques de Michelet – ou leur intention esthétique explicite – c'est le cas de beaucoup d'autobiographies – inscrivent de fait dans le champ littéraire.

Le résultat d'un tel partage laisse souvent à désirer. En voici quelques exemples : tout d'abord, celui de l'autobiographie, souvent circonscrite à l'étude du corpus très limité des textes d'écrivains. Philippe Lejeune a pourtant montré tout l'intérêt d'une conception plus large de la pratique autobiographique, permettant d'intégrer l'immense domaine des écritures ordinaires, auxquels s'intéressent les sociologues ou les psychologues. De même pour les récits de voyage. C'est François Hourmant, maître de conférences en sciences politiques, qui s'intéresse au cas des très nombreux récits de retour (d'URSS, de Chine, de Cuba…) écrits par les intellectuels français de 1917 jusqu'à la fin des années soixante-dix ; ceci en ayant très largement recours à la rhétorique ou à la narratologie. Enfin, si l'on s'intéresse, dans les études littéraires, à la critique d'auteur ou aux essais littéraires, porteurs très souvent d'une part de réflexion métacritique, ce sont majoritairement les sociologues qui défrichent la masse des textes de journalistes, de critiques ou d'auteurs mineurs qui constituent le gros de ce qui s'écrit sur la littérature.

On le voit, dans les trois cas, il semble que les textes factuels, auxquels les littéraires s'intéressent de manière encore trop partielle, offrent aux historiens ou aux sociologues une matière extrêmement riche – et dont il tirent très souvent des conclusions du plus grand intérêt pour les littéraires !

Faut-il alors penser que le théoricien de la littérature reste démuni face à des écrits qui n'offrent pas de qualités littéraires évidentes ?

Il s'agit, pour répondre à une telle question, de savoir si l'étude de ces écrits factuels en tant que textes peut avoir une valeur herméneutique et participer à l'établissement de leur signification.

Dossier Formes

Jean-Louis Jeannelle

Sommaire | Nouveautés | Index | Plan général | En chantier

Dernière mise à jour de cette page le 7 Décembre 2017 à 16h26.