Atelier



Le procès d'Alfred Fabre-Luce
pour offense au président de la République
La fiction littéraire confrontée au droit pénal


par Olivier Beaud
(Université Panthéon-Assas)


Le présent texte devait constituer initialement un chapitre du livre La République injuriée. Histoire des offenses au chef de l'État de la IIIe à la Ve République publié par Olivier Beaud aux Presses Universitaires de France en 2019. À paraître dans les Mélanges en l'honneur du professeur Étienne Picard, il est reproduit dans l'Atelier de Fabula avec l'aimable autorisation de son auteur.


Dossier Droit





Le procès d'Alfred Fabre-Luce
pour offense au président de la République
La fiction littéraire confrontée au droit pénal


En décembre 1962, à la suite d'une année chargée en événements politiques importants (les accords d'Évian, l'attentat du Petit-Clamart et la révision de la Constitution de 1962, etc.), l'écrivain et essayiste Alfred Fabre-Luce publie un ouvrage intitulé Haute Cour qui va faire un certain bruit. Il y imaginait Charles de Gaulle, président de la République, renvoyé devant cette Cour, c'est-à-dire la juridiction politico-pénale chargée de juger, en vertu de l'article 68 de la Constitution, le chef de l'État s'il commettait une «haute trahison»[1]. En raison de la notoriété de l'auteur et de son entregent littéraire et mondain, ainsi que de la réputation de son éditeur (René Julliard), ce procès fut, juste après celui de Jacques Laurent, le procès pour offense au chef de l'État le plus médiatique. Il fut aussi suivi de près par le pouvoir en place, comme le révèle le dossier de la poursuite conservé aux archives présidentielles. Bien qu'assez mince en volume, celui-ci contient des pièces substantielles prouvant que l'Élysée et Matignon surveillent la procédure, du début (poursuite) jusqu'à la fin (procès)[2]. Ce qui est ici toutefois caractéristique est le fait que les plus hautes autorités de l'État sont mobilisées: le ministre de la Justice suit en personne le dossier tandis qu'une note manuscrite révèle que le chef de l'État lui-même, le général de Gaulle, est intervenu pour recommander la poursuite envers l'écrivain insolent.


Rappelons au lecteur que le délit d'offense au président de la République était prévu par l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, et qu'il a été supprimé par une loi du 5 août 2013. Le contenu d'un tel délit n'était pas défini matériellement par la loi et c'est seulement la jurisprudence qui est venue lui donner un sens plus précis. Sous la IVe République, les tribunaux correctionnels, devenus compétents depuis 1940 pour en juger, ont estimé que l'offense recouvrait soit l'hypothèse de l'injure soit celle de la diffamation. En 1960, la Cour de cassation a considérablement étendu la notion en considérant que des propos seulement irrévérencieux pouvaient constituer un tel délit. Ce délit particulier ne concerne que le chef de l'État. Il a pour particularité d'être à la fois un délit de presse et un délit politique. Parce qu'il est un délit de presse, au sens où il est réprimé par la loi de 1881, même s'il peut avoir été commis par une simple parole publique (insulte dans la rue par exemple), il obéit à un régime pénal particulier, différent du Code pénal, et qui est en général plus protecteur pour les prévenus et les condamnés. Mais il est aussi — et très nettement — un délit politique. L'offense a toujours été ainsi conçue, et ce qui valait pour l'offense au roi vaut pour l'offense au président de la République, qui était rangée dans la loi de 1881 dans le paragraphe intitulé «crimes contre la chose publique». C'est pour cette raison que seul le Parquet peut agir contre l'offenseur.


Le cas du procès intenté à Fabre-Luce illustre la tendance à interpréter sous la Ve République gaullienne ce délit de façon extensive. Mais s'il mérite un traitement particulier dans l'histoire des offenses au président de la République, c'est surtout en raison de la défense singulière de son auteur qui invoquait le droit à l'imagination de tout écrivain. Le conflit entre liberté d'expression et délit d'offense revêtait un aspect nouveau qui était la défense de la fiction littéraire contre toute immixtion judiciaire, et surtout pénale, comme si l'écrivain Fabre-Luce revendiquait une sorte de «souveraineté de l'artiste», plaçant son prétendu génie littéraire au-dessus des lois. Ainsi, à la différence d'autres auteurs qui, pour se défendre invoquaient tantôt la liberté de critique, tant la liberté de discussion, Fabre-Luce se fondait sur le droit de l'écrivain à la libre imagination pour échapper au délit d'offense. C'est cet argument qui constitue, du point de vue juridique, la principale originalité du procès de Haute Cour et qui en fait tout l'intérêt.


Un tel épisode a également sa place en raison de la personnalité de Fabre-Luce qui complète la galerie de portraits des antigaullistes forcenés ayant eu maille à partir avec la justice correctionnelle. Alfred Fabre-Luce (1899-1983) est un intellectuel dont la fortune héritée de sa famille de banquiers (il est le petit-fils de Henry Germain, fondateur du Crédit Lyonnais) lui a donné une aisance financière qui lui permit de ne pas travailler — c'est donc un rentier — et de s'adonner aux plaisirs de la lecture et de l'écriture[3]. Doué d'un certain talent de plume, poussé par une curiosité qui le conduit à traiter de tous les sujets les plus divers — de la littérature à la démographie, en passant par les livres de voyage et le théâtre —, cet homme est frappé d'une véritable «boulimie d'écriture», comme le note son biographe[4]. Mais sa passion dominante est la politique qu'il essaie de penser à sa manière, de façon froide et distanciée[5]. Alfred Fabre-Luce aime penser à rebours. Il recherchera toujours le commerce intellectuel avec les plus grands esprits de son temps; il y réussira d'ailleurs, en partie comme l'atteste son amitié, non dépourvue d'orages, avec son contemporain, Raymond Aron. D'ailleurs, l'illustre patronage de ce dernier le dédouanera auprès de beaucoup de ses écrits sulfureux rédigés entre 1935 à 1943. Certains interprètent sa production de ces années-là comme révélant un «libéral non-conformiste», comme se plaît à le décrire son biographe[6] ou encore un «aristocrate de gauche»[7], tandis que d'autres le considèrent comme un authentique représentant du «fascisme français»[8]. On ne tranchera pas ici le conflit d'interprétation entre ces deux versions du personnage de Fabre-Luce car il nous suffit de savoir pour les besoins de cet article que cet écrivain non-conformiste est animé par un anti-gaullisme virulent, voire obsessionnel, qui trouve à s'exprimer une nouvelle fois au début de la Ve République.


En effet, si la doctrine «fabre-lucienne» n'a pas varié, c'est en ce qui concerne, d'une part, l'hostilité compulsive de ce grand-bourgeois envers de Gaulle et, d'autre part, sa fidélité au Maréchal Pétain. Fabre-Luce a toujours clamé, pour sa défense, qu'il avait eu le privilège de connaître deux fois la prison entre 1943 et 1945, une première fois emprisonné par les nazis, et une seconde par les Résistants à la Libération, mais il omet opportunément de mentionner le fait qu'il fut condamné, en 1949, à 10 ans pour indignité nationale par un jury d'honneur. Après la seconde guerre mondiale, il crée une maison d'édition intitulée Éditions du Midi, dans laquelle il ne se lasse pas de défendre Pétain et d'attaquer de Gaulle. Il publie une petite brochure intitulée «Opposition » qui contient deux articles, dont l'un est consacré à l'examen de «la vérité sur le général de Gaulle» et l'autre à «la responsabilité des écrivains», écrit au lendemain de l'exécution de Brasillach, dont le cas a divisé la scène intellectuelle française et qui est devenu pour ses amis le martyre de la cause vichyste. Quatre ans plus tard, en 1949, il édite un nouveau libelle intitulé Au nom des silencieux manifeste en faveur des vichystes, dans lequel il réédite les deux articles de sa précédente brochure (Opposition) auxquels il ajoute un article sur les hommes du Maréchal et un autre sur «l'amnistie». La longue préface qu'il rédige pour présenter ces articles lui permet de déclarer non sans immodestie qu'il était le seul en 1945 à «représenter l'opposition»[9]. Elle confirme sa virulente hostilité au Gouvernement provisoire de la République française, dont de Gaulle était le chef [10]. Dans un autre article de cette brochure, il met dans la bouche de ces maréchalistes les propos suivants: «Gaulle, général depuis quelques semaines, ministre depuis quelques jours, a saisi l'occasion de poursuivre son ascension avec une rapidité vertigineuse. Assurément, les chances de la Grande-Bretagne, dont il épousait la cause, pouvaient paraître faibles. […] Il devait donc subsister en tout cas au -delà de l'Océan, une Angleterre repliée […] une Amérique intacte, une Internationale juive concentrée à New York d'où Gaulle pourrait poursuivre, après la paix, avec de larges moyens financiers, une action anti-allemande assurée de trouver en France un écho.» Et il les commente ainsi: «Rien n'est matériellement faux dans ce développement.»[11] L'antisémitisme rejoint ici son antigaullisme. Le reste de l'article vise à justifier l'armistice, qui aurait été consenti par le Premier ministre anglais et à condamner l'irréalisme de la poursuite du combat à Londres[12].


Ainsi, Fabre-Luce se place dans la lignée de ces auteurs d'extrême-droite pour lesquels la grande période d'oppression fut en France, non pas l'ère de Vichy, mais celle de la Libération. Un tel marqueur ne trompe pas, tout comme l'antisémitisme virulent de Fabre-Luce. Ce dernier vilipende la Résistance dont la «faillite» proviendrait de la négation de «deux évidences: la sincérité du patriotisme de Pétain, l'ambiguïté du patriotisme communiste»[13]. En racontant son exil en Suisse et la saisie de son livre Au nom des silencieux, Fabre-Luce ressasse la rengaine des pétainistes qui voient dans de Gaulle un oppresseur, sans jamais s'interroger sur les fautes de Vichy. Il rappelle dans un livre autobiographique, publié en 1964, la thèse de tous les vichystes selon laquelle de Gaulle aurait été l'épée et Pétain le «bouclier»[14] de la France — thèse qui sera réduite à néant quelques années plus tard par des travaux universitaires sérieux[15].


Haute Cour témoigne de cette haine de Fabre-Luce envers le général de Gaulle, mais celle-ci est en partie dissimulée par la rouerie de l'auteur et par l'usage d'une prose raffinée pouvant illusionner le lecteur un peu pressé. Mais surtout l'originalité de cet ouvrage tient à ce qu'il est présenté par son auteur comme une œuvre de fiction, et non pas comme un essai politique, ni comme un pamphlet. Fabre-Luce, pour mieux critiquer le général de Gaulle, entend user du privilège de l'écrivain qui aurait le droit d'imaginer des situations fictives. Il recourt à divers artifices littéraires pour mieux convaincre le public du caractère nocif du «Principat» gaullien, pour reprendre l'expression de son grand ami, Bertrand de Jouvenel. C'est au nom du libéralisme qu'il entend dénoncer un régime autoritaire et c'est en outre au nom de la liberté d'expression qu'il prétend avoir le droit de critiquer ouvertement, même si c'est de manière un peu oblique, le chef de l'État.



I — Le contenu du livre (Haute Cour)


Du point de vue formel, Haute Cour est une sorte de «saynète» judiciaire composée par la succession des audiences devant cette juridiction. Il y en a six, d'inégale longueur, la dernière se terminant au moment où la Cour se retire pour délibérer. On ne connaîtra donc pas le verdict de la Cour. Lors de la première audience, le narrateur met alors en scène la dramaturgie de tout procès en présentant les acteurs judiciaires: le président de la Haute Cour, le procureur, l'avocat, et lors de la première audience, l'accusé (de Gaulle) qui n'est pas à son avantage. Mais, surtout, il apprend au lecteur les raisons de la mise en accusation du chef de l'Etat, tels qu'ils sont reproduits par l'ordonnance de renvoi. Il serait coupable d'avoir: « — 1) abandonné un territoire national […], — 2) mené une entreprise de démoralisation de la nation, — 3) violé et trahi les devoirs de sa charge dans des conditions constituant l'état de forfaiture»[16]. Ces différents chefs d'accusation sont hautement politiques et directement reliés à la façon dont le chef de l'État a résolu la crise de la guerre d'Algérie. Ensuite, lors de la seconde audience, les grands témoins politiques de la IVe République ralliés à de Gaulle — Pierre Pflimlin, Guy Mollet Jules Moch et Jacques Soustelle — défilent à la barre, pour relater comment le chef de la France libre a miraculeusement réussi à revenir en pouvoir en 1958. L'image qui en ressort est largement préjudiciable à de Gaulle puisqu'il est insinué que les gaullistes ont comploté pour faire chuter la IVe République. Les troisième et quatrième audiences, le «plat de résistance» de ce procès, sont consacrées à la guerre d'Algérie et à la manière dont de Gaulle a exercé le pouvoir entre 1958 et 1962. Ce sont les passages les plus polémiques du livre. En effet, la troisième audience est dominée par l'idée que de Gaulle aurait abandonné l'Algérie française, contrairement à ses promesses. En faisant intervenir trois témoins différents, Fabre-Luce fait semblant de présenter objectivement les faits, mais l'audition du député gaulliste, type même du député-godillot ayant suivi aveuglément le chef de l'État dans sa politique algérienne, aboutit à ridiculiser une telle politique et ceux qui l'ont impulsée et adoptée[17].


La quatrième audience du procès est la plus subtile et la plus «vicieuse» en un certain sens. En effet, Fabre-Luce prend visiblement plaisir à se moquer à la fois du grand écrivain François Mauriac, soutien du Général, et de l'ambassadeur d'Ormesson, représenté comme le modèle du haut fonctionnaire opportuniste. Toutefois, le moment fort de cette audience est le témoignage du jeune haut fonctionnaire déçu par le gaullisme, le dénommé Mettral. En le faisant témoigner longuement — près de vingt pages[18] — Fabre-Luce conte l'histoire d'une sorte d'apostasie: ce brillant conseiller d'État qui est un gaulliste convaincu au début de sa carrière, est progressivement dégoûté par son héros; il devient alors un «activiste» prêt à basculer dans l'illégitimité et la révolte contre le chef de l'État[19]. Un tel témoignage illustre l'une des thèses classiques de l'extrême-droite: de Gaulle serait un être opportuniste et cynique, incapable de respecter le droit et représentant classique de la tradition autoritaire de la raison d'État. Le président du tribunal intervient pour interrompre Mettral car son témoignage serait trop explosif, explique le narrateur, narquois. Cette relance permet au conseiller d'État apostat d'entonner le second thème des antigaullistes forcenés: celui de la trahison du Général qui a renié son engagement de conserver l'Algérie française.


La relation par le narrateur de la cinquième audience permet d'appeler à la barre divers experts. Le tribunal entend tour à tour un spécialiste des relations internationales, un ancien ambassadeur qui sera chargé de parler de la politique extérieure du général de Gaulle et un expert financier qui traite de la politique monétaire et économique de la France. Mais l'expert qui retient le plus l'attention est l'expert psychiatrique, que l'auteur appelle le «Professeur Dubois-Schwarzbach» et qui doit donner son avis de spécialiste sur le cas de Gaulle. C'est dans ce passage du livre que la verve polémique de Fabre-Luce se donne libre cours. Se protégeant derrière la fiction, il dresse un portrait médical et psychologique peu amène du Général — portrait qui ressemble beaucoup à celui qui sera dressé un an plus tard par Jacques Laurent dans Mauriac sous de Gaulle. Sous couvert de l'objectivité scientifique du médecin, il s'agit du témoignage le plus à charge, tout en étant une charge ironique, comme l'attestent les rires du public, relevés perfidement par le narrateur. Enfin, la sixième audience et dernière audience, le sommet du spectacle judiciaire voit s'y succéder, comme dans tout grand procès pénal, le réquisitoire du Procureur — de l'accusation — et la plaidoirie de l'avocat du chef de l'État, Me Tessarnier. Tout est fait pour donner l'impression au lecteur que le réquisitoire est plus convaincant que la plaidoirie.


Même si, devant ses juges de la XVIIe Chambre correctionnelle, Fabre-Luce ne cessera de clamer que Haute Cour est une œuvre de fiction, il faut souligner qu'il intervient deux fois à titre personnel dans cet ouvrage. Il le fait une première fois, en tant que narrateur présentant les audiences et les commentant. Mais il ne le fait jamais de manière neutre: il fait preuve d'ironie ou de distance par rapport aux rares témoignages favorables au chef de l'État, et il est au contraire, toujours approbateur quand les témoins à charge parlent. Il intervient une seconde fois en tant qu'auteur à la fois dans la préface, l'exorde ou la postface, où il ne cache guère l'hostilité qu'il éprouve à l'égard du général de Gaulle. Les initiés comprennent vite en relevant certains des détails du livre dans quel camp il se situe soit en sa qualité de narrateur, soit en tant qu'auteur. Ainsi, ce livre est largement «codé »: on y trouve une sorte de condensé des arguments de la «légende noire» du général de Gaulle propagée par la droite vichyste et l'extrême droite[20]. Bien que l'auteur s'en défende, c'est un ouvrage à la fois politique et polémique. Fabre-Luce clame que son livre est une fiction, mais celle-ci n'est que le masque derrière lequel il avance pour écrire essentiellement un ouvrage très polémique.



II — L'Élysée décide de poursuivre l'auteur de Haute Cour


Une telle charge contre le chef de l'État n'est pas passée inaperçue à l'époque. Selon le biographe de Fabre-Luce: «la sortie du livre provoqua un énorme scandale. Le 20 décembre 1962, sept jours après le début de la vente de 6 000 exemplaires en librairie, la police en saisit 1 200 exemplaires. Des poursuites judiciaires sont également engagées contre Gisèle d'Assailly, la veuve de René Julliard, et contre Fabre-Luce, pour délit d'offense publique au président de la République.»[21] Ainsi, ce dernier allait devenir la cible du pouvoir: il était poursuivi pour offense au président de la République tandis que son livre était saisi — saisie administrative fondée sur la législation d'exception[22]. On se croirait revenu à l'Ancien Régime puisque le livre, interdit en France, fut réimprimé à Genève et édité à Lausanne au début de l'année 1963 [23]. Fabre-Luce semble d'ailleurs s'être démené pour que son ouvrage soit traduit en anglais; il paraît en 1963 à Londres, précédé d'une préface rédigée par une bonne spécialiste de l'histoire de la seconde guerre mondiale, Dorothy Pickles[24]. La saisie du livre choque des écrivains connus et des intellectuels importants qui écrivent à Fabre-Luce pour témoigner, à leur façon (plus ou moins sincère selon les cas) de leur admiration: du côté des écrivains: Jacques Chardonne[25], François Nourrissier, Georges Blond, Jean d'Ormesson[26], et du côté des intellectuels et universitaires: ainsi que le philosophe Jean Guitton, le juriste Georges Vedel[27] et l'économiste Daniel Villey, l'essayiste Bertrand de Jouvenel, proche ami de Fabre-Luce, qui le félicite longuement:

Mon cher Alfred,

Vous avez écrit un chef-d'œuvre. […] En ce temps de servilité et d'adulation, votre ouvrage ne peut manquer d'enrager les ministeriales du Dominus, qui l'encensent en attendant de le maudire à leur tour, comme beaucoup de ses anciens familiers et domestiques. Mais je serais surpris que votre livre déplût à César lui-même. Peu lui chaut que vous mettiez en lumière l'immoralité de ses procédés; car il ne soucie point de la fidélité à sa parole, ni du sort des hommes qui pâtissent d'avoir cru à ses promesses. Il est trop intelligent pour ne pas se connaître trompeur. Ce qui lui importe, c'est de se sentir notre maître, capable à lui seul, de nous manœuvrer tous, et c'est de nous imposer le sentiment écrasant de sa supériorité.»

Et en fin de compte, vous lui rendez cet hommage. Il apparaît dans votre livre comme une figure surhumaine. Les accusations portées contre lui, dont aucune n'est réfutée, ni réfutable, dont presque chacune suffirait à détruire un homme ordinaire, semblent glisser sur la statue qu'il s'est élevée à lui-même. Et que cette impression se dégage du livre donne la mesure de sa profondeur. [28]

Comme on l'a vu, le pouvoir suit de près l'affaire Fabre-Luce. Dans une note récapitulative du ministère de la Justice, on apprend que le livre «a été signalé par le Ministre de l'Intérieur du 22 décembre 1962 à M. le Procureur de la République près le Tribunal de la Seine». Ce dernier a, par dépêche du 27 décembre 1962, été invité à requérir «d'extrême urgence l'ouverture d'une information du chef d'offenses envers le Président de la République contre les personnes responsables de ladite publication.»[29] Le représentant du Parquet, ainsi sollicité par son supérieur hiérarchique (le Garde des Sceaux) se hâte, entre Noël et Nouvel An, de rédiger un réquisitoire introductif qui est achevé, le 31 décembre 1962 quelques jours seulement après le signalement de la police. Dans son réquisitoire introductif, le Procureur de la République de la Seine relève que le texte doit être «retenu en son entier», ce qui signifie que, pris comme un tout, il est en soi offensant, mais il est aussi offensant «notamment en raison» d'une vingtaine des phrases énumérées par le Parquet. Par conséquent une information judiciaire pour offenses envers le Président de la République est ouverte, comme le signale à son ministre le Procureur Général près la Cour d'appel de Paris. Il ajoute même: «M. le Premier Ministre en a été avisé par lettre du 16 janvier 1963»[30]. La surveillance de l'affaire suit donc la procédure classique avec les échanges de correspondance entre la Chancellerie (ministère de la justice), la Présidence de la République et les services du Premier ministre. Mais, dans ce cas précis, le garde des Sceaux est personnellement mobilisé; il attend des instructions de l'Élysée avant de prendre une quelconque décision définitive de poursuite[31]. La première intervention de l'Élysée se produit le 4 mars 1963 sous la forme d'une Note du conseiller présidentiel en matière de justice, Jacques Patin, intitulée «Poursuites pour offenses au “Haute Cour” contre M. FABRE-LUCE». Son auteur fournit les principaux éléments justifiant une poursuite. Il rejette d'abord le point de vue de Fabre-Luce qui «se défend d'avoir accompli un ouvrage de polémique exprimant ses opinions personnelles mais entend présenter le récit de propos fictifs prêtés à des personnages fictifs eux-mêmes»[32]. Or un tel argument n'a pas de valeur juridique selon Jacques Patin. Ce dernier écrit de la façon la plus nette qui soit: «Le procédé littéraire ainsi employé est cependant en lui-même offensant pour le Chef de l'État, nommément désigné au public comme ayant été traduit en accusation devant la Haute Cour. A ce titre, tout l'ouvrage tombe sous le coup de la loi.»[33] Loin d'excuser sa responsabilité pénale, le recours à la fiction littéraire aggraverait le cas de Fabre-Luce, qui ajouterait l'hypocrisie à l'offense, révélant par là-même son «intention de nuire»[34]. Le chargé de mission conclut sa Note par un verdict sans appel: «Il paraît difficile d'admettre qu'un livre, qui ne constitue en définitive qu'un recueil d'injures grossières, ne soit pas l'occasion de poursuites contre M. FABRE-LUCE»[35].


Toutefois, le supérieur hiérarchique de Patin, le Secrétaire général de la Présidence (Burin des Roziers) ne semble pas partager une telle conclusion. Il tenta de convaincre le général de Gaulle de l'inopportunité des poursuites en raison des effets négatifs sur l'opinion publique. En vain car le chef de l'État reste «favorable» aux poursuites»[36] et celles-ci auront donc lieu. Le Parquet rédigera, après l'accord pour poursuite donné par l'Élysée, un réquisitoire de renvoi devant le tribunal, dont s'inspirera étroitement le juge d'instruction (Alain Simon). Le 12 juin 1963, le Garde des Sceaux envoie au Procureur Général de Paris ses «instructions» au «sujet des poursuites exercées du chef d'offense au Chef de l'État» en raison de ce livre.[37] Dans cette lettre, il informait que l'affaire Fabre-Luce était citée pour l'audience du 5 juillet 1963. Mais le procès aura lieu après les vacances d'été car l'avocat de Fabre-Luce (Me Baudet) obtiendra un report du procès à l'automne, au grand dam du Secrétariat général à la Présidence[38]. L'affaire sera jugée le 29 novembre 1963, presque un après la publication du livre contesté.


Le choix des passages offensants — Alors que le pouvoir politique a décidé de poursuivre l'homme de lettres, le Parquet et le juge d'instruction saisi se trouvent confrontés à la difficile tâche de choisir les passages offensants. Ecrivain habile, Fabre-Luce a pris mille précautions pour éviter toute expression injurieuse et il s'est très largement réfugié derrière le procédé littéraire. Certes, l'accusation estime que le livre est offensant dans son ensemble, mais elle est obligée de choisir quelques extraits du livre jugés offensants qui sont souvent tirés de personnages fictifs de la saynète judiciaire. Pour éviter le risque d'un acquittement, toujours craint par le Parquet, le procureur de la République a choisi de multiplier le nombre d'extraits du livre considérés comme offensants, même si certains paraissent presque anodins. La défense a pu, lors du procès, gloser sur certaines des expressions reprochées à Fabre-Luce pour décrire de Gaulle. L'une d'elles, utilisée par le narrateur, consiste à désigner implicitement le chef de l'État comme ««un gros squale qu'on essaie de capturer »[39]. Le contexte était le suivant: le narrateur dépeint la salle du Sénat où se passe le jugement comme une sorte d'aquarium. Il s'est assoupi pendant ce procès et dans son rêve défilent des sénateurs à moitiés endormis qu'il compare à des «mollusques incrustés dans un banc de corail» et c'est après ces phrases qu'il ajoute l'allusion au «gros squale». L'accusation retient cette phrase comme offensante. Ainsi fait-elle aussi pour l'un des extraits les plus contestés du livre qui est la déposition du psychiatre. Ce dernier a laissé entendre à la barre que le président de la République appartiendrait à «la famille des paranoïaques»[40].


Le Parquet a systématiquement retenu de telles expressions comme offensantes. Il a aussi retenu dans les nombreuses expressions jugées offensantes, choisi toutes celles qui relèvent du registre de l'opposition radicale à de Gaulle. Le thème de la trahison en Algérie est ainsi illustré par le propos d'un spectateur au procès, confiant au narrateur la chose suivante: «Fidélité, puis trahison: de la haute politique de l'Élysée, voilà tout ce que les Européens d'Algérie est les musulmans francophiles ont retenu»[41]. Ce propos est donc retenu comme offensant[42]. Enfin, du témoignage de Mettral, le Parquet retient notamment comme offensante la phrase suivante: «Nous allons même jusqu'à préférer un pouvoir de fait qui se reconnaît comme tel à un pouvoir de droit qui s'autorise d'une prétendue légitimité pour se soustraire à la légalité»[43]. Il ajoute aussi une autre phrase qui visait à dénoncer cette espèce d'alliance objective entre de Gaulle et l'O.A.S.: «Mais les excès de l'O.A.S. servaient à justifier des demandes de pouvoir accrus et l'usage qu'il faisait de ces pouvoirs provoquant de nouvelles révoltes. On entrait dans un cycle sans fin où le cynisme et la violence s'encourageaient l'un l'autre.»[44] La XVIIe chambre correctionnelle devait se prononcer sur ces chefs d'accusation presque intégralement repris par le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi. Le procès eut lieu le 29 novembre 1963.



III – Le procès de Haute Cour devant la XVIIe Chambre


Devant les juges de la XVIIe Chambre, Fabre-Luce se défend becs et ongles. Il invoque trois arguments. L'un tient à la nature de cet écrit. Ce n'est pas un ouvrage d'historien ou d'essayiste, dit-il, mais un «roman qui dépeint un procès imaginaire»[45]. Cet artifice littéraire est, selon lui, d'autant plus légitime que plusieurs contemporains ont déjà envisagé la comparution du chef de l'État devant la Haute Cour. Il cite, à tort d'ailleurs, le président du Sénat (Monnerville). D'où sa conclusion en forme de défense de principe: «je n'ai fait qu'imaginer le procès que d'autres réclamaient implicitement ou explicitement en prétendant le justifier»[46]. Le second argument porte sur «la forme dialoguée» de ce roman qui doit interdire d'imputer à l'auteur du livre des propos tenus par des auteurs de ce dialogue. Il sait très bien que, pour rendre compte des opinions exprimées par ses personnages, «on est fondé à chercher l'opinion de l'auteur». Mais son intention, en écrivant ce livre, n'aurait pas été d'accuser de Gaulle de haute trahison, mais de montrer à travers ce roman «les difficultés et (les) inconvénients»[47] d'un tel procès politique.


Enfin, son troisième argument vise à montrer qu'il a porté dans ce livre un jugement plutôt équilibré sur l'action politique du général de Gaulle. Il fait observer au président de la XVIIe Chambre que l'accusation, dans le procès fictif, a renoncé au grief l'abandon du territoire algérien. Cela permet à Fabre-Luce de rappeler ses propres thèses politiques: il a toujours été hostile à la thèse de l'intégration de l'Algérie dans la métropole — il n'était pas assimilationniste — et il a même défendu l'idée de négociation avec le F.L.N. Son désaccord avec de Gaulle porterait plutôt sur le résultat des accords de 1962: «je pense qu'on pouvait éviter l'exode massif des Européens d'Algérie et j'avais étudié une autre solution»[48]. Concernant le problème des violations du droit commises par le chef de l'État, il rappelle que la question de l'inconstitutionnalité du recours au référendum pour modifier la Constitution en 1962 méritait d'être posée et le fut d'ailleurs par d'éminents juristes. D'après lui, la perspective d'imaginer un président de la République menacé par un procès en Haute Cour pour haute trahison (art. 68 C.) devrait être prise au sérieux sous la Ve République car elle serait, dans le cas d'une éventuelle violation de la Constitution par son gardien (le Président de la République), le seul moyen d'associer la responsabilité politique à l'exercice effectif du pouvoir[49].


C'est pourquoi Fabre-Luce conclut sa déposition en avouant sa totale incompréhension devant le procès qui lui est fait et la saisie de son ouvrage. «Je pense avoir écrit, dit-il, un livre modéré, mesuré, propre à calmer les passions, et qui, d'ailleurs, a été compris comme tel par ses lecteurs. Je ne comprends pas bien pourquoi j'ai été poursuivi. […] Y aurait-il donc un “crime d'imagination“? Je ne l'ai pas trouvé dans le code et il me paraîtrait très grave pour les lettres françaises de l'instituer.»[50] La formule «crime d'imagination» fait mouche et illustre le conflit potentiel entre le droit pénal et la fiction littéraire. Enfin, après avoir rappelé le procès dont il fut victime en 1943 de la part de l'État de Vichy, le prévenu termine par un vibrant hommage à la France et surtout à la République des lettres. L'accusation et le prévenu partagent le même amour de la liberté d'expression: «Nous sommes les uns et les autres citoyens d'un pays très attaché à la liberté d'expression. Nous désirons que cette tradition se perpétue, car elle nous paraît faire partie de la figure même de notre patrie. Quand j'ai écrit mon ouvrage, je pensais que la France d'aujourd'hui y restait fidèle. J'ai exprimé cette conviction dans mon livre. J'espère n'être pas démenti.»[51]


Mais Fabre-Luce peut-il arguer du caractère fictif des propos prêtés à «ses» personnages pour échapper à sa responsabilité pénale? Sur ce point précis, et décisif, du droit à la libre expression, à la «libre fiction» si l'on veut, il est sèchement repris par le représentant du Parquet, le Substitut du Procureur, M. Houdot qui, dans son réquisitoire rappelle sobrement le droit en vigueur et fait remarquer que ce genre d'artifice littéraire ne vaut pas excuse en matière d'offense au chef de l'État:

M. Fabre-Luce est historien dans la mesure où il fait état de faits. Mais les faits historiques ne sont pas discutés dans cette affaire. Ce qui lui est reproché, c'est la partie créatrice, la partie imaginative, la partie fiction, et quand il a choisi de faire un procès en Haute Cour du président de la République en fonction, il s'est donné évidemment un thème, il s'est donné un prétexte.

Par la suite, ayant choisi ce thème, il était bien nécessairement amené à développer l'accusation, à présenter une défense, mais tout cela ne légitime pas les propos accusatoires. Et, je le répète, même dans le cas où il s'agirait d'allégations qui ont été portées et publiées par d'autres.

Les allégations diffamatoires sont de jurisprudence constante et constituent un délit en matière de presse. C'est une chose absolument élémentaire.[52]

En outre, le Substitut ne se déclare pas du tout convaincu par l'argument de la forme littéraire, du style posé et correct qui avait été soulevé par les amis de Fabre-Luce, Frossard ou Jouvenel lesquels avaient dans Le Monde salué la qualité littéraire de Haute Cour. Le représentant du Parquet pose la question de manière rhétorique: «Est-ce du fait que votre livre a une tenue certaine, qu'il est bien écrit — et cela, personne n'en doute, et que votre talent consacré ne nous surprend pas — est-ce que l'œuvre littéraire, la nécessité littéraire peut justifier l'expression d'allégations comme celles qui sont contenues dans votre ouvrage?»[53] . Mais à l'encontre de ceux qui croient que la qualité littéraire d'un écrivain devrait être prise en compte par les autorités de l'État quand elles jugent ses écrits, le Substitut du Procureur rappelle à la barre du tribunal la dure loi des délits de presse selon laquelle il n'y a pas «une excuse de talent» — si l'on peut dire — en droit pénal spécial. Il invite le tribunal à juger en équité, à mettre en balance d'un côté, «votre passé, «tenir compte de votre honorabilité sociale», et de l'autre, prendre en compte «la nécessité de protéger la plus haute autorité de l'État»[54].


De son côté, l'avocat de Fabre-Luce, Me Baudet — avocat reconnu comme un grand civiliste[55] et donc peu enclin aux effets de manche — met au centre de sa forte plaidoirie l'argument de la liberté: «l'attitude de M. Fabre-Luce est celle d'un homme libre»[56] et c'est pourquoi elle aurait plu à maints esprits libres. Sa plaidoirie se conclut par l'éloge du droit de juger pour tout historien, c'est-à-dire le droit de critiquer les gouvernants en exercice. Il revendique pour son client le droit de l'écrivain politique ou de l'essayiste à démystifier les actions des hommes politiques alors même que ceux-ci sont encore au pouvoir. Ce serait une grave erreur en démocratie d'attendre leur mort pour être en mesure d'exercer un jugement critique sur leur action. C'est ce qu'aurait voulu faire Fabre-Luce dans ce livre. Me Baudet use alors de propos vigoureux pour défendre une telle liberté: «lorsqu'il s'agit de ces choses-là; faut-il tout dire pour être vrai? Faut-il demeurer muet pour être sage? Faut-il voir les choses et les personnages tels qu'ils sont, ou bien faut-il désirer le bienheureux aveuglement?»[57] Après cet éloge, très libéral, de la lucidité critique, Me Baudet conclut sa plaidoirie par un très habile argument juridique: face à une notion aussi «incertaine» que l'offense au président de la République, il convie les magistrats de la XVIIe Chambre à «la prudence» et à «la modestie»[58] en les invitant à relaxer son client. Mais il ne sera pas du tout entendu par le tribunal, qui condamnera les deux prévenus.



IV – Le jugement et l'arrêt concernant Haute Cour


La XVIIe Chambre statue d'abord sur la possibilité même d'envisager un procès pour haute trahison au chef de l'État. Reprenant mécaniquement une ancienne jurisprudence, elle considère que «le simple fait de décrire une prétendue comparution du Président de la République devant une juridiction qui, aux termes de la Constitution, ne saurait juger les actes accomplis par lui “qu'en cas de haute trahison“ constitue déjà en lui-même une offense au Chef de l'État»[59]. Autrement dit, le tribunal estime que la seule hypothèse d'envisager une telle accusation est en elle-même une «supposition outrageante» qui serait en outre «encore aggravée» par les trois crimes inclus dans l'accusation de haute trahison[60]. Il précise plus loin, dans le jugement, que c'est «le thème même du livre» qui a un «caractère volontairement offensant»[61]. Cette opinion est certainement la partie la plus contestable de ce jugement car on ne comprend pas pourquoi un citoyen se verrait interdire la possibilité d'envisager une telle procédure d'exception qui est d'autant plus envisageable que le chef de l'État, dans un régime formellement parlementaire comme celui de la Ve République, est politiquement irresponsable. Le recours à l'article 68 de la Constitution (renvoi devant la Haute Cour) était à l'époque le seul moyen d'obliger le président de la République à rendre compte de ses actes. Sans surprise, la Cour d'appel confirme entièrement cette partie de la décision du tribunal correctionnel en déclarant que «le fait même de représenter le Président de la République comparaissant comme accusé de haute trahison devant la haute Cour constitue une atteinte à son honneur»[62]. Or c'est justement cet argument constitutionnel qu'a invoqué Fabre-Luce dans la préface de son livre[63].


En revanche, dans son jugement de l'affaire Fabre-Luce, la XVIIe Chambre est bien plus convaincante lorsqu'elle réfute la défense du prévenu en estimant que «l'artifice» littéraire est une ruse pour faire passer des offenses dans la bouche des locuteurs de ce roman judiciaire. Il insiste sur ce point en prenant la peine de citer in extenso les passages considérés par elle comme offensants: «Cet artifice a été pour l'auteur l'occasion de placer dans la bouche des personnages fictifs qu'il a mis en scène des propos outrageants pour le Président de la République, des allégations ou imputations de nature à jeter sur sa personne le mépris et la déconsidération et à porter la plus grave atteinte à son honneur et à sa délicatesse.» Après avoir démasqué la feinte de l'auteur, et après avoir souligné la gravité des offenses («plus grave atteinte») contenues dans un tel ouvrage, les juges entreprennent d'illustrer une telle qualification juridique revenant à considérer comme offensants certains propos tenus par les acteurs du procès — le maître des requêtes Mettral en Haute Cour, dont la plupart ont été déjà cité plus haut[64]. Mais c'est surtout la déposition du professeur psychiatre qui indispose le tribunal dont la motivation sur le caractère offensant est ici accompagnée par un jugement d'ordre moral (que nous soulignons par la mise en italiques): «[…] FABRE LUCE pousse ensuite l'indécence jusqu'à faire déposer un prétendu psychiatre qui, au long de dix-huit pages, trace un portrait particulièrement injurieux du Général de Gaulle, qu'il classe dans la famille psychiatrique des paranoïaques»[65]. Le troisième passage du livre qui apparaît offensant au juge est celui du réquisitoire que l'auteur prête au Procureur Général. Il est dans la nature des choses que ce genre de texte soit à charge, mais ici la liste des propos retenus comme offensants est assez impressionnante. Elle a surtout pour particularité d'inclure des faits se rapportant tant à l'action politique passée du Général de Gaulle (pendant la seconde guerre mondiale) qu'à son action politique récente en tant que président de la Ve République:

Il fait ainsi dire au Ministère public, au sujet de l'action du Général de Gaulle pendant la guerre et à l'époque de la Libération: “ Général de Gaulle, vous avez intimidé les Français par un bluff et vous en avez profité pour vous installer à la tête de l'État.“ (page 203) … Vous étiez faillible comme tout le monde, et même plus qu'un autre, en raison de votre orgueil (page 204)… Il vous fallait le monopole du pouvoir, fut-ce au prix de grandes souffrances pour le pays» (page 205)…; Qu'il lui fait reprocher au Président de la République d'avoir «commis le crime de CREON “ en enfreignant ces lois que depuis Sophocle on appelle non écrites “ et qui disent “ qu'on ne renie pas des promesses solennelles, qu'on n'altère pas le sens des mots, qu'on n'humilie pas ceux qu'on a le privilège de commander, qu'on n'arrache pas des hommes à leurs foyers et des morts à la terre où ils reposent “ et s'écrier “ Or, vous avez fait tout cela “; (pages 222 et 223); qu'il fait également accuser par ledit Ministère Public le Général de Gaulle d'avoir ébranlé les bases de la moralité publique (page 216), démoralisé la Nation et été la cause de la perversion civique de jeunes français.[66]

En citant longuement ces passages du livre, le tribunal souhaite faire œuvre didactique en soulignant la charge polémique contenue dans un ouvrage que son auteur veut présenter comme une aimable piécette littéraire. Il conteste donc la défense de Fabre-Luce, qui consistait à invoquer le principe du contradictoire et donc le fait qu'en ayant décrit tour à tour les opinions des partisans et celles des adversaires du chef de l'État, il aurait présenté de façon équilibrée le cas de Gaulle. Pour cette défense, Fabre-Luce s'appuie surtout sur la plaidoirie de Me Tessardier, qui aurait pour effet de contrebalancer le réquisitoire du Procureur. Mais comme il l'a fait dans un jugement antérieur, valant ici comme précédent[67], la XVIIe Chambre estime que cette technique d'exposition littéraire ne suffit pas à considérer qu'il n'y a pas eu la volonté d'offenser le chef de l'État qui résultent des «nombreux passages injurieux ou diffamatoires évoqués ci-dessus»[68].


Quand, dans des écrits ultérieurs, Fabre-Luce critiquera sa condamnation au motif que les juges auraient seulement condamné un «crime d'imagination» ou un «crime d'hypothèse», il ne décrit pas objectivement les décisions juridictionnelles qui l'ont condamné. Les juges n'ont pas admis ce moyen de la défense. Ils ont requalifié la nature du document: selon eux, ce n'est pas un essai littéraire, mais un essai politique. Or Fabre-Luce ne peut pas prétendre de ce point de vue à une immunité tirée de sa qualité d'écrivain. Il doit rendre des comptes. Il serait trop facile de mettre des phrases injurieuses diffamatoires dans la bouche d'un personnage fictif pour s'exonérer de sa responsabilité pénale et pour échapper aux délits de presse. Sans surprise, la Cour d'appel confirme entièrement la décision du tribunal correctionnel relative aux propos prêtés aux locuteurs par l'auteur en observant que «les déclarations de personnages imaginaires au cours de ce procès fictif contiennent de nombreux propos, précisés dans le jugement entrepris, et qui sont gravement offensants pour le Chef de l'État, dont la moralité et l'équilibre mental sont mis en cause»[69]. Puisque ces «passages incriminés contiennent des attaques malveillantes contre la personne même du Général de GAULLE, Président de la République, et [qu'ils] sont de nature à jeter sur lui le mépris et la déconsidération», le délit d'offense est constitué et l'appelant doit être condamné.


Enfin, pour d'autres passages considérés comme offensants, le tribunal correctionnel a fait application de la jurisprudence antérieure sur le délit d'offense. Il a utilisé la conception extensive de l'offense retenue par la Cour de cassation en 1960 qui permet de juger offensant n'importe quel manquement à la délicatesse. Or, il est vrai que Fabre-Luce, dans Haute Cour, n'a pas hésité à multiplier les allégations dépréciatives à l'égard du chef de l'État. Ainsi, ce «jugement» confirme l'existence de la jurisprudence récurrente en matière d'offense, depuis 1960, et en vertu de laquelle une critique politique, mélangée à des attaques contre la personne même du chef de l'État, peut déboucher sur une condamnation pour offense. Alfred Fabre-Luce et sa maison d'édition (Julliard), furent déclarés coupables d'offense et condamnés par le jugement du 20 décembre 1963 à une peine d'amende de 5000 francs. En outre, le tribunal ordonna la saisie du livre.


Les deux prévenus firent appel du jugement, mais n'eurent pas plus de succès devant la Cour de Paris puisque celle-ci confirma, le 24 décembre 1964, le jugement du tribunal en énonçant que «si des critiques, même violentes, des actes politiques du Président de la République ne sauraient constituer des infractions pénalement punissables, les atteintes à son honneur et à sa délicatesse sont sanctionnée par l'article 26 de la loi du 29 Juillet I88I, même si ces offenses sont publiées à l'occasion de son action politique»[70]. En d'autres termes, le domaine de la critique politique n'est pas sanctuarisé dans le cas où celle-ci rejaillit sur la personne présidentielle et peut porter atteinte à son honneur ou à sa dignité. Dans ce cas particulier, «les passages incriminés contiennent des attaques malveillantes contre la personne même du Général de GAULLE, Président de la République, et sont de nature à jeter sur lui le mépris et la déconsidération». Il a donc suffi à la Cour d'appel d'appliquer la règle très générale qu'il a posée sur les conditions de l'offense pour justifier la condamnation de l'écrivain persifleur. A la différence de beaucoup d'autres prévenus Fabre-Luce et son éditeur ne déposèrent pas de pourvoi en cassation, ce qui fait qu'il n'y a pas eu de décision de la Cour de cassation sur cette affaire emblématique des procès pour offense.


*


Ainsi, l'affaire Fabre-Luce illustre, de façon particulièrement claire, le dilemme qui s'est posé au juge pénal contraint de juger ces procès pour offense au président de la République: face à ces attaques virulentes du chef de l'État, devait-il admettre une conception extensive de la liberté de critiquer le chef de l'État, au nom de la liberté d'expression ou bien recourir au délit d'offense pour punir les excès de certains auteurs animés par leur détestation du Général de Gaulle? Les juges ont tranché en faveur de la seconde solution, sans surprise quand on connaît la jurisprudence antérieure (depuis 1960). Il faut, cependant, souligner le fait que Fabre-Luce a joué une sorte de double jeu en s'enfermant dans une contradiction que les juges n'ont pas suffisamment relevée. En effet, d'un côté, il soutient sans cesse que son livre est une pure œuvre de fiction et qu'il faut laisser l'écrivain libre d'écrire ce que son imagination lui dicte. Mais d'un autre côté, il insiste dans sa préface sur la dimension historique, «documentaire» de son livre. Il écrit par exemple: «c'est en historien que j'ai constitué l'ensemble du dossier»[71]. Même lorsqu'il a fait parler des personnages fictifs, il a eu le souci de ne pas leur «faire affirmer des faits inexacts» et il ajoute même immédiatement: «Derrière chaque ligne de cet ouvrage, il y a un texte, souvent confirmé par un témoignage recueilli personnellement.»[72]. Que se passe-t-il devant le tribunal? Il laisse tomber, dans sa présentation du livre, la dimension historique et documentaire de sorte d'ailleurs que le Parquet le fait remarquer: «nous ne jugeons pas ici un livre d'historien». En réalité, Fabre-Luce a joué sur les deux tableaux: il a mélangé la fiction et l'histoire, prétendant que tous les faits historiques avancés étaient vrais, mais se défaussant de sa responsabilité d'historien en excipant de la qualité d'écrivain.


Pour ce qui concerne le conflit entre liberté d'expression et l'offense, il suffit de relever que les juges ont enrichi avec cette affaire Fabre-Luce leur jurisprudence en estimant que la fiction littéraire ne pouvait pas effacer l'offense, tout comme le pamphlet ne pouvait pas excuser les offenses. Selon eux, un écrivain ne peut pas se retrancher derrière l'artifice littéraire (la fiction ou même la prétendue fiction) pour critiquer de façon particulièrement malveillante le chef de l'État. Il est indéniable que, indépendamment du cas de Fabre-Luce — un auteur somme toute mineur — la portée d'une jurisprudence n'est guère libérale dans la mesure où la liberté de discussion des actes du chef de l'État est ici aussi sérieusement remise en cause par le délit d'offense. Il est tout aussi indéniable que les littérateurs viscéralement hostiles à de Gaulle ont usé d'une grande violence verbale et qu'ils se sont heurtés à la volonté gaullienne de ne rien laisser passer venant de l'extrême-droite.



Olivier Beaud (Université Panthéon-Assas) 2019
Mis en ligne dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula en octobre 2019



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[1] En vertu de l'ancien article 68 de la Constitution de 1958

[2] Nous avons fait le point sur ces archives dans notre contribution suivante: ««Que nous apprennent les archives présidentielles sur la notion d'offense au président de la République?» in Isabelle Chave et Nicole Even (dir.), Charles de Gaulle. Archives et histoire, Actes du colloque du 12 décembre 2012), édition électronique, 2016, 1.

[3] Un des meilleurs portraits de Fabre-Luce est dû à Pierre-Henri Simon, portrait en demi-teinte, dans Le Monde, en date du 28 mars 1962.

[4] Il recense 91 ouvrages à son crédit D. Garbe, Alfred Fabre-Luce. Un non-conformiste dans le tumulte du XX° siècle, Paris, François-Xavier de Guibert. 2009, p.24.

[5] Son premier livre qui le rend célèbre à 25 ans, est une charge contre Poincaré: alors que, en 1924, tout le pays communie dans le nationalisme, il ose pointer la responsabilité de l'ancien Président du Conseil dans le déclenchement de la guerre de 1914-1918.

[6] D. Garbe, op.cit., p.24. C'est le titre de son premier chapitre.

[7] «Très jeune, il a pris une attitude politique à laquelle il est resté fidèle en profondeur, dans la suite changeante de ses attitudes et de ses alliances: il fut un aristocrate de gauche.». Pierre-Henri Simon, Le Monde 28 mars 1962

[8] L'expression, qui a suscité un vaste débat, est de Zeev Sternhell. Voir notamment livre, Ni droite ni gauche (L'idéologie fasciste en France), 2e édition, Paris, Gallimard, Folio, 2013.

[9] Préface, Au nom des silencieux, p.10.

[10] «Ce Gouvernement, écrit-il, «a d'abord employé les instruments classiques de la dictature: pleins pouvoirs, censure, arrestations massives, etc. S'il n'était arrêté là, il ne mériterait qu'une simple mention sur la longue liste des Césars.» Tout le reste est à l'avenant. «La vérité sur le général de Gaulle», in Au nom des silencieux, p.127.

[11] Ibid., p.128.

[12] Id., p.139

[13] Vingt cinq ans de liberté. T. III- La récompense, 1946-1961, Paris, Julliard, 1964, p.8.

[14] Ibid., p.188.

[15] On ne sera pas surpris d'apprendre que Fabre-Luce se déchaînera, dans sa feuille confidentielle, contre le livre de Robert Paxton, La France de Vichy (1940-1944), trad. fr, Paris, Seuil, 1973.

[16] Crimes respectivement prévus par les articles suivants du Code pénal: 84, 86 et 166.

[17] Dans la troisième audience, il faut distinguer d'un côté, les témoignages défavorables à celui-ci et d'un autre côté, les témoignages favorables. Les premiers accusent de Gaulle d'avoir trahi la cause de l'Algérie française — le premier témoin est cette fois un député pied noir dénommé Laffont, et le second témoin à charge, censé être plus objectif, est un ancien fonctionnaire en Algérie dénomme Ramert. En revanche, le témoignage favorable à de Gaulle est celui de de Vernail — député gaulliste jusqu'en 1962 — qui félicite le chef de l'État d'avoir réglé le cas algérien, sans trop de dégâts. Mais ce témoignage censé être favorable à de Gaulle tourne au désavantage de ce dernier car l'auteur lui prête des propos à double sens qui peuvent être interprétés dans un sens défavorable, à tel point que l'avocat fictif, Me Tessarnier, intervient pour dire au président du tribunal que ce témoin-là n'a pas été appelé par la défense (Haute Cour p.108). Ainsi, dans cette troisième audience, aucun témoin n'est venu pour défendre véritablement «la politique algérienne de la France».

[18] Haute Cour, pp.122-145

[19] Haute Cour, p.121

[20] Pour un condensé de cette prose, Dominique Venner, De Gaulle. La grandeur et le néant, Monaco, Éditions du Rocher, 2e éd., 2010.

[21] D. Garbe, op.cit., p.320

[22] Le fondement légal de cette saisie, l'état d'urgence était d'ailleurs fragile. Fabre-Luce intenta un recours devant le juge administratif parce que le préfet Papon refusa de lui restituer les exemplaires saisis (Le Monde du 30 juillet 1963). Il obtint finalement gain de cause devant le Conseil d'État en 1966.

[23] Nous avons utilisé un exemplaire personnel acheté sur internet; il est marqué sur ce livre: J.F.G., Lausanne, «Achevé d'imprimer à Genève le 23 janvier 1963». Le copyright est bien indiqué: 1962, Julliard.

[24] The Trial of De Gaulle, London, Methuen, 1963.

[25] «Mon cher ami, C'est bien ce que j'attendais: toutes vos qualités sont là, au comble de la perfection, à un point un peu vertigineux. On ne sait si cette liberté dans le récit, est pure inspiration du moment, ou minutieux calcul, c'est un livre vraiment composé par le souvenir et qui est toute vie. C'est écrit; et l'on dirait parlé. Prodigieux talent, et qui n'a l'air de rien.Il y a en ce siècle, quelques grands écrivains. Il n'y en a pas qui soit intelligent, sauf Valéry, Morand peut-être. Et encore chez Valéry, son intelligence gêne un peu sa respiration. Vous portez ce poids avec désinvolture. Chez vous, tout est libre. Le titre est bien venu. Vous pouvez continuer ma lettre. Votre J. Chardonne» Lettre de Chardonne à Fabre-Luce du 10 février 1963, de La Flotte, Arch. Nat., AP 472 AP 3

[26] Lettre de Jean d'Ormesson à Fabre Luce (non datée, un dimanche) Arch. Nat AP 472 AP3.

[27] Sa lettre est enthousiaste: «Cher Monsieur, En lisant — et tout de suite — le livre que vous avez eu l'amabilité de m'envoyer, j'ai immédiatement pensé que tant de talent, d'équité et de goût de la vérité ne sauraient demeurer impunis. La prophétie était facile. La voilà réalisée. Vous auriez eu des dizaines de milliers de lecteurs, vous en aurez des centaines de mille — tant il est vrai qu'il ne suffit pas d'être tout puissant pour empêcher les Français de lire ce qui est important. Votre livre est éblouissant et diabolique au bon sens du terme. Vous trouvez à chaque instant l'étincelle et vous n'inventez rien. Merci d'avoir pensé que j'aurais assez de goût pour admirer ce livre. Recevez, cher Monsieur, l'expression de mes sentiments dévoués et reconnaissants, G. Vedel». Lettre du 24 déc. 1962. Arch. Nat AP 472 AP.

[28] Lettre de Bertrand de Jouvenel, datée de «déc. 1962, avec signature manuscrite précédée de «Bertrand, votre ami»/ Arch. Nat AP 472 AP3.

[29] Note du 20 février 1963 du Garde des Sceaux.

[30]Ibid.

[31] C'est l'objet de la note transmise au conseiller technique chargé de la justice, M. de Bresson, au sein du Secrétariat général Cette Note est accompagnée par un carton à en-tête du Garde des Sceaux ««Ci-joint note succinte concernant l'état des poursuites contre Fabre-Luce ». [signature illisible]. La lettre est annotée par le Secrétaire général, Étienne Burin des Roziers, qui demande à un membre du cabinet du Garde des Sceaux (M. Chavanon) de lui fournir «des renseignements complémentaires.

[32] Note précitée, Arch Nat. 5AG1/2107.

[32] Ibid..

[33] Ibid. Il ajoute: «Sous le couvert de la prétendue fiction invoquée par l'auteur, son ouvrage contient, tout au long de ses 286 pages, une suite ininterrompue d'outrages caractérisés.» Ibid.

[34]. «Le fait que ces propos soient prêtés à des personnages créés par l'auteur ne dispense pas celui-ci d'avoir à en répondre. Le procédé ne fait, au contraire, que souligner la mauvaise foi et l'intention de nuire de M. FABRE-LUCE.» Ibid.

[35] Arch Nat. 5AG1/2107. Les passages soulignés le sont dans l'original dactylographié

[36] On trouve sur la chemise rouge contenant ce dossier Fabre-Luce, l'annotation manuscrite suivante: écrite en marge: «Vu SG. Le Général est favorable aux poursuites, mais SG craint publicité audience ».

[37] Extrait de la lettre n° 62-82 G 209 envoyée par le Garde des Sceaux à l'Élysée et dans laquelle il adresse copie de ses instructions au Procureur Général.

[38] Les détails de l'affaire figurent dans le dossier conservé aux archives présidentielles.

[39] Ibid., 56.

[40] Ibid., p.181.

[41] Ibid., p.90.

[42] De même qu'un autre extrait de Haute Cour consacré à la relation du cas de Si Salah, «Cependant, la conversation avec Si Salah ne fut pas reprise, et il finit par être assassiné six ou sept mois après sa visite à l'Élysée. Après tout, c'était logique. Si l'on était décidé à donner le pouvoir au F.L.N. Si Salah qui pouvait retarder son triomphe, n'était qu'un gêneur.» Déposition de Ramert, Haute Cour, p.90. Si Salah était un rebelle algérien qui avait quitté le F.L.N et que la France a essayé d'utiliser pour régler la question algérienne.

[43] Haute Cour, p.31.

[44] Haute Cour p.138.

[45] Le procès de Haute Cour, p.56.

[46] Le procès de Haute Cour, p.57.

[47] Le procès de Haute Cour, p.58.

[48] Haute Cour, p.59.

[49] Le procès de Haute Cour, p.61

[50] Ibid., p.60

[51] Ibid., p.62.

[52] Ibid., p.91-92

[53] Ibid., p.95

[54] Ibid., p.95.

[55] Les juristes parlent ainsi des spécialistes de droit civil, par opposition aux «pénalistes», spécialiste de droit pénal.

[56] Le procès de Haute Cour p.163.

[57] Ibid.,. 166

[58] Ibid., p.167.

[59] TGI Seine, 17e ch., 20 déc.1963, Gisèle d'Assailly (Vve René Julliard) et Fabre-Luce, A.D. 45W 417.

[60] Ibid.

[61] Ibid.

[62] CA Paris, 11e ch., 27/05/1964, Gisèle d'Assailly, Vve René Julliard et Fabre-Luce (n°476/64). AD 31W 597.

[63] Haute Cour, p.8.

[64] «[…] Ainsi il fait dire à un prétendu ancien fonctionnaire de l'Algérie «Fidélité puis trahison, de la haute politique de l'Élysée, voilà tout ce que les Européens d'Algérie et les musulmans francophile ont retenu» et ne craint pas de lui faire insinuer que le Général de Gaulle n'aurait pas été étranger à l'assassinat du Chef rebelle Si Salah à qui il avait précédemment donné audience quand celui-ci paraissait disposé à entrainer ses compagnons à déposer les armes mais qui «si l'on était décidé à donner le pouvoir au F.L.N. … n'était qu'un gêneur» (pages 90, 91, 92): Qu'il fait accuser le Chef de l'État, par ce personnage d'avoir «berné» l'Armée en lui faisant cautionner un mensonge (page 92); Qu'un peu plus loin il fait déclarer à un autre «témoin» prétendu maitre des requêtes au Conseil d'État, que l'autorité du Président de la République est «un pouvoir de droit qui s'autorise d'une prétendue légitimité pour se soustraire à la légalité» (page 131) et lui fait dire «il nous rendait complices (nous, c'est-à-dire les membres du Conseil d'État) dans notre vie publique d'actes que nous n'aurions jamais admis dans notre vie privée» (page 136).

[65] Le jugement se poursuit de la manière suivante: «le dépeignant comme un personnage imbu de lui-même et prompt à se surestimer, un orgueilleux «fusion de Cyrano et de Machiavel» se jugeant prophète et infaillible, n'ayant que mépris pour ses collaborateurs et qui, dans les derniers temps de sa magistrature, était arrivé au stade «de la stéréotypie» c'est à dire de la répétition fréquente des gestes, des mots, des tics etc…, approchait d'une période «d'effondrement définitif et irréversible de la personnalité» (page 193); Qu'il lui a fait conclure son exposé par les mots: «Charles de Gaulle n'est pas positivement morbide. Il n'est pas non plus tout à fait normal. Mais il est anormal «par en haut» plutôt que «par le bas» (page 195) puis stigmatise «la corruption de l'esprit public sous l'influence d'une personnalité un peu anormale» (page 197).»

[66] Ibid.

[67] Le jugement de l'article de J.-F. Chiappe, «Les trois visages du Général de Gaulle» dans le journal mensuel C'est-à-dire (fév. 1960).

[68] Ibid.

[69] Ibid.

[70] CA Paris, 11e ch., 27 mai 1964, Fabre-Luce et Gisèle d'Assailly, Vve René Julliard, AD Seine, 31W 597.

[71] Haute Cour, p.11.

[72] Ibid.




Olivier Beaud

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Dernière mise à jour de cette page le 15 Octobre 2019 à 10h19.