Atelier




Critique, Théorie et Histoire. Introduction à l'intervention de Carlo Ginzburg, par Bérenger Boulay.

Séminaire "Anachronies - textes anciens et théories modernes" 2012-2013.
Séance inaugurale (12 octobre 2012): Le donné et le construit (1). Avec Carlo Ginzburg.




Critique, Théorie et Histoire.



J'ai dit tout à l'heure que le séminaire Anachronies permet la rencontre de commentateurs, d'un côté, et de théoriciens, de l'autre, sans préjudice des hybrides. Il y a toutefois une troisième figure vers laquelle fait signe le titre même de notre séminaire, c'est bien sûr celle de l'historien, qui était déjà évoquée lors de la séance inaugurale de l'année dernière. Nous ne sommes pas des historiens, et il ne s'agit pas de convertir les commentateurs et les théoriciens à l'Histoire, mais, entre les temporalités internes aux œuvres appréhendées par la critique et l'achronie visée par la théorie, l'Histoire, évidemment impliquée par la notion d'anachronies, constitue pour nous une sorte de terrain de rencontres, dans tous les sens de ce terme, de la découverte inattendue au match amical. L'Histoire n'est pas notre lieu propre, elle est pour nous une extraterritorialité parfois inconfortable, certes, mais qui seule, peut-être, peut nous offrir la possibilité du dialogue et du débat, dans la mesure où, d'une part, les œuvres que commente le critique sont inscrites dans différentes temporalités historiques et où, d'autre part, l'Histoire est bien souvent déjà elle-même une activité en partie théorique, qui explore le temps grâce à des procédés impliquant la modélisation et l'abstraction. Clio, écrivait Siegfried Kracauer, est la «muse des avant-dernières choses», des généralités imparfaites et sublunaires.

Nous avions, l'année dernière, commencé le séminaire en examinant la réhabilitation de l'anachronisme chez Nicole Loraux et Georges Didi-Hubermann. La présence de Carlo Ginzburg aujourd'hui est tout à fait exceptionnelle, mais elle a aussi pour nous un caractère d'évidence, dans la mesure où l'une de nos séances de l'année dernière, organisée par Karine Abiven et Laure Depretto, faisait, par son titre, «Nos mots et les leurs», explicitement écho à une conférence donnée par Carlo Ginzburg à Paris en mars 2011. Par ailleurs, la rencontre que nous proposons entre textes anciens et théories rejoint, par certains aspects, ses réflexions sur les rapports entre histoire et morphologie dans Mythes emblèmes traces et dans Le Sabbat des sorcières. On pourrait encore souligné qu'une démarche consciemment anachronique est à l'œuvre dans ses certains de ses travaux, par exemple dans la comparaison entre l'inquisiteur et l'anthropologue ou l'historien, dans Le Fil et les traces, ou encore dans le rapprochement du procès d'Adriano Sofri et des procès de sorcellerie, dans Le Juge et l'historien. Il a enfin affronté à plusieurs reprises la question du constructivisme, qui est l'un des fils directeurs de notre réflexion cette année. Carlo Ginzburg nous fait le très grand honneur de venir débattre avec nous cette année, à partir de positions d'ailleurs différentes de celles de Nicole Loraux et Georges Didi-Hubermann.

Carlo Ginzburg leur reproche d'avoir trop négligé la différence entre les questions que l'historien pose au passé à partir du présent, qui sont inévitablement anachroniques, et les réponses qu'il apporte. Il va, pour amorcer le débat, nous proposer une réflexion sur le rôle des hypothèses et du hasard dans le travail de l'historien.  



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Bérenger Boulay

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Dernière mise à jour de cette page le 17 Juillet 2013 à 8h48.