Atelier

La coopération littéraire :
le pacte de lecture des récits configurés par une intrigue
Raphaël Baroni[1]

Dans le cadre de l'analyse conversationnelle, le principe de coopération est une notion décisive qui fut introduite par le philosophe Henry Paul Grice[2] lors de ses William James Lectures à l'université de Harvard en 1967. Ce « principe », dont découlent un certain nombre de règles dirigeant les échanges conversationnels, permet de définir logiquement les conditions particulières sous lesquelles une implicitation conversationnelle peut être produite et comprise. Bien que spécialement créé à l'origine pour le contexte dialogique des conversations dont le but serait la transmission la plus efficace possible d'une information, ce principe fut par la suite élargi et adapté par Umberto Eco (1985[3]) à l'analyse sémiotique des récits littéraires sous l'appellation de coopération interprétative. Cette dernière approche, sans se limiter à un ensemble de règles strictement définies qui seraient à l'image des maximes conversationnelles définie par Grice, analyse les modalités d'une lecture interprétatives à travers l'image du lecteur « modèle » construit par le texte. Selon Eco, les lecteurs « empiriques » se trouveraient donc confrontés à un rôle que leur proposerait le texte et ils auraient le choix (contractuel) de se conformer ou de rejeter ce rôle[4].

Les conditions élémentaires d'une séquence narrative étaient également évoquées (cf. Eco 1985 : 137-141) mais l'opinion générale restait que les textes littéraires, à l'opposé des échanges à visée informative, avaient pour nature essentielle de transgresser toute convention discursive trop rigide[5]. Dans la plupart des travaux portant sur la réception des textes littéraires, il apparaît en effet qu'une définition des « normes littéraires » est, par nature, soit vouée à l'échec, soit limitée à l'étude de la paralittérature (ou littérature populaire), soit confinée à la description de stéréotypes génériques aux contours flous et aux structures éphémères, soit tellement générale qu'elle est susceptible s'appliquer à n'importe quel type de discours[6]. Dans la perspective ouverte par Eco, la notion de coopération interprétative sert donc essentiellement à définir les limites d'une approche sémiotique des œuvres quand on considère le texte comme « un produit dont le sort interprétatif doit faire partie de son propre mécanisme génératif » (1985 : 65), et cela quel que soit le protocole de lecture institué par le texte. Ce qui n'était plus pensable, c'était l'existence de « maximes littéraires » d'une portée générale au même titre que Grice proposait des « maximes conversationnelles ».

En dépit de cet éclatement (ou de cette dissolution) de la notion de coopération, la conception qu'il existe de véritables « pactes de lecture » propres à certains genres littéraires et dont dépend en grande partie la possibilité de la compréhension des textes, s'est rapidement développée, notamment sous l'impulsion des travaux de Philippe Lejeune (1975) sur les récits autobiographiques. Si les genres discursifs définissaient des contrats de lecture spécifiques, ces traits restaient des stéréotypes culturels dont la portée était retreinte à des corpus d'œuvres et à des groupes sociaux limités dans l'espace et dans le temps. La généralisation du concept de « contrat de lecture » à l'ensemble des textes narratifs (littéraires ou non) s'est cependant poursuivie dans diverses disciplines, notamment du côté de la psychologie cognitive (cf. Jose & Brewer 1984), des théories de l'action mises au service d'une théorie de la lecture (cf. Gervais 1990) et de la linguistique textuelle, attachée à décrire l'ensemble des traits prototypiques définissant la séquence narrative (cf. Adam 1997). Pour cette dernière approche, les textes sont d'emblée considérés comme hétérogènes et ils ne peuvent, par conséquent, être étiquetés en tant que récit, description, argumentation, explication ou dialogue, que sur la base d'une hiérarchisation subtile de leurs structures constitutives. La linguistique textuelle cherche néanmoins à décrire ces structures hiérarchiques qui organisent les discours au-delà des limites de la phrase ; l'accent est mis sur la notion de séquence qui, dans le cas du récit, recoupe globalement le concept d'intrigue tel qu'il est exposé dans les travaux sur la poétique depuis Aristote jusqu'à Ricœur (1983).

Nous proposons dans cet article de partir précisément de l'intrigue – comprise comme une séquence prototypique configurant les récits – pour définir la forme que prendraient les maximes de Grice adaptées au contexte littéraire. L'insistance sur le contexte « littéraire » doit cependant être compris dans un sens relatif, étant donné que les récits conversationnels sont souvent pourvus d'une intrigue[7] et que de nombreux récits « littéraires » n'en contiennent pas. En revanche, il nous semble que la visée poursuivie par les récits littéraires, que tout le monde reconnaît comme n'étant pas la recherche d'un échange d'information optimal, convient particulièrement aux maximes dont nous ferons dépendre la « mise en intrigue ».

Nous pensons que la tension narrative (actualisée en effets de curiosité, de suspense ou de surprise) permet de définir les principaux jalons des séquences qui configurent les récits en mettent en évidence des incertitudes stratégiquement produites, maintenues et finalement résolues dans le processus de la lecture linéaire (cf. Baroni 2002a). L'importance de ces « tensions », qui sont fondées sur un décalage épistémique provisoire dans la relation asymétrique qu'entretiennent auteurs et lecteurs de textes de fiction, contraste fortement avec les efforts permanents que déploient dans un dialogue des interlocuteurs qui cherchent à transmettre une information aussi efficacement que possible en respectant (ou en exploitant) des maximes conversationnelles implicites. Ce contraste suggère que les maximes « littéraires » pourraient ressembler à des maximes du second degré par rapport aux maximes « conversationnelles », du fait qu'une transgression systématique de ces dernières finit par produire une certaine régularité normée[8].

Il faut encore préciser que si des maximes du « second degré » sont envisageables dans le contexte des récits configurés par une intrigue, une transgression de ces dernières est évidemment envisageable et elle est tellement fréquente qu'elle a engendré de véritables « genres transgressifs[9] » et même des tendances esthétiques (p. ex. le Nouveau Roman). Bien que nous reconnaissions le fait, évident au milieu du XXème siècle, que les récits configurés par une intrigue n'ont pas toujours été ceux qui occupaient symboliquement le centre du champs littéraire (cf. Baroni 2004a), nous pensons néanmoins que la prolifération des « anti-romans » n'a jamais réussi à effacer le contrat de lecture prototypique des récits configurés par une intrigue. Durant la période où l'intrigue fut rejetée par le « Nouveau Roman » et certaines œuvres de la « Nouvelle Vague » au cinéma, la continuité culturelle du protocole de lecture des récits « à intrigue » fut largement assurée par le succès des œuvres populaires dont le faible capital symbolique était compensé par l'énorme pouvoir de diffusion. Peut-être que, dans les années soixante, personne ne croyait plus au rôle de l'intrigue dans les créations « artistiques » contemporaines, mais on en consommait pourtant tous les jours à la télévision, dans les salles obscures, dans les bandes-dessinées, dans les romans de gare ou dans les chefs-d'œuvre du passé.

Les maximes de la coopération conversationnelle

Ainsi que nous l'avons déjà suggéré, Grice, dans son effort pour définir le fonctionnement des implicitations conversationnelles, suppose que certaines règles et sous-règles dirigent les échanges verbaux quand ces derniers sont caractérisés par un effort de coopération entre chaque participant. Cet effort, ou but commun, permet de dégager un principe général de coopération (abrégé en CP) qu'il est possible de formuler ainsi : « que votre contribution conversationnelle corresponde à ce qui est exigé de vous, au stade atteint par celle-ci, par le but ou la direction acceptés de l'échange parlé dans lequel vous êtes engagés » (1979 : 61). Différentes règles et sous-règles se rattachent à ce principe général de coopération et Grice les répartit en quatre catégories générales importées du modèle kantien : quantité, qualité, relation et modalité. La première catégorie définit la quantité d'informations optimale qui doit être fournie (ni trop, ni trop peu) ; celle de qualité se rattache au caractère assertif d'une partie des actes de langage (« Que votre contribution soit véridique ») ; celle de relation relève de la « pertinence » du message (« Parlez à propos ») ; et enfin celle de modalité porte sur la manière dont l'information est communiquée. Cette dernière catégorie se rattache à la règle essentielle « Soyez clair » qui se subdivise en différentes sous-règles :

– « Evitez de vous exprimer avec obscurité. »

– « Evitez d'être ambigu. »

– « Soyez bref » (ne soyez pas plus prolixe qu'il n'est nécessaire).

(Grice 1979 : 61-62)

Grice n'exclut pas l'existence d'autres règles (esthétiques, sociales ou morales[10]), toutefois il considère que ces maximes conversationnelles sont « spécialement accordées […] aux buts particuliers pour lesquels la parole (et donc les échanges de parole) est faite et d'abord employée » (1979 : 62). Les règles énoncées par Grice supposent en effet que le but de l'échange se définit par la recherche d'« une efficacité maximale de l'échange d'informations ». Or, il souligne lui-même qu'« il faudrait généraliser ce schéma de règles de façon à pouvoir tenir compte de buts aussi généraux que le désir d'influencer ou de mener les autres » (1979 : 62). Par conséquent, il convient de souligner que dans le cadre d'une théorie complète des actes de langage, les maximes de Grice ne seraient valables que dans le contexte illocutif restreint correspondant aux assertions.

Petitat, dans ses travaux sur les formes sociales du secret, remarque pour sa part que le respect des normes conversationnelles ne sont que l'une des virtualités possibles des échanges, posture extrême qui n'est d'ailleurs que rarement réalisée, et qu'il n'est pas rare que les normes sociales, en fonction des contextes, imposent par exemple un travestissement obligatoire de la vérité : « l'authenticité permanente est contradictoire avec la vie et plus encore avec les conventions symboliques. Certains paradis la postulent. Probable qu'on s'y ennuie » (1998 : 22). Pratt confirme ce constat et ajoute que ces maximes représentent précisément les aspects du discours que la littérature cherche systématiquement à pervertir. (1977 : 131-132) Grice dresse lui-même un inventaire des différentes façons de ne pas satisfaire à une règle afin de spécifier le type particulier de transgression auquel il rattache le phénomène de l'implicitation conversationnelle.

1. On peut en toute quiétude et sans se faire remarquer violer la règle ; et dans certains cas, devenir ainsi susceptible d'induire les autres en erreur.

2. On peut refuser de jouer le jeu, en ne tenant compte ni de la règle, ni du CP ; on peut dire, indiquer ou laisser entendre qu'on n'a pas l'intention de coopérer de la manière dont la règle le voudrait. Et dire, par exemple : « je ne puis en dire plus ; mes lèvres sont comme scellées. »

3. Il se peut que deux règles entrent en contradiction : et ainsi, que pour satisfaire à la première règle de Quantité (soyez aussi informatif qu'il est requis), on soit obligé de violer la seconde règle de Qualité (n'avancez que ce que vous pouvez prouver).

4. On peut bafouer une règle, c'est-à-dire la transgresser ouvertement ; si l'on suppose que le locuteur pourrait se conformer à cette règle, et le faire sans pour autant en violer une autre (sans qu'il y ait contradiction), qu'il joue le jeu et qu'il n'est pas en train d'essayer (vu sa façon ouverte d'agir) d'induire les autres en erreur, l'auditeur se voit confronté à un problème de deuxième ordre : comment le fait de dire ce qui a été (effectivement) dit peut-il être concilié avec la présupposition selon quoi le CP a été respecté ? C'est ce type de situation qui donne naissance à l'implicitation conversationnelle ; et quand une implicitation est ainsi produite, je dirais qu'il y a vraiment exploitation de la règle. (Grice 1979 : 64)

L'implicitation conversationnelle est donc définie comme un type bien particulier de transgression des règles conversationnelles qui s'appliquent aux conversations qui visent une efficacité maximale de l'échange d'information : on bafoue une règle ouvertement, sans chercher à induire l'interlocuteur en erreur, et sans que cette transgression ne se justifie par une contradiction entre deux règles ; mais surtout, le locuteur suppose que l'interlocuteur sera en mesure de déduire ou de saisir immédiatement le contenu implicite de l'énoncé (et l'interlocuteur suppose que le locuteur voulait qu'il saisisse ce contenu implicité). Nous allons montrer que cette forme spécifique d'exploitation des règles conversationnelles nous semble relever de stratégies très différentes de celles que l'on rencontre dans le cas où une œuvre littéraire vise à produire ces incertitudes provisoirement entretenues chez le lecteur qui ont pour effet de configurer l'intrigue d'un récit.

De la coopération dans les récits conversationnels à la coopération littéraire

Van Dijk (1976) simplifie[11] les maximes conversationnelles de Grice et les adapte aux contenus spécifiques des discours narratifs (qui sont définis strictement en tant que « descriptions d'action »), tout en précisant d'emblée que, bien que les œuvres littéraires ressemblent grossièrement, du point de vue de leurs structures, aux narrations « naturelles[12] », elles apparaissent cependant beaucoup moins respectueuses des conventions dirigeant les échanges conversationnels. Dans le cas des narrations conversationnelles improvisées et assertives, les règles suivantes seraient généralement respectées :

(a) Le locuteur suppose que la narration est vraie ;

(b) Le locuteur suppose que la narration est pertinente, ou plutôt que son acte de parole (narratif) est pertinent dans la séquence interactive ;

(c) La narration est complète relativement aux connaissances de l'auditeur, c'est-à-dire contient toutes les propositions que l'auditeur ignore concernant le cours d'action décrit ;

(d) La narration est strictement pertinente, c'est-à-dire ne contient que les descriptions des actions, états mentaux/intentions/buts, qui sont directement pertinents dans le cours d'action décrit.

(Van Dijk 1976 : 309, notre traduction)

La « maxime » de qualité (a) doit naturellement être mise entre parenthèse dans le contexte des œuvres de fiction : « puisque de nombreuses narrations artificielles, si ce n'est pas toutes, sont fictives, nous pouvons simplement conclure que le critère de vérité est pour elles hors de propos » (1976 : 324). Van Dijk reconnaît par ailleurs que, bien que les récits de fiction ne soient pas directement liés à la situation du récepteur, il est néanmoins possible, dans certains cas, de leur attribuer une fonction pragmatique indirecte, la narration pouvant jouer le rôle d'une sorte de « modèle d'expérience » pour une future action. Ce phénomène de « fonction pragmatique indirecte » apparaît évident pour la classe des récits « didactiques » qui proposent au lecteur une morale, parfois explicite, en fin de texte. Néanmoins, c'est surtout au niveau « émotionnel » que Van Dijk définit la pertinence des récits artificiels, l'intérêt de la narration résidant généralement soit dans les propriétés remarquables des événements décrits (surtout pour les histoires criminelles, fantastiques ou de science fiction), soit dans la manière utilisée pour décrire ces événements[13] (1976 : 325).

Par ailleurs, du point de vue de leur efficacité à transmettre une information, les œuvres littéraires apparaissent beaucoup moins « coopératives » que les narrations naturelles ou conversationnelles : débuts de récits ex abrupto, inversions dans la présentation des événements (prolepses et analepses), expositions incomplètes ou retardées, réticence textuelle liée au suspense, longs passages descriptifs ou digressifs qui viennent interrompre le cours de l'action : la complétude (c) et la stricte pertinence (d) sont rarement des normes atteintes et/ou visées par les récits littéraires. Van Dijk conclut de la comparaison entre narrations artificielles et naturelles, que les premières ne sont pas seulement pragmatiquement impertinentes (pour l'interaction pratique immédiate) mais également « syntaxiquement et sémantiquement » (1976 : 327). L'idéal de « l'inacceptabilité du message » a par ailleurs conduit une certaine littérature d'avant-garde à transgresser radicalement la règle de la pertinence (b), même affaiblie à la simple recherche d'un intérêt « émotionnel » ou d'un caractère « plaisant » de la narration. Cette forme extrême d'impertinence peut être réalisée sur un plan formel[14] : en brouillant irrémédiablement la représentation de l'action, comme dans l'Ulysse de Joyce, ou en respectant au contraire scrupuleusement les maximes de complétude et de stricte pertinence, ce qui débouche, selon nous, sur un récit dont l'intrigue est affaiblie, voire partiellement niée.

A l'inverse, nous soutenons que, dans un contexte littéraire, la transgression provisoire des règles de complétude (c) et de stricte pertinence (d) peut permettre la création de tensions narratives efficaces qui ne contreviennent pas à la règle générale de la pertinence (b) mais au contraire qui la renforcent : il est facile de se convaincre par exemple que les maximes de Grice portant sur les modalités de l'échange sont directement contradictoires avec l'effet de curiosité (« Evitez de vous exprimer avec obscurité » ; « Evitez d'être ambigu ») et avec l'effet de suspense (« Soyez bref » ; « Soyez méthodique »). On peut s'en convaincre en considérant qu'une situation « suspensive » (p. ex. un conflit dont l'issue est incertaine) génère une impatience chez le lecteur, ce qui implique que la narration devrait théoriquement anticiper le résultat avant de donner le détail des péripéties pour être conforme aux besoins informationnels immédiats du récepteur (cf. Prieto-Pablos 1998 : 100 ; Wuss 1996 : 53-55). Pour cette raison, ainsi que l'a montré Labov (1978), dans un récit conversationnel assertif, on trouve généralement un résumé de l'action situé dans l'échange verbal avant le développement, ce qui permet d'éviter de créer une tension que l'interlocuteur jugerait trop peu coopérative.

Imaginons par exemple que nous apprenions qu'un proche a eu un accident de la route et que nous téléphonions à l'hôpital pour prendre de ses nouvelles (la visée de l'échange étant ainsi strictement définie par la « transmission d'une information ») : si l'infirmier nous racontait en détail et dans l'ordre les circonstances de l'accident, du sauvetage, de l'arrivée aux urgences, de l'anesthésie et de l'opération avant de nous renseigner sur l'état de santé de notre connaissance, nous serions en droit de penser qu'il coopère très mal et que la nature passionnante de son récit ne compense en rien son manque de pertinence.

Il semble par conséquent que le développement linéaire de l'intrigue, sans ce que Genette appellerait une « prolepse » dépourvue d'ambiguïté qui aurait pour effet de désamorcer la tension narrative, n'est jugé acceptable que dans un contexte non assertif, dans lequel il devient même un critère positif, car il relève l'intérêt du discours. Nous voyons également à travers cet exemple que, lorsque le discours colle parfaitement aux événements et adopte leur chronologie, nous ne sommes pas à une sorte de « degré zéro » de la représentation de l'action[15], mais qu'il s'agit bien là, au contraire, d'un travail du discours en vue de produire un effet spécifique : en l'occurrence, générer du suspense. Le degré zéro de la narration conversationnelle[16], c'est au contraire quand l'efficacité dans l'échange d'information est maximal, c'est-à-dire quand l'information la plus importante est dévoilée en premier. Or cette information cruciale, dans un récit, porte en général sur l'issue des événements et non sur leurs circonstances. Le degré zéro du récit à visée informative, c'est donc le récit antichronologique et la chronologie n'est pas le récit sans intrigue, mais bien la mise en intrigue du récit productrice d'une tension provisoire dans l'acte de réception, en l'occurrence cette tension prenant la forme du suspense.

Ces différentes formes de transgressions provisoires du principe de coopération, en configurant l'intrigue (qui est rythmée par la création d'incertitudes et leur résolution textuelle), tendent selon nous à renforcer la pertinence du message (b) et non à la nier : si la « manipulation » de l'interlocuteur et/ou la complexification intentionnelle de la coopération interprétative, par la diminution de la clarté du message, apparaissent négatives dans une conversation dont le but est d'échanger des informations aussi efficacement que possible, il nous semble au contraire qu'elle est susceptible d'être jugée positivement dans un contexte littéraire, puisqu'elle relève l'intérêt du discours, assure une fonction « esthétique » qui peut être considérée comme une des finalités du récit et contribue à « configurer » l'action, permettant d'en évaluer a posteriori la complétude et la totalité (cf. Ricœur 1983). Dans le contexte littéraire, on pourrait ainsi imaginer des maximes « négatives » qui prendraient la forme d'impératifs du type : « Exprime-toi avec obscurité ! » ; « Sois ambigu ! » ; « Ne sois pas méthodique ! » ; « Sois plus prolixe que nécessaire ! ».

Reste à déterminer à quels types de transgressions des maximes conversationnelles nous avons affaire dans le contexte littéraire. Selon Pratt (1977 : 152-200), la seule forme de transgression du principe de coopération prévue par Grice qui pourrait s'appliquer à la littérature serait l'exploitation de règles bafouées ouvertement qui débouche sur le phénomène de l'implicitation[17]. Dans les cas du suspense et de la curiosité, on peut en effet avoir l'impression que la règle est ouvertement bafouée, mais il semble bien qu'il y ait précisément, en même temps, contradiction entre la règle d'intérêt (ou de pertinence) et celle de clarté. Si nous distinguons la lecture en progression (état des hypothèses du lecteur à un moment donné de sa progression dans le texte) de la relecture en compréhension (cf. Gervais 1992), le manque de clarté du texte acquiert un statut différent : les éléments effacés, dans une lecture en progression, ne sont précisément pas directement implicités, sans quoi ils ne seraient pas générateurs d'incertitude ou de fausses hypothèses par la suite démenties. L'effet de surprise repose sur le principe que les éléments fournis par le discours, à un point donné de celui-ci, visent à induire le lecteur en erreur, à le manipuler ; il s'agit donc, dans ce dernier cas, d'une violation momentanément dissimulée de la coopération pour créer un effet rétroactif.

La tension narrative se distingue donc des effets d'implicitation conversationnelle – auxquels il semblerait que l'on puisse en revanche rattacher l'ironie, la métaphore, la litote et l'hyperbole (cf. Grice 1979 : 67-68) – du fait qu'elle relève de genres fondamentalement différents de transgressions du principe de coopération : violation discrète (pour ménager une surprise), refus ouvert de jouer le jeu[18] (pour exciter la curiosité du lecteur) ou contradiction entre la règle de la pertinence et la règle de la clarté qui débouche sur l'énigmatisation du récit et/ou son ralentissement. Grice donne un exemple éloquent d'obscurité qui vise à exploiter, à des fins de communication, une violation ouverte et délibérée la règle de clarté : « supposons que A et B soient en train de parler en présence d'un tiers, un enfant par exemple : il est possible que A fasse exprès d'être obscur, mais pas trop, dans l'espoir que B comprenne, mais pas le tiers. » (1979 : 69) Nous pouvons constater, à travers cet exemple, le caractère clairement divergeant entre le cas où une règle bafouée définit un contenu implicite directement accessible à l'interlocuteur et celui où une transgression vise à produire de la tension narrative, ce qui implique une ignorance au moins provisoire du contenu visé par l'interlocuteur.

Les normes du récit littéraire configuré par une intrigue
Certaines transgressions du principe de coopération apparaissent finalement tellement conventionnelles dans le contexte littéraire, qu'il est permis de supposer qu'elles finissent par définir des normes propres aux narrations « artificielles ». La recherche de ces traits conventionnels du récit ont notamment fait l'objet de recherches empiriques en psychologie cognitive (Fayol 1985 ; 2000 ; Brewer & Lichtenstein 1982 ; Jose & Brewer 1984 ; Brewer 1996). Une sorte de consensus semble se dégager autour de quelques traits minimaux :

L'acceptabilité du récit paraît […] dépendre, pour des sujets relativement cultivés, de conditions extérieures à celui-ci – pertinence ou intérêt des événements relatés – et de caractéristiques internes liées à son organisation – opposition ouverture/clôture par exemple. Ces deux dernières caractéristiques semblent donner au récit sa dimension de « totalité » […] en ce qu'elles contrastent deux états, initial et final, par le biais d'une transformation. (Fayol 1985 : 18)

Si les critères « internes » d'acceptabilité du récit paraissent directement liés au phénomène de la mise en intrigue, d'autres études, d'origine anglo-saxonne, ont approfondi l'exploration de ces « conditions extérieures », qui portent sur « l'intérêt des événements relatés » ou sur ce que Van Dijk définissait comme la pertinence « émotionnelle » des récits artificiels[19]. Les travaux de Brewer et Lichtenstein, notamment, ont montré avec encore plus de netteté que, pour qu'une narration soit évaluée par la plupart des sujets comme une « histoire véritable », il fallait que certaines « réponses affectives » lui soient associées, réponse qui prennent la forme des différentes modalités de la tension narrative[20] que nous avons évoquées au début de cet article :

[Brewer et Lichtenstein] postulent que la caractéristique principale qui permet de distinguer les histoires (stories) des narrations (narratives) repose sur le fait que les histoires sont structurées de manière à produire une forme de réponse affective particulière chez le lecteur. Ils ont décrit trois différents types de structures du discours narratif qui provoquent trois réponses affectives distinctes : le suspense, la surprise et la curiosité. (Jose & Brewer 1984 : 911-912, notre traduction)

Ainsi que nous l'avons suggéré au début de cet article, ces différents critères « émotionnels » ou « affectifs » qui déterminent la pertinence ou l'intérêt des événements relatés – soit en fonction de leur caractère propre (suspense) soit en fonction de leur présentation énigmatique (curiosité, surprise) – ne sont pas étrangers à la deuxième condition, formelle celle-ci, « d'acceptabilité du récit » évoquée par Fayol puisque, ainsi qu'on l'a vu, ces indéterminations provisoires dans le procès de la lecture linéaire configurent l'intrigue, permettent de cerner les bornes initiales (nœud) et finales (dénouement) des séquences narratives.

Il ressort de ces différentes études qu'un certain nombre de normes discursives fondamentales (et pas seulement propres à un genre littéraire particulier) existent également dans le domaine littéraire et déterminent la plupart les récits configurés par une intrigue. Si nous précisons à ce stade ce que nous rangions jusqu'à maintenant sous la maxime générale de relation (intérêt et pertinence « émotionnelle » du récit), il est possible de définir quelques principes fondamentaux :

Règles que le lecteur s'attend à voir respectées par l'auteur d'un récit qu'il suppose[21] configuré par une intrigue :

1) que le récit soit intéressant, c'est-à-dire que les événements qui le composent génèrent une incertitude, sortent de l'ordinaire et/ou soient provisoirement énigmatisés (tensions relatives au suspense ou à la curiosité, initiées par le(s) « nœud(s) » de l'histoire) ;

2) que le récit ménage un certain nombre de surprises, c'est-à-dire qu'il ne soit pas trop prévisible ;

3) que le récit soit complet[22], c'est à dire que les incertitudes principales soient résolues par le texte après un certain délai (maxime de la complétude relative).

La première règle exige soit le recours à la technique du « suspense » (événement incertain et « passionnant »), soit l'usage de stratégies de l'énigme qui excitent la « curiosité » du lecteur, soit une combinaison complexe des deux[23] – ces deux effets, nous l'avons vu, dépendant partiellement de diverses transgressions des règles de clarté ou de stricte pertinence valables dans les conversations à visée assertive. Il s'agit ici d'une reformulation de la maxime de relation (pertinence ou intérêt du message) à laquelle on peut ajouter un corollaire, qui porte sur la nécessité de ménager certaines « surprises » et qui tient à la dialectique souvent évoquée de la tradition et de l'innovation par rapport à laquelle les œuvres sont évaluées. Enfin, la seule règle de modalité que nous conservons exige une complétude relative du discours, c'est-à-dire que le délai introduit entre l'incertitude et sa résolution doit être d'une certaine ampleur de manière à ce que la tension narrative soit constituée et que la temporalité du discours soit « approfondie » par la mise en intrigue, mais elle doit en même temps être réduite finalement de manière à ce que le lecteur puisse attendre prospectivement ou évaluer rétrospectivement la complétude du récit. La complétude porte dès lors sur le récit considéré dans sa totalité, et non sur la représentation de l'action à un moment donné de la lecture en progression, qui est au contraire généralement caractérisée par une « incomplétude stratégique ».

Ces différentes normes discursives peuvent être comprises comme définissant un pacte de lecture élémentaire (ou prototypique) portant sur les narrations configurées par une intrigue. Bien que ces normes aient été systématiquement transgressées par une grande partie de la littérature d'avant-garde, et jugées négativement par la plupart des critiques pendant une période relativement longue (cf. Baroni 2004), leur résistance n'en est pas moins spectaculaire, leur reproduction sociale ayant été largement assurée, ainsi que nous l'avons déjà dit, par le succès populaire des œuvres conformes à ce canon (contes merveilleux, bandes-dessinées, romans policiers, cinéma hollywoodien, séries télévisées, jeux de « télé-réalité », etc.) mais également par la survivance d'œuvres plus anciennes et par le « retour de l'intrigue » dans les œuvres dites « postmodernes ».

Réciproquement, on peut définir certaines règles auxquelles se conforment en général les lecteurs de fictions configurées par une intrigue. Dans les termes d'Eco, ces règles définiraient une sorte de « rôle » minimal pour la lecture d'une œuvre relativement « fermée ».

Règles que l'auteur d'un récit « à intrigue » s'attend à voir respectées chez ses lecteurs :

1) que la première lecture soit linéaire et qu'elle respecte autant que possible le rythme imposé par le récit (sa lenteur stratégique par exemple) ;

2) que les « surprises » que ménage le texte ne soient pas divulguées à l'avance aux autres lecteurs potentiels.

Le défaut de symétrie entre la « part du contrat » assignée à l'auteur (ou à l'œuvre) et celle dévolue au lecteur, résulte directement de la situation interactive propre à la « communication » littéraire, qui peut être définie comme un « dialogisme différé », ce caractère dépendant en partie de l'absence du producteur au moment de la réception du message[24]. En effet, la co-présence des interlocuteurs dans le cadre conversationnel atténue fortement cette asymétrie, les rôles étant globalement interchangeables, même si les narrations conversationnelles, en tant que tour de parole d'une extension souvent supérieure à la moyenne, tendent vers le monologue[25].

La première règle nous semble être la condition sine qua non pour justifier l'existence empirique des effets de tension narrative dans les récits littéraires ou en bandes-dessinées, et nous pensons que la plupart des lecteurs s'y conforment avec une certaine assiduité, car ils ne désirent pas gâcher une partie de l'intérêt qu'ils entendent tirer de leur première lecture. Gervais, qui cherche à définir les régimes différentiels de la lecture empirique, décrit d'ailleurs la « lecture littéraire » comme un « cheminement en deux temps, puisqu'il y a retour sur le texte. Après un premier passage heuristique, qui correspond à une première saisie et interprétation (sommaire, fonctionnelle) du texte, le lecteur y revient pour en approfondir la connaissance, pour opérer un nouveau passage, inscrit sous le signe cette fois de l'herméneutique » (1992 : 122).

Si la « lecture littéraire » apparaît au moment où « l'économie de la progression » cède la place à « l'économie de la compréhension », elle ne contredit cependant pas la première approche du texte, généralement linéaire et « naïve », mais elle l'intègre comme une modalité préalable. Or, la tension narrative est un bon moyen de soutenir ce premier régime de lecture : « quand on lit un roman, la mise en intrigue peut nous amener, souvent, à vouloir rechercher la suite du récit. Il y a "suspense" : une attente, qui pousse à aller de l'avant, au détriment peut-être d'une plus grande précision dans notre compréhension des événements » (Gervais 1992 : 110). Gervais précise encore que cette première « lecture en progression » adopte le protocole institué par le texte, en respecte le contrat, et conduit à un oubli partiel de soi et de la matérialité du texte, tandis que la lecture en compréhension qui lui succède est susceptible de renverser ce rapport de subordination et vise plutôt à « acquérir » le texte, à le « faire sien » en en proposant une interprétation propre ou originale (1992 : 112-113). S'il y a, dans la lecture littéraire, « transfert de la régie de l'acte de lecture du texte au lecteur » (Gervais 1992 : 105) la première lecture, elle, semble bien celle qui respecte le pacte institué par le texte, celle qui cherche à se conformer au « lecteur modèle ».

Dans Les Limites de l'interprétation, sans aller jusqu'à inclure dans le cadre d'une analyse sémiotique cette « appropriation » ultérieure du texte par le lecteur empirique (appropriation qui l'autorise éventuellement à déconstruire le sens, à s'affranchir s'il le désire des intentions prêtées à l'auteur, à trouver une pertinence personnelle au récit qu'il vient de lire), Eco précise qu'une œuvre peut d'ailleurs prévoir aussi bien un lecteur modèle « naïf » qu'un lecteur modèle « critique », mais que le premier précède nécessairement le second :

Quand Agatha Christie dans Le Meurtre de Roger Ackroyd raconte par la voix d'un narrateur qui se révèle être le coupable, elle cherche d'abord à orienter le lecteur naïf vers d'autres aspects ; mais lorsque à la fin le narrateur invite à relire le texte pour découvrir que somme toute, il n'avait rien caché de son crime au lecteur naïf qui, simplement, n'avait pas su prêter attention à ses mots, en ce cas, l'auteur invite le lecteur critique à admirer l'habileté avec laquelle le texte a induit le lecteur naïf en erreur. (Eco 1992 : 36-37)

Encore une fois, si l'analyse de la coopération littéraire implique une focalisation sur la lecture « modèle » ou « heuristique », cela n'implique nullement que nous défendons une image appauvrie de la lecture littéraire, mais seulement que nous en définissons les conditions « préalables », laissant à d'autres études le soin d'en compléter la description. Par ailleurs, nous ne nions pas que le lecteur est naturellement fondamentalement libre de ne pas « jouer le jeu » de la première lecture, tout comme l'auteur est libre de ne pas respecter les règles de la « mise en intrigue » des récits artificiels ; cependant, nous pensons que ces transgressions restent « marquées » parce qu'elles se détachent sur un fond de pratiques normées d'une étonnante régularité.

La seconde règle de lecture que nous avons énoncée est peut-être moins fondamentale pour notre propos, mais il est intéressant de constater à quel point elle est scrupuleusement respectée, aussi bien par les médias[26] que par la majorité des lecteurs empiriques. Ainsi, on peut constater, non sans surprise, que des millions de lecteurs ont pu être étonnés par le dénouement des romans de J. K. Rowling, pourtant lus à une échelle massive, ou que des spectateurs contemporains puissent encore aller voir Citizen Kane pour la première fois sans savoir à l'avance la signification de « Rosebud ».

Nous nous permettrons de mentionner une anecdote pour illustrer notre propos : juste avant que ne paraisse en librairie le cinquième volume des aventures de Harry Potter, son auteur a laissé entendre publiquement que l'un des personnages principaux décéderait au cours du récit, ce qui constituait évidemment une annonce publicitaire d'une efficacité redoutable, l'intrigue étant pour ainsi dire nouée avant même que les lecteurs n'aient lu la première ligne du livre. Les rumeurs concernant l'identité du défunt ne coururent cependant pas longtemps car il fut bientôt possible à n'importe qui de connaître la réponse en achetant le roman. Pourtant, malgré les millions de lecteurs qui connaissaient la réponse, le secret ne fut pas publiquement dévoilé. Lorsque nous avons demandé l'identité du personnage qui trépassait dans le récit à des connaissances qui avaient lu le roman, il nous a été extrêmement difficile d'obtenir l'information. Ils nous conseillaient tous de lire le roman pour trouver la réponse. Un tel conformisme permet de prendre conscience de la puissance d'adhésion stupéfiante à ces règles implicites de la coopération littéraire.

Fonction phatique et mise en intrigue

Nous avons souligné à plusieurs reprises que le principe de coopération défini par Grice était un concept d'une bien plus grande extension que ses maximes conversationnelles, qui ne s'appliquent, quant à elles, qu'à des échanges dont le « but partagé par les interlocuteurs » serait une « efficacité maximale dans la transmission d'une information ». Les maximes de Grice, en mettant en avant la dimension assertive qui caractérise certains actes de langage, optimisent la fonction référentielle du message[27], mais cette dernière, si l'on s'en tient aux propositions de Jakobson et à l'ensemble des théories « pragmatiques », ne représente qu'une des fonctions qu'il est possibles d'attribuer aux discours. La question qui reste à résoudre est donc la suivante : comment définir « le but de l'échange » dans lequel le lecteur est engagé quand il lit une œuvre littéraire, but dont découlerait directement la forme que prennent les maximes dans ce contexte spécifique et qui serait déterminant dans la constitution de l'intrigue.

Le discours littéraire apparaît en fait non seulement, ainsi qu'on l'a déjà dit, fondamentalement hétérogène[28] mais également poly-fonctionnel, ce que l'on peut illustrer en nous servant des catégories proposées par Jakobson. Ce dernier, en son temps, avait souligné principalement (mais sans en exclure d'autres) la « fonction poétique » qui s'attache à la littérarité. En insistant sur la tendance de certaines œuvres, dans le contexte littéraire, à être « centrées sur elles-mêmes », Jakobson voulait surtout mettre en avant l'ambiguïté du message, qui pousse à multiplier les interprétations au lieu de chercher à les réduire. Ainsi qu'il le précise lui-même, la « suprématie de la fonction poétique sur la fonction référentielle n'oblitère pas la référence (la dénotation), mais la rend ambiguë » (1963 : 238). Cette fonction poétique est actualisée par ce que nous avons désigné plus haut comme la « lecture herméneutique », qui est marquée par le signe du « soupçon généralisé » (l'équivalence supposée entre les éléments du discours) et ne possède pas de limite prédéfinie.

Par ailleurs, le récent succès de la « critique idéologique », notamment dans le monde anglo-saxon, permet aujourd'hui de mieux mesurer l'importance de la « fonction référentielle » de la littérature, même si elle est, dans le cas des récits de fiction, globalement indirecte. Quant aux fonctions « expressive » et « conative » des œuvres littéraires, il est arrivé qu'elles jouent un rôle primordial pour certains mouvements esthétiques. Si l'on prend pour exemple les auteurs romantiques, ces derniers exacerbaient l'expressivité du pathos de l'écrivain et lui attribuaient une fonction édifiante, le créateur « visionnaire » endossant la responsabilité envers son lecteur d'un discours « prophétique ». Les méta-fictions borgésiennes ainsi que les romans parodiques, les contes-surprise[29], certaines « histoires drôles » et une grande partie des romans policiers, illustrent quant à eux à l'envi des récits ayant pour fonction essentielle de mettre en scène les codes sur lesquels ils se construisent.

Nous pensons cependant que les maximes qui règlent la coopération littéraire éclairent la fonction première de la « mise en intrigue », qui n'est pas, selon nous, de configurer un sens, mais de structurer la relation entre le texte et son lecteur. D'une certaine manière, la fonction assurée par la mise en intrigue rappelle l'analyse par Malinowski de la « communion phatique » dans laquelle « les liens de l'union sont créés par un simple échange de mots […] la langue ne fonctionn[ant] pas ici comme un moyen de transmission de la pensée[30]. » Certes, Benveniste rapproche cette fonction du contexte dialogique – il la définit comme « une relation personnelle créée, entretenue, par une forme conventionnelle d'énonciation revenant sur elle-même, se satisfaisant de son accomplissement, ne comportant ni objet, ni but, ni message, pure énonciation de paroles convenues, répétée par chaque énonciateur » (1974 : 88) – mais sa définition n'est pas entièrement étrangère à la forme particulière que prend la « communication » littéraire quand on met en avant le plaisir « gratuit » qu'elle procure à son lecteur avant de remplir une quelconque fonction référentielle, poétique, expressive ou autre.

Jakobson ne manque pas, d'ailleurs, de postuler l'existence d'une dimension « phatique » dans toute pratique discursive[31] mais il signale que certains messages, quand ils visent avant tout à organiser le contact entre le destinateur et le destinataire, « servent essentiellement à établir, prolonger ou interrompre la communication » (1963 : 217). Cette citation décrivant fort bien le travail de la « mise en intrigue » qui crée une tension (par le biais d'une incertitude génératrice d'intérêt pour le discours), l'entretient (c'est-à-dire « tient en haleine » le lecteur, le retient à sa lecture) et finit par la résoudre, le dénouement (ou la « détente ») fonctionnant comme un véritable signal de fin du récit, au même titre que la locution « au revoir ! » peut servir à clôturer un dialogue. Ainsi, François Truffaut, dans sa préface à ses entretiens avec Hitchcock, définit le suspense comme un moyen visant à encourager la participation du spectateur :

L'art de créer le suspense est en même temps celui de mettre le public « dans le coup » en le faisant participer au film. Dans ce domaine du spectacle, faire un film n'est plus un jeu qui se joue à deux (le metteur en scène + son film) mais à trois (le metteur en scène + son film + le public), et le suspense comme les cailloux blancs du Petit Poucet ou la promenade du Petit Chaperon rouge, devient un moyen poétique puisque son but est de nous émouvoir d'avantage, de nous faire battre le cœur plus fort. (Truffaut, 1975 : 16-18)

Les « maximes littéraires » définissant les « attentes » et les « devoirs » réciproques des récepteurs et des narrations configurées par une intrigue (c'est-à-dire de leurs créateurs) ont ainsi pour fonction essentielle, quand elles sont respectées de part et d'autres, d'assurer l'adhésion au texte, de gérer le « contact » entre le récit et son récepteur. En fin de compte, ces règles générales rejoignent exactement la définition que donne Jakobson de la fonction phatique, qui sert : « à attirer l'attention de l'interlocuteur ou à s'assurer qu'elle ne se relâche pas » (1963 : 217).

Barthes avait déjà défini la « catalyse » comme un élément du texte qui « accélère, retarde, relance le discours », qui « résume, anticipe, parfois même déroute », qui « réveille sans cesse la tension sémantique du discours, dit sans cesse : il y a eu, il va y avoir du sens », et il ajoute que « la fonction constante de la catalyse est donc, en tout état de cause, une fonction phatique (pour reprendre le mot de Jakobson) : elle maintient le contact entre le narrateur et le narrataire » (1977 : 23). Pour Barthes, cependant, la « catalyse » n'est qu'un élément intercalé, un « suspens » qui complète, mais n'intègre pas les charnière essentielles du texte désignées par les « fonctions cardinales ». Pour notre part, nous pensons que cette « catalyse » doit être traitée conjointement aux « moments de risque du récit » et à leur dénouement pour définir la forme de l'intrigue et sa fonction essentielle.

Un tel constat nous permettra d'avancer l'hypothèse que la « mise en intrigue » n'est peut-être pas d'emblée fondée sur une téléologie explicative, comme le suggère Ricœur[32] dans la perspective herméneutique qui est la sienne, mais qu'elle relève plutôt d'un pacte de lecture élémentaire assurant une fonction essentiellement phatique. Cette fonction « primaire » des récits n'est naturellement pas exclusive ni obligatoire, la « lecture littéraire » se construisant par-dessus (et parfois sans) ce protocole et l'interprétation des textes permettant (presque) toujours de dégager d'autres fonctions cruciales du discours. En revanche, ces autres « fonctions » du discours littéraire n'apparaissent pas aussi facilement « codifiables », car elles ne sont susceptibles de faire l'objet d'un « contrat de lecture » que dans le cadre restreint d'une généricité fragile, socialement et historiquement déterminée. Au contraire, la « fonction phatique » remplie par la « mise en intrigue » semble définir une norme discursive à la fois trans-historique, transculturelle[33], trans-générique et valable dans tout système sémiotique susceptible de construire un récit (c'est-à-dire capable d'exprimer la consécution temporelle) : on peut faire et dire ce que l'on veut avec un récit, mais cela demande en général de s'assurer que l'on ne parle pas « dans le vide ».

Dans les cas extrêmes, un récit totalement dépourvu d'intrigue restera selon nous toujours marqué par une rupture dans la « gestion » du contact entre le texte et le lecteur. A l'opposé, un récit qui ne tiendrait que par son intrigue serait véritablement à usage unique, s'oublierait aussi vite que la conversation que nous avons eue avec notre voisin sur le temps qu'il fait. Notre approche permet malgré tout de surmonter l'apparente contradiction, souvent éprouvée, entre la « sensation » que l'intrigue possède une unité, sans que cela ne réduise la pluralité infinie des interprétations possibles du texte, entre le plaisir « gratuit » que l'on peut tirer de la lecture d'un roman sans que cela n'oblitère nécessairement ses autres fonctions esthétique, référentielle ou idéologique.

Université de Lausanne

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[1] Ces recherches sont financées par une bourse du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNRS).

[2] La première publication anglaise de ces propositions date de 1975 et une traduction française, dont nous donnons la référence en bibliographie, fut établie en 1979.

[3] Première édition italienne en 1979.

[4] Se référant cette fois aux travaux de Searle et d'Austin, Eco précise que le « Lecteur Modèle est un ensemble de conditions de succès ou de bonheur (felicity conditions), établies textuellement, qui doivent être satisfaites pour qu'un texte soit pleinement actualisé dans son contenu potentiel. » (Eco 1985 : 77)

[5] On retrouve cette opinion notamment dans les travaux de Wolfgang Iser et, dans cette étude, nous la verrons exprimée également dans un article fondamental de Van Dijk (1976) dont il n'existe malheureusement, à notre connaissance, aucune traduction française à ce jour.

[6] C'est notamment le cas dans les travaux de Greimas et dans l'interprétation qu'en tire Eco (1985 : 140-141).

[7] Nous verrons cependant que la « mise en intrigue » est souvent désamorcée dans les récits conversationnels par le biais d'un résumé synthétique placé au début du discours.

[8] Cela supposerait également que la conversation serait « première » par rapport au récit littéraire. Nous assumons ce présupposé pour autant que ce caractère « premier » ne soit pas compris sur un plan « génétique », mais en fonction d'une fréquence dans l'usage quotidien.

[9] Nous pensons cependant que des maximes du « troisième degré » ne peuvent avoir qu'un statut « dépendant ». Ces genres n'existent qu'en fonction d'une transgression marquée des règles qui dirigent les narrations « normales », alors que les récits « à intrigue » semblent avoir acquis une certaine autonomie vis-à-vis des conversations à visée informative (cf. Baroni 2004b et Todorov 1978 : 44-47).

[10] Par exemple : « Soyez poli. »

[11] Notamment, les catégories de quantité et de modalité, qui se recoupent partiellement, fusionnent et donnent naissance à deux règles générales qui définissent la complétude et la stricte pertinence de la description de l'action (1976 : 307). Van Dijk est ici plus empiriste que rationaliste et ses catégories paraissent mieux adaptées à leur objet que celles de Grice, qui sont importée du modèle kantien. Toutes les citations de son article sont traduites par nous.

[12] Van Dijk oppose aux narrations « artificielles » (c'est-à-dire aux fictions littéraires) les narrations « naturelles », définies comme se déroulant dans un contexte conversationnel et ayant une fonction assertive (p. ex. les récits étudiés par Labov). On doit à Pratt (1977) une tentative d'application des maximes de Grice et des structures mises à jour par Labov à des fictions littéraires.

[13] Ces deux caractères « émotionnels » rejoignant les effets de suspense et de curiosité que nous avons déjà évoqués et qui caractérisent les récits littéraires configurés par une intrigue.

[14] Notons également la possibilité de transgresser stylistiquement un certain niveau de langage attendu, la vulgarité relevant partiellement d'une transgressions des règles de « politesse » que Grice mentionne sans l'approfondir.

[15] On pense ici au célèbre passage de Benveniste qui décrit le récit historique à la troisième personne et à l'aoriste comme un cas particulier dans lequel « personne ne parle[…] ; les événements semblent se raconter eux-mêmes » (1966 : 241).

[16] Il faudrait préciser que nous parlons de narrations conversationnelles à visée assertive, et non des « récits oraux » dans leur ensemble.

[17] Par exemple Pratt analyse le bluff identitaire du conte de Borges La Forme de l'épée comme une forme particulière d'implicite conversationnel alors que nous préférons l'analyser comme une tromperie provisoire (cf. Baroni 2003b : 34-35)

[18] Le refus ouvert de jouer le jeu correspond plutôt aux normes de l'anti-roman tandis que la contradiction entre clarté et pertinence semble plus appropriée pour définir la tension narrative dans le roman à intrigue.

[19] Cf. également les travaux de Charles Grivel (1973) sur la « production de l'intérêt romanesque », qui souligne l'importance du suspense et de l'énigme dans le procès de la « communication » littéraire.

[20] Fayol développe surtout la notion de « transgression d'une routine », dont on peut rendre compte sous la forme de scripts : « Lorsqu'un événement inattendu survient ou qu'un obstacle surgit, le déroulement des faits ne suit pas un décours habituel. Cette situation devient un objet potentiel de narration » (Fayol 2000 : 195). Sur le rapport entre transgression du script et tension narrative, cf. Baroni (2002b : 115-120).

[21] L'attente du lecteur dépend naturellement de « signaux génériques », ce qui ne signifie pas que ces règles ne sont pas « trans-génériques », mais seulement que les indications génériques permettent de déterminer si l'on se trouve confronté à un texte qui respecte ou qui transgresse ces normes générales.

[22] La transgression systématique de cette règle est exemplaire dans le roman de Calvino dont le titre lui même consiste en une proposition incomplète : Si Par Une Nuit d'hiver un voyageur…

[23] Aussi bien Bertrand Gervais (1990 : 297-378), quand il décrit les mécanismes d'adhésion au texte littéraire, que Charles Grivel, dans ses travaux sur l'intérêt romanesque, insistent sur la fonction du suspense et de la curiosité (ou de l'énigme) pour instaurer une relation entre l'œuvre et le lecteur : « la rupture de l'ordre archétypal n'est efficace (c'est-à-dire produit le désir de lire et retient le lecteur à sa lecture) qu'à partir du moment où elle ouvre obscurément sur cet ordre même » (Grivel 1973 : 262).

[24] Cette asymétrie est compensée chez Eco par les figures de l'auteur et du lecteur « modèles », qui sont des instances hypothétiques avec lesquelles l'auteur et le lecteur empirique peuvent malgré tout entretenir une sorte de « dialogue ».

[25] On pourrait postuler une règle particulière pour le récepteur d'un récit conversationnel « à intrigue » (donc ayant une visée qui ne soit pas directement informative) : « Garde le silence jusqu'au dénouement ! » ou « N'interrompt pas le narrateur avant que son récit n'ait atteint sa résolution ! ». Cette règle est très certainement appliquée à la lettre lorsqu'on écoute un conte de tradition orale ou quand on nous raconte une plaisanterie. Dans ce contexte, les interventions des auditeurs peuvent être directement régies par les narrateurs en fonctions de codes précis ou de stratégies interrogatives : par exemple quand le narrateur pose une question « piégée » juste avant le dénouement d'une histoire drôle (cf. Petitat & Pahud 2004).

[26] Les « épitextes » (publicitaires ou critiques) sont naturellement plus conformistes que les « métatextes » qui, eux, supposent que la première lecture a déjà été effectuée et que le lecteur cherche seulement à approfondir sa compréhension du texte. Ainsi Eco, dans la citation donnée plus haut, dévoile l'identité du coupable du célèbre roman d'Agatha Christie.

[27] Rappelons que les propositions de Grice s'insèrent dans une réflexion philosophique concernant la différence entre les moyens descriptifs de la logique formelle et ceux propres aux conversations naturelles. L'insistance sur la fonction référentielle est donc inhérente à son approche.

[28] Dans un récit littéraire, il y a généralement, à côté des représentations d'actions, des dialogues, des descriptions, des argumentations etc. (cf. Adam 1997)

[29] Cf. Petitat & Pahud (2004).

[30] Cité par Benveniste (1974 : 87).

[31] « Disons tout de suite que, si nous distinguons ainsi six aspects fondamentaux dans le langage, il serait difficile de trouver des messages qui rempliraient seulement une seule fonction. » (Jakobson 1963 : 214)

[32] « Un récit qui échoue à expliquer est moins qu'un récit ; un récit qui explique est un récit pur et simple. » (Ricœur 1983 : 264)

[33] Les travaux des ethnologues sur les contes, mythes et légendes du monde entier et de toutes les époques mettent en évidence ces traits élémentaires du récit qui paraissent d'une étonnante stabilité.

Raphaël Baroni

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Dernière mise à jour de cette page le 27 Mai 2004 à 9h12.