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Journée d'études :

Journée d'études : "With great power comes great responsibility. L’ambivalence du pouvoir dans les cultures de l’imaginaire." (Rennes)

Publié le par Aurelien Maignant (Source : Joan Grandjean)

« With great power comes great responsibility »

L’ambivalence du pouvoir dans les cultures de l’imaginaire.

 

Journée d’étude

vendredi 23 octobre 2020

campus Villejean de l’Université Rennes 2

ou via une interface de vidéoconférence en ligne.

 

PRÉSENTATION

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Cette maxime, aussi connue comme le « Peter Parker principle », construit le rapport de Spider-Man à sa vie de super-héros. Il s’agit aujourd’hui d’un élément central et inévitable de la culture populaire, largement associé au leitmotiv du héros masqué. Pourtant on retrouve d’abord ce slogan dans un tout autre contexte, une déclaration du Comité de Salut Public français. Lors de la Convention nationale du 7 mai 1793, ce premier organe du gouvernement révolutionnaire s’adresse en ces termes aux représentants du peuple en mission dans la Révolution française :

"Les représentants du peuple se rendront à leur destination, investis de la plus haute confiance et de pouvoirs illimités pour l’exécution du mandat qui leur est délégué. Ils vont déployer un grand caractère ; ils doivent envisager qu’une grande responsabilité est la suite inséparable d’un grand pouvoir. Ce sera à leur énergie, à leur courage, et surtout à leur prudence, qu’ils devront leur succès et leur gloire."

Ce credo a en outre été réutilisé par d’autres hommes d’État par la suite (William Lamb, Winston Churchill, Theodore Roosevelt, Franklin D. Roosevelt) en l’adaptant en faveur de leur discours. Dans tous les cas, la fiction du comic puise allègrement dans les discours gouvernementaux, renforçant la relation entre imaginaire et réalité et, par la même occasion, la profonde polysémie du mot « pouvoir » que nous souhaitons interroger dans le cadre de cette journée d’étude à travers différents points.

 

AXES

La représentation du pouvoir est omniprésente dans les cultures de l’imaginaire, qui mettent régulièrement en scène les luttes autour de ce dernier, politiques notamment mais également morales, partisanes du célèbre schéma de la lutte du bien contre le mal. Le pouvoir est alors pris dans son sens relationnel. Il est « la possibilité d’action et d’influence sur un sujet » mais aussi « l’autorité, la puissance », notamment politique ou sociale. Qu’il soit mis en scène via une révolution populaire comme dans Hunger Games ou Les Seigneurs de Bohen, ou qu’il fasse l’objet de manigances et de conflits armés comme dans Game of Thrones, le traitement du pouvoir semble ici directement renvoyer à nos propres problématiques sociales. Pourtant on perçoit déjà que l’introduction de l’imaginaire dans ces problématiques change le rapport au pouvoir. Dans Game of Thrones, le pouvoir politique, pourtant au cœur du récit, est régulièrement ramené à sa vanité face à l’Hiver qui vient. Le pouvoir surnaturel des Marcheurs Blancs amène à réévaluer les enjeux du récit. De la même façon, si les créateurs de Spider-Man attribuent à leur héros une idée issue d'un contexte militaire, sa nature de mutant le rend plus grand que les formes du pouvoir politique analysées dans les sciences sociales critiques.

C’est cette ambivalence, cette faculté de l’imaginaire à superposer une autre dimension à la perception du pouvoir, que nous souhaitons aussi aborder lors de cette journée d’étude. Le rapport des super-héros au pouvoir est symptomatique de cette idée : ces êtres dépassent le potentiel d’action de l’humain, ils peuvent là où nous ne pouvons pas. Pourtant leur action se pose au regard d’une société. Justiciers, ils accomplissent a priori le rôle de la loi, mais on les retrouve aussi souvent en opposition à ce système, appliquant illégalement leur vision de la justice comme Rorschach dans Watchmen. Parfois, malgré leur grande puissance, ils sont l’incarnation d’une communauté opprimée comme c’est le cas des X-Men. Dans The Boys, ils sont les symboles satiriques d’un système néolibéral toxique. Enfin, il arrive que leur potentiel soit si grand qu’il interroge la notion même de nation, voire d’Humanité, comme c’est le cas pour Superman ou Dr Manhattan. Le pouvoir hors-normes de ces êtres nous renvoie à notre propre rapport au contexte néolibéral, mais aussi à l’injonction permanente de dépassement de soi qu’il sous-tend. En pouvant, le super-héros nous met aussi en face de ce que nous ne pouvons pas faire, de la pression d’agir que nous subissons, ou encore de ce que nous laissons à d’autres.

La question de responsabilité et de délégation du pouvoir est également centrale dans les cultures de l’imaginaire. Le pouvoir est souvent confié à un élu, un être qui est exceptionnel ne serait-ce que par son destin, par l’incroyable puissance, talent ou héritage qui est le sien. La responsabilité est alors également déléguée par les personnages secondaires à ce sauveur. C’est là un gimmick avec lequel la fantasy contemporaine joue beaucoup, sans jamais tout à fait s’en détacher, comme dans les différentes sagas de Robin Hobb, par exemple. Entre figure messianique ou, de façon plus contemporaine, homme providentiel directement extrait de la mythologie politique, l’élu, comme le super-héros, interroge avant tout l’être ordinaire sur sa capacité à agir, mais aussi celle de défendre ses droits ainsi que celle de décider. Affirmant l’idée que cette capacité d’action s’exerce relativement à un sujet ou à un système, l’élu est lui-même souvent confronté à un adversaire qui dispose d’un pouvoir surnaturel et systémique puissant. Enfin, parfois, tout comme il semblait déborder de notre norme, le pouvoir métaphysique brandi par les mages, mutants et autres dieux est balayé par la capacité d’action d’un humble hobbit.

Si les cultures de l’imaginaire proposent de mettre en scène une forme de pouvoir surhumain, ce dernier n’est pas toujours acquis : qu’il soit le fruit d’un accident de laboratoire ou d’une démarche transhumaniste, lié à un objet ou à une malédiction, l’acquisition du pouvoir est au cœur de bien des récits, et souvent associé au pouvoir politique. Comment interroger ce pouvoir tel qu’il est pensé dans les cultures de l’imaginaire ? Comment est-il acquis et en association avec le pouvoir politique ? Au-delà du manichéisme auquel est généralement affecté le super-héros, qui est pour ou contre l’ordre moral, politique, religieux et civil, quelles sont les parts du pouvoir ? Enfin, en tant que principe même de la délégation du pouvoir, quelles sont les responsabilités qui en découlent autant dans l’imaginaire que dans le réel ?

Si nous évoquons plus haut l’idée de révolution, plusieurs aspects de ce point sont placés sous un angle unique du fait d’un pouvoir supérieur. L’idée d’hubris prend ainsi un sens tout à fait différent dans un monde où les dieux sont des êtres capricieux bien réels, ou encore lorsque leur pouvoir est accessible aux mortels les plus ambitieux. Que sous-entend ce défi du pouvoir et quelles formes peut-il prendre ? Qu'est-ce que la politique chez les super-héros et comment vivent-ils cet engagement ? Outre le monde du super-héros, à quoi l’humain lambda doit-il ressembler pour faire partie d’une guilde ? Le spectacle des super-héros a-t-il eu des effets tangibles sur notre réalité ? 

 

INFORMATIONS PRATIQUES

La journée d’étude, organisée dans le cadre du Mois de l’Imaginaire, aura lieu le vendredi 23 octobre 2020, sur le campus Villejean de l’Université Rennes 2 ou, selon les circonstances sanitaires, via une interface de vidéoconférence en ligne.

Les propositions sont attendues pour le 23 septembre 2020. Ces dernières devront comporter deux documents : une proposition anonyme incluant un titre et un résumé de votre communication de 1500 caractères (espaces compris), ainsi qu’un autre document comprenant votre nom, prénom, et votre bio-bibliographie.

Ces propositions doivent être envoyées à l’adresse du Laboratoire des Imaginaires (laboratoiredesimaginaires@gmail.com)