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Cahiers Voltaire,

Cahiers Voltaire, "Voltaire et la musique"

Publié le par Aurelien Maignant (Source : Rémy-Michel Trotier)

Cahiers Voltaire Revue annuelle de la Société Voltaire  

"Voltaire et la musique"
Appel à débat

12 septembre 2018

 

PRÉSENTATION

Si l’on part du constat qu’il n’était pas lui-même musicien, et ne savait sans doute pas lire la musique, qu’il n’entreprit pas, contrairement à d’autres (D’Alembert, Rousseau), d’en théoriser l’expression, qu’il produisit assez peu – échouant à maintes reprises à l’opéra – d’ouvrages destinés au chant, et s’abstint d’une fréquentation assidue des cercles musicaux de son temps, on pourrait former l’opinion que Voltaire, finalement, n’aimait guère la musique. Il fut cependant le compagnon, toute sa vie durant, de musiciens et musiciennes parfois considérables : sa sœur, son parrain l’abbé de Châteauneuf, son amie Mme du Châtelet, sa nièce Mme Denis, le roi Frédéric II enfin, non seulement l’entourèrent de leur pratique musicale mais nourrirent aussi souvent sa pensée critique sur cet art.

Si Voltaire ne pouvait composer, il fut le parolier d’innombrables chansons, genre qu’il affectionnait et dont il collectionnait les recueils. À l’opéra, il s’obstina, jusqu’à réussir par deux fois avec Rameau, et au-delà ; il y rêvait de « fêtes brillantes[1] », entendant par là qu’il fallait surtout laisser place à ces moments où le drame importe moins, par rapport au flux ininterrompu de chants et de danses qui en constituent l’attrait principal, ces « feux d’artifice dont il ne reste rien quand ils sont tirés[2] ». Parallèlement, le rêve d’un art total nimba peu à peu la conception de ses tragédies, comme un écho à celles des Grecs, fantasme d’un genre où tout, de la construction d’ensemble au détail de la déclamation, serait musical. Face à ces éléments, une opinion nouvelle émerge, qui fait de Voltaire un auteur souvent sensible à la musique, constamment soucieux de son usage, parfois peut-être même fasciné par elle.

La critique voltairienne, naviguant entre ces deux extrêmes, tend désormais à confirmer les liens – certes épars, souvent cachés et complexes, voire tortueux, mais aussi constants, quelquefois cruciaux et toujours subtils – de Voltaire avec l’art musical. L’ouvrage d’Edmond Vander Straeten[3], quoique daté dans ses formulations et incomplet dans sa documentation, avait mis à jour les multiples facettes de cette relation.

Plus récemment, les travaux d’édition de l’œuvre et de la correspondance (Voltaire Foundation essentiellement), ceux consacrés à l’esthétique voltairienne[4] ou à son inscription dans le contexte intellectuel et artistique qui l’influençait[5] ont réactivé le débat, avec une première somme de réflexions publiée dans la Revue Voltaire[6] – qui réaffirme toutefois l’impossibilité d’aborder frontalement les rapports de Voltaire et la musique. C’est dans le domaine de l’opéra cependant que les années récentes ont été le plus prolifiques, avec la multiplication des études de cas où les travaux des musicologues[7] font écho à ceux des littéraires[8], avec un volume des Classiques Garnier tout entier consacré à Voltaire à l’opéra.

Par rapport à ces nouvelles perspectives, et pour dépasser la difficulté induite par la rareté des rapports directs du littérateur à l’art musical, nous proposons ici de déplacer légèrement le débat, pour nous intéresser non pas à Voltaire musicien (ce qu’il ne fut, donc, assurément pas) mais à Voltaire musical, selon une approche qui incite non plus à envisager les relations de Voltaire avec la musique, les musicien·ne·s et les institutions musicales de son temps, mais plutôt à se demander ce qui, dans la production de Voltaire, peut être qualifié de « musical » (ou de « non-musical »).

La livraison 2018, élaborée en collaboration avec Matthieu Franchin, tentait ainsi de réinterroger la place de la musique dans la production théâtrale voltairienne, à la fois dans la conception poétique de ces œuvres et dans la réalité historique de leurs représentations.

Ultérieurement, outre les réponses que ces premières propositions auront pu susciter, et qui paraîtront dans les prochains Cahiers Voltaire, on poursuivra cette investigation en examinant d’autres corpus, en cherchant ce qu’il peut y avoir de musicalité, aussi bien dans les œuvres où de la musique est prévue que là où il n’y en avait pas.

 

AXES DE RECHERCHE

On pourra ainsi :

  • revisiter les opéras pour y chercher ce que Voltaire, indépendamment des compositeurs qui l’ont mis en musique, avait dès leur conception insufflé de musical (ou de non-musical) dans leur déploiement ;

  • revenir aux questions liées à la versification pour se demander s’il y a en soi une musique dans les vers voltairien, qu’il s’agisse de ses poésies ou de ses drames ; le témoignage de comédiens ayant joué ses œuvres, par exemple, serait ici précieux ;

  • regarder aussi les œuvres de lui qui ont effectivement été mises en musique (opéras mais aussi divertissements, poèmes, odes, etc.) : le texte s’y prête-t-il ? fait-il au contraire violence à la prosodie musicale ? Examiner des partitions, interroger des chanteurs ;

  • chercher enfin ce qu’il peut y avoir de musicalité, aussi bien dans les œuvres où de la musique est prévue que là où il n’y en avait pas ; et prendre, finalement, la définition de Berio : « est musique ce que je décide d’écouter comme de la musique », pour relire (à haute voix ?) La Henriade, Zadig, les Mémoires ou même le Dictionnaire philosophique.

 

CONTRIBUTIONS

Toutes contributions, de toutes natures et de toutes formes pourvu qu’elles soient suffisamment argumentées, sont les bienvenues ; elles feront l’objet de publications thématisées dans les prochains numéros des Cahiers Voltaire.

Pour la parution prévue en 2019 et consacrée à « Voltaire et l’opéra »,
vos contributions devront nous parvenir au plus tard le 28 février prochain.

Toutefois, afin de nous permettre d’organiser au mieux les parutions successives, les contributeurs·trices sont encouragé·e·s à formuler dès maintenant des propositions assez brèves (esquisse, note d’intention) qu’ils et elles pourront par la suite développer, étoffer ou compléter à leur guise, en particulier lors de leur mise en regard avec d’autres au sein d’une même thématique.

Les personnes intéressées sont ainsi invitées à contacter sans délai Rémy-Michel Trotier à l’adresse : voltairemusical@online.fr.

 

[1]     Lettre du 25 décembre 1735 (D971).

[2]     Lettre du 8 mars 1754 (D3083).

[3]     Edmond Vander Straeten, Voltaire musicien, Paris, J. Baur, 1878.

[4]     Raymond Naves, Le Goût de Voltaire, Paris, Garnier, [1938] ; Michèle Mat-Hasquin, « Voltaire et l’opéra : théorie et pratique », L’Opéra au dix-huitième siècle, Marseille, Laffitte, 1982, p. 527-546 ; Sylvain Menant, L’Esthétique de Voltaire, Paris, SEDES, 1995 ; Herbert Schneider, « Voltaire als Librettist », Musicorum, n° 5 (2006-2007), p. 153-182.

[5]     Catherine Kintzler, « Rameau et Voltaire : les enjeux théoriques d’une collaboration orageuse », Revue de musicologie, n° 2 (1981), p. 139-166 ; Béatrice Didier, La Musique des Lumières, Paris, PUF, 1985.

[6]     Voltaire et la musique (dir. Guillaume Métayer), Revue Voltaire 13, 2013.

[7]     Rémy-Michel Trotier, Rapports de la Musique au Texte dans Samson de Voltaire et Rameau, master, Université de Paris-Sorbonne, 2006 ; Julien Dubruque, Édition critique, histoire, genèse et esthétique des deux versions du Temple de la Gloire de Voltaire et Rameau, thèse de doctorat (dir. Sylvie Bouissou) soutenue le 16 décembre 2014 à Tours et consultable à l’adresse https://www.theses.fr/182444198.

[8]     Voir en particulier Béatrice Ferrier, « Un chef d’œuvre inconnu : l’opéra de Samson » (p. 51-79) et Pierre Frantz, « L’opéra au secours du théâtre » (p. 21-34) dans Voltaire à l’opéra, dir. François Jacob, Paris, Classiques Garnier, 2011 ; ainsi que Marine Roussillon, « La Princesse de Navarre, comédie-ballet. Enjeux d’une résurrection », communication présentée lors des journées Voltaire de juin 2012 – à paraître.