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Voix marionnettiques dans les arts plastiques, scéniques et visuels

Voix marionnettiques dans les arts plastiques, scéniques et visuels

Publié le par Ivanne Rialland (Source : Sandrine Le Pors)

JOURNEE D'ETUDES

organisée par Sandrine Le Pors et MarieGarré Nicoara

«  Voix marionnettiques dans les artsplastiques, scéniques et visuels »

11 mai 2012, Universitéd'Artois, EA 4028 Textes et Cultures

APPEL A CONTRIBUTION

Cette journée d'étude s'inscrit dans la continuité d'autres manifestationsorganisées par l'équipe d'accueil Textes et Cultures EA 4028 de l'Universitéd'Artois, notamment le colloque organisé en mars 2010 consacré à la question ducorps marionnettique (« Corps vivant, corps marionnettique : enjeuxd'une interaction »[1])et le colloque international « Corps et voix dans les écrituresthéâtrales »[2] denovembre 2011. Inscrite au sein de deux axes de l'Equipe d'accueil Textes etCulture, elle interroge à la fois les enjeux des « Praxis et esthétiquedes arts » mais également des «  Littérature et cultures de l'enfance », en ouvrant laréflexion aux pratiques marionnettiques accessibles ou destinées à un jeune public.

En écho au colloque organisé en mars 2011 à Strasbourg sur la question del'espace et de la marionnette (« Espace scénique, espacemarionnettique : enjeux d'une interaction »[3])et à la journée d'études organisée à Toulouse II sur « Le corpsmarionnettique comme corps-frontière »[4],nous proposons au cours de cette journée de questionner la notion de voix marionnettique. Quels nouveaux enjeux s'ouvrent à la voixlorsqu'elle semble provenir d'un corps qui n'est pas celui d'un acteurvivant ?

Dans son étude sur le Bunraku[5],Roland Barthes a mis en évidence une des caractéristiques fondamentales del'art de la marionnette : donner à voir simultanément mais séparémenttrois écritures : le geste effectué (la manipulation), le geste effectif(le mouvement de la marionnette) et le geste vocal (le récitant à distance).Les pratiques marionnettiques contemporaines proposent de nouvelles voies àl'incarnation de la parole, jouant de cet écart entre la voix, son origine etsa répartition dans l'espace. Quelsmodes d'écoute de la voix permet le recours à la marionnette, aux dédoublementsou à la prolifération des corps qu'elle propose pour un même personnage ?L'art de la marionnette semble en effet démultiplier les possibilités, autantque les pratiques reposant sur l'effigie, l'écran, la projection de l'image ducorps sur des supports variés.

Les propositions pourront s'inscrire dans trois pistes -non exhaustives- d'exploration de cette question.

La première est celle de la problématique de la voix et de sonincarnation : quels sont les enjeux des corps que l'art de la marionnettearticule à la notion de voix ? Comment joue l'écart entre voix vivante etcorps animé ? Une deuxième rubrique s'intéressera à la problématique de lamatière, qu'elle soit vocale ou physique, et interrogera les interactions quise jouent entre ces éléments au cours processus de création. Une troisièmerubrique cherchera à saisir dans les écritures contemporaines ce qui peutconstituer un terrain fertile à l'expérimentation scénique par le biais de lamarionnette.

Cette question pourra être abordée tant du point de vue des pratiquesscéniques mettant en jeu marionnettes, effigies et matières animées, autant quedans d'autres pratiques artistiques (arts plastiques, danse, cirque, cinéma,littérature…) dans lesquelles intervient le corps artificiel. Nous chercheronsà envisager, de façon transversale, ce que le corps animé produit sur la notionde voix.

1. Problématiques de la voix et de son incarnation

Comment la marionnette fait-elle jouer la voix en scène ? Quellesnouvelles voies offre-t-elle à la perception de la voix ? Le récitant peuten effet être intimement lié à la marionnette ou se trouver à distance. Lesforces en présence semblent alors s'échanger, se répondre dans un certain déploiement des possibles. Le corpssonore du récitant peut ainsi assumer une multiplicité de voix, un corpsmarionnettique pouvant tout autant être mis en voix par plusieurs interprètes.

Les jeux sur la distance entre geste vocal et corps du personnage peuventconduire à une certaine affirmation ce clivage (on pense par exemple à la proéminencedes micros tenus par les interprètes derrière les pantins hyperréalistes des Aveugles mis en scène par la compagnie Trois Six Trente[6]),voire à la mise en place de deux niveaux de jeu distincts quand l'espace desmarionnettes et l'espace de la voix fonctionnent sur le mode du dialogue,affirmant la force de chaque élément et jouant du rapport entre les deux. Deuxmises en scène de Johanny Bert, Phi -Phi[7] et l'Opéra du Dragon[8],placent ainsi les interprètes ou chanteurs en avant-scène, créant un espace dela voix qui possède sa propre portée dramatique.

A l'opposé de cette distance clairement assumée, comment envisager lesenjeux de certaines pratiques marionnettiques qui, en réduisant la distanceentre interprète et corps animé au maximum, brouillent les repères entre voix et corps ? Dans les pratiques decorps-castelet, par exemple, ou d'autres formes de corps hybrides, le corps del'interprète s'efface pour laisser apparaître un corps vivant traversé de voix.

D'autres interprètes vont faire varier les postures et les distances qu'ilsoccupent face à la figure artificielle, comme c'est le cas pour Ilka Schönbeinqui va tantôt tenir son double à distance, tantôt l'investir complètement de son corps. Elle donne ainsi àvoir le jeu sur la distance que l'acteur entretient avec sa propre voix,enrichissant le propos dramatique de la parole.

Comment envisager également laposture du manipulateur-conteur, posture épique qui induit certaines formes de mise en abyme de la voix ? On peutégalement penser à la mise en abyme du discours de la poupée dans le jeu del'enfant.

On pourra aussi s'interroger sur la façon dont la mise en voix de la figurepeut assumer l'acte d'animation dans les pratiques contemporaine. Sil'interprète est celui qui prête son souffle(c'est d'ailleurs l'étymologie du terme d'animation) et sa voix à lamarionnette, dans le cas de "l'animation immobile"[9],ce n'est plus la main, l'acte de manipulation qui va animer la marionnette ou l'objet mais uniquement la voix quiest posée sur elle. La figure reste immobile, ce sont les voix qui lui donnentvie, le discours posé sur elle qui instaurent sa présence comme vivante,vibrante. La voix acquiert dans ces pratiques une véritable portéemanipulatoire.



2. Matières, espace et voix

Il est également pertinentd'interroger les frictions, les enjeuxsensibles qui peuvent se produire entre voix, matière et espace au coursde la création. Comment la voix va-t-elle à la rencontre d'un corps matériel? Comment un matériau suscite-t-il une voixparticulière ?

Les artistes de la marionnette se confrontent à ces questions de jeux surla matière et sur l'espace que vient proposer le corps artificiel. La textured'un matériau va ainsi appeler un certain « grain de voix », unecertaine couleur (voix chaude, métallique, rauque…). Les propriétés d'expansiondu corps matériel dans l'espace vont elles aussi mener à des recherches sur levolume de voix adapté. Y'a-t-il desmatières, des échelles, qui induisent une voix plutôt qu'une autre?

Quelles potentialités se font jour au cours du processus decréation ? On peut se demandercomment l'écoute d'un corps artificiel, d'une matière,peut induire de nouvelles possibilités en termes de voix.


Pour poursuivre cette exploration des propriétés physiques de la voix et leurarticulation aux caractéristiques physiques d'un matériau, on peut aussiinterroger cet espace du geste que met en place la marionnette. Comment surscène les rythmes et les sonorités de la voix entrent en écho avec unepartition gestuelle marionnettique?

L'espace scénique mis en place peut ainsi parfois être perçu comme unvéritable espace vocal, traversé de figures, comme pour la mise en scène de La Chair de l'Homme[10]par la compagnie Tsara.

Les témoignages d'artistesseront ici bienvenus.


3. Des dramaturgies marionnettiques ?

Dans les dramaturgies contemporaines, la question du personnage tend àévoluer, son identité à s'effriter, se fragmenter, les relations qu'ilentretient avec son corps et avec l'espace à se complexifier. Il tend plutôt àêtre traversé par des voix, devenir un personnage vocal, (voir Le Théâtre des Voix de Sandrine Le Pors[11]ou encore une figure (voir les travaux de Julie Sermon sur la question[12]).

Ces nouvelles écritures (Novarina, Lemahieu, Renaude…), qu'elles soient ounon destinées à la marionnette, sont tout naturellement appelées à rencontrerle langage scénique du corps artificiel. En quoi ces évolutions rencontrent-ellesla marionnette, le corps matériel, le personnage mis en voix? Comment lesartistes de la marionnette appréhendent-ils ces écritures ?[13]Pourquoi s'y dirigent-ils ?

Le terrain marionnettique est en effet un véritable laboratoire derecherche des formes pour le théâtre des voix, les découvreurs des écriturescontemporaines étant par ailleurs pour une grande part des artistes de lamarionnette. Comment les auteurs appréhendent-ils ce que la marionnette produità l'écriture ? Nous pourrons dans ce cadre interroger les compagnonnagesentre auteurs, metteurs en scène et plasticiens autour de cette question de lavoix et des voix.


On peut également se poser la question des dispositifs marionnettiques observésdans les dramaturgies contemporaines : les questions de mises en abyme du discours, les cas depersonnages traversés par des voix, les dédoublements ou formes choralespouvant être prises en charge par le recours au corps artificiel.

Les propositions (une vingtaine de lignes maximum) doivent être envoyées àMarie Garré Nicoara et SandrineLe Pors avant le 31 janvier 2012.

Marie Garré Nicoara : marie.garrenicoara@yahoo.fr

Sandrine Le Pors : sandrine.leporsrobin@free.fr


[1] Colloque organisé par Françoise Heulot-Petit et Stanka Pavlova pour le laboratoireTextes et Cultures, axe Praxis et esthétique des arts, les 17 et 18 mars 2010

[2] Colloque international « Corps et voix dansles écritures théâtrales. 1900-2000 (textes et scènes) », àl'université d'Artois et au Théâtre d'Arras, les 17-18-19 novembre 2011, organisé parSandrine Le Pors et Pierre Longuenesse.

[3] Colloque organisé par Emmanuelle Ebel et Geneviève Jolly, du 17 au 19 mars 2011à l'Université Marc Bloch de Strasbourg.

[4] Journée d'études coordonnée par Hélène Beauchamp, Joelle Noguès et Elise vanHasebroeck, le 13 mai 2011 à l'Université Toulouse II- Le Mirail

[5] L'Empire des signes

[6] Les Aveugles, d'après Maeterlinck,par la compagnie Trois Six Trente, mise en scène Bérangère Vantusso, 2008

[7] Phi-Phi, mise en scène de JohannyBert pour la compagnie Les Brigands, 2010

[8] L'Opéra du Dragon, de Heiner Müller,Théâtre de Romette, mise en scène Johanny Bert, 2010

[9] Terme proposé par Jean-Luc Mattéoli pour désigner certaines formes d'animation,présentes dans le théâtre d'objets et dans certaines pratiques marionnettiques

[10] La Chair de l'homme, texte de ValèreNovarina, mise en scène Aurelia Ivan, 2009

[11] LE PORS, Sandrine, Le Théâtre desvoix. À l'écoutedu personnage et des écritures contemporaines, Rennes : Presses Universitaires de Rennes,coll. "Le Spectaculaire", 2011

[12] RYNGAERT, Jean-Pierre et SERMON, Julie, LePersonnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition,Paris, ed.Théâtrales, coll. Sur le Théâtre, 2006

[13] Voiraussi le numéro d'Alternatives Théâtralesconsacré aux « Voix d'auteurs et marionnettes », n°72, avril 2002