TEXTE DE CADRAGE (pour le PROGRAMME, cliquez sur le lien du site web du colloque):
Brièveté des messages, immédiateté des interactions : la célèbre plate-forme de microblogging Twitter apparaît comme un objet d’études se prêtant naturellement aux recherches que mène actuellement le FoReLLIS sur les questions de vitesse et de tempo. Notre journée d’études, organisée avec le CEREGE, se déroulera en deux temps, avec un format de tables rondes le matin et de communications l’après-midi.
Le matin, nous aborderons d’abord le sujet de cette éventuelle forme d’expression spécifique que l’on pourrait appeler la twittérature (la linguiste M.-A. Paveau s’interrogeait sur son existence, en concluant cependant par la négative[1]) par le biais du registre particulier de l’humour sur Tweeter. Un univers que l’on peut aborder à partir de deux textes : l’un, assez élogieux (« Marre de l’humour Facebook ? Marrez-vous sur Twitter ! »[2]), est écrit par le copywriter Philippe Schoepen (lui-même twitto) et publié sur son blog ; l’autre est un article du Monde, dont les auteurs semblent pour le moins sceptiques : « Twitter, l’usine à blagues (nulles) »[3]. L’analyse des tweets humoristiques pose de multiples questions, sur les ressources multimédiales offertes par la plate-forme et les contraintes de brièveté (280 caractères depuis novembre 2017, auparavant 140), sur les questions d’originalité et de propriété intellectuelle, sur la liberté d’expression et ses limites, sur la présence ou non d’une dimension politique. Après une nécessaire présentation des caractéristiques principales de « Twitter et son humour », une table ronde réunira des twitto.a.s pour traiter ce sujet à partir de leur expérience. Une deuxième table ronde, avec notamment le journaliste Tanguy Scoazec et la philosophe Marylin Maeso (twitta et auteure de l’essai Les conspirateurs du silence), sera consacrée à la question suivante : « Informer, témoigner, débattre sur Twitter ». C’est principalement sur ces derniers aspects que reviendront les communications de l’après-midi.
A première vue, pour qui s’intéresse à la vitesse, dans une perspective politique centrée sur l’évolution des sociétés modernes, Twitter représente un type de communication numérique participant pleinement d’un processus d’accélération des vies humaines, dans lesquels certains sociologues ou philosophes voient une nouvelle forme d’aliénation déterminée par un capitalisme débridé (nous pensons notamment à Jonhatan Crary[4] et à Hartmut Rosa[5]). L’éclairage de chercheurs en Sciences de l’Information et de la Communication spécialistes du numérique permettra entre autres de compléter et éventuellement d’infléchir ce point de vue, sans oublier d’étudier le lien entre accélération et « brutalisation » du débat (Romain Badouard[6]) que la table ronde du matin aura permis d’aborder. La journée se conclura par une discussion réunissant l’ensemble des acteurs de la journée.
[1] Marie-Anne Paveau, « Genre de discours et technologie discursive. Tweets, twittécriture et twittérature », Pratiques [En ligne], n° 157-158, 2013, p. 7-30, URL : http://journals.openedition.org/pratiques/3533, consulté le 21/082018.
[2] Philippe Schoepen, http://www.dekapecopywriting.be/marre-de-lhumour-facebook-marrez-vous-sur-twitter/, consulté le 21/08/2018.
[3] Hélène Bekmezian et Samuel Laurent, « « Twitter, l’usine à blagues (nulles) », Le Monde, 19/06/2018 https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/06/19/twitter-l-usine-a-blagues-nulles_5317356_4497916.html, consulté le 21/08/2018.
[4] Jonathan Crary, 24/7 : le capitalisme à l’assaut du sommeil, trad. G. Chamayou, Paris, La découverte, 2014 [2013].
[5] Hartmut Rosa, Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive, trad. T. Chaumont, Paris, La découverte, 2012 [2010].
[6] Romain Badouard, Internet et la brutalisation du débat public, « La vie des idées », publié le 06/11/2019, https://laviedesidees.fr/Internet-et-la-brutalisation-du-debat-public.html.