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Vie et mort du roman bourgeois ? fin XVIIIe-début XXe s. (ENS Paris)

Vie et mort du roman bourgeois ? fin XVIIIe-début XXe s. (ENS Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Laélia Véron)

Vie et mort du roman bourgeois ? (fin XVIIIe-début XXe).

Enjeux historiques et esthétiques

La séance aura lieu à l’ENS Ulm (45 rue d’Ulm, Paris 5e), en salle des Résistants, le vendredi 28 octobre de 14h30 à 17h30. Elle est ouverte à tou-te-s.

 

Programme

La classe moyenne et l’essor du roman en Angleterre au XVIIIe siècle

Marion Leclair (Paris 3)

L’exposé retracera, dans ses grandes lignes, la thèse classique formulée par Ian Watt en 1957 dans The Rise of the Novel (affinée, mais pas contestée, par les générations suivantes d’historiens de la littérature), qui lie l’émergence du roman à l’orée du dix-huitième siècle en Angleterre au développement de la classe moyenne. Par ses thèmes comme par ses traits formels, au premier chef son réalisme caractéristique, le roman du premier dix-huitième siècle est ainsi façonné par les valeurs, mais aussi les angoisses, d’une classe qui, par ses succès économiques comme par la supériorité morale qu’elle revendique, conteste de plus en plus l’élite aristocratique du pays. Le roman est aussi plus directement façonné par la classe moyenne : c’est d’elle que sont issus ses principaux praticiens et, surtout, ses lecteurs, qui, en permettant au romancier de s’affranchir du patronage aristocratique, font du roman, avec la presse périodique, un des vecteurs privilégiés de l’idéologie bourgeoise.

Essor du genre romanesque et domination politique bourgeoise (XIXe siècle) : Balzac et Stendhal

Laélia Véron (ENS Lyon, IHIRM / Paris 3)

Que l’essor du genre romanesque bourgeois corresponde historiquement à la domination politique de la bourgeoisie est un fait qui a été plusieurs fois constaté. Mais comment comprendre cette correspondance ? Lukacs, dans La Théorie du roman (1920) établit un lien d’ordre psychologique ou spirituel entre les caractéristiques esthétiques d’un genre, celui du roman occidental, qui peut se définir comme une dialectique particulière des rapports entre la nouvelle figure que constitue l’individu moderne et un monde qui n’est que partiellement le sien (« l’histoire d’une recherche dégradée de valeurs authentiques dans un monde dégradé » résume Goldmann), et les caractéristiques historiques d’une nouvelle époque, celle de la modernité.

Cette homologie établie par Lukacs servira de base à une approche matérialiste du roman qui tentera de comprendre le rapport entre roman et bourgeoisie moins en termes mentaux qu’historiques et sociaux. Les contradictions internes au roman (l’histoire d’une recherche dégradée qui ne peut aboutir) seraient celles de la société bourgeoisie, entre aspirations nées de sa période héroïque révolutionnaire et la réalité du capitalisme naissant.

Après avoir présenté les catégories esquissées par La Théorie du roman, nous étudierons deux exemples d’application matérialiste de ces catégories aux oeuvres de romanciers, devenus classiques, du premier XIXe siècle : Balzac (selon les études menées par Lukacs lui-même dans Balzac et le réalisme français) et Stendhal (en nous appuyant sur le travail de Barbéris, Stendhal).

Nous évoquerons également brièvement le travail de Goldmann, qui a cherché à développer l’étude de l'analogie entre forme esthétique et mutations économiques au second XIXe siècle, voire au XXe siècle.

Crise sociale et crise esthétique au tournant du XXe siècle : le théâtre sur la scène de l’histoire

Quentin Fondu (EHESS-CESSP / Université de Bielefeld)

Alors qu’au XIXe siècle le roman représente par excellence le genre bourgeois, faisant du héros solitaire le personnage-miroir d’une classe sociale ascendante, porteur de ses propres contradictions, il semble être ébranlé au tournant du XXe siècle, dans une période marquée par une crise sociale d’ampleur où la perspective d’une révolution socialiste paraît d’actualité. Ce moment d’instabilité politique et de forte conflictualité détermine des transformations esthétiques profondes, où, contre la représentation d’une classe dépositaire de l’universel en même temps que du sens de l’histoire comme c’était le cas dans le roman, il s’agit désormais de pouvoir représenter des forces sociales opposées et donc un monde social fragmenté – ce qui a pour conséquence une politisation de l’art et donc une volonté de l’instrumentaliser.

En décidant d’étudier le théâtre, ses métamorphoses et le rôle nouveau qui lui est attribué au tournant du XXe siècle, nous souhaitons mettre à l’épreuve la méthode de l’herméneutique critique, représentée par Peter Szondi (1929-1971). Dans sa Théorie du drame moderne (1956), ce chercheur analyse l’apparition d’une nouvelle forme, l’épique, qui transforme de l’intérieur le genre du drame et lui permet, progressivement, d’être mobilisé comme un outil de contestation sociale. Tandis que le roman était le genre d’une société contradictoire mais pacifiée, le théâtre revient sur les devants de la scène de l’histoire, une scène sur laquelle désormais tout est possible.