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Appels à contributions
Variations, n° 25 :

Variations, n° 25 : "Humor/humour/humour"

Publié le par Marc Escola (Source : Roxane Barras)

Appel à contributions – Variations 25 (2017)

Variations est la revue des études de littérature comparée de l’Université de Zurich. Ce forum trilingue (allemand, français, anglais), ouvert à tous les universitaires, favorise l’échange au sein des recherches littéraires. Chaque numéro rassemble des articles autour d’un thème commun, tandis qu’une deuxième partie est ouverte à l’écriture et à d’autres formes de contributions artistiques. Suivent, en fin de volume, des comptes rendus d’ouvrages récents.

Humor/humour/humour

"Folglich setz’ ich mich selbst in diesen Zwiespalt [...] und zerteile mein Ich in den endlichen und unendlichen Faktor [...]." (Jean Paul : Vorschule der Ästhetik)

La thématique de l’humour se prête particulièrement bien à la variété d’approches qu’autorise une revue multilingue de littérature comparée. L’étymologie du terme témoigne d’une histoire longue et complexe, faite de glissements sémantiques et de réinterprétations. Héritier de l’humores latin – terme qui se réfère d’abord à la théorie des humeurs de la médecine antique – l’humour se fait une place en littérature au travers de figures aussi fameuses que Gargantua et Pantagruel, Don Quichotte ou encore Tristram Shandy ; cependant, le mot ne prend son sens actuel qu’au cours du 18e siècle, au sein de la classe moyenne anglaise. Après avoir été le qualificatif d’un comportement social déviant de la norme, le terme perd en effet sa connotation péjorative, et enveloppe dès lors la marginalité qu’il désigne d’une aura de distinction et de classe.

L’histoire de l’humour est donc aussi celle des négociations qui façonnent les conceptions de la subjectivité bourgeoise – subjectivité tiraillée entre idéaux d’un côté, manifestations individuelles et concrètes de l’autre, et qui met à contribution une large palette de procédés rhétoriques : suspens, renversement, mécanisation, masquage... Dans ce conflit entre conception et réalisation de soi transparaît l’idéal d’une personnalité plurielle, dont les contradictions et les ambivalences seraient part intégrante. Cette pluralité implique entre autres la notion de polyphonie narrative et sémantique – la littérature étant le lieu privilégié de l’exploration et de la négociation de cette multiplicité de signifiants et de signifiés. Parmi les auteurs germanophones, on reconnaît notamment à Jean Paul cette capacité à recourir, dans ses théories et pratiques esthétiques, à ce potentiel qu’a l’humour de faire se croiser des perspectives opposées. À l’orée du 19e siècle s’initie cependant une division dans le rapport à l’humour, et qui évoluera dans les années qui suivront en deux positions extrêmes : d’un côté, l’humour est vu comme une forme de narration pathologiquement autoréflexive, et dont la littérature doit être débarrassée ; de l’autre, il est légitimé et célébré en tant que mode de réconciliation des contraires.

Outre ces tensions, il faut également souligner le lien étroit qu’entretient l’humour avec le caractère fondamentalement ‘résistant’, voire rebelle, du comique : constamment subordonné au genre tragique, le comique peut toutefois aussi se concevoir comme un ‘contre-genre’ critique. La notion du dionysiaque formulée par Friedrich Nietzsche, le carnavalesque selon Mikhaïl Bakhtine, ou encore la théorie philosophique développée par Henri Bergson sur le rire ne sont que quelques exemples de ce qui s’écrit entre la fin du 19e et le début du 20e siècles sur la question. Dans l’appendice de ses écrits sur le mot d’esprit, Sigmund Freud reconnaît même à l’humour la capacité de tirer quelque plaisir des mécanismes du surmoi. D’un point de vue historique, l’humour acquiert pendant le 20e siècle une position particulière par rapport aux régimes totalitaires, en tant qu’outil de désamorçage ou de confrontation.

L’humour oscille et change. Il a le potentiel d’inverser toutes sortes de rapports, de minimiser ce qui paraît grand, de donner de l’importance à ce qui semble petit. Dans quelle mesure, et avec quelle constance, quelle durabilité, ces retournements s’opèrent-ils ? Tout ce qui relève de l’humoristique étant tourné vers le subjectif, il va de soi que c’est dans leurs réalisations concrètes – autrement dit, dans des textes littéraires définis – qu’on peut le mieux appréhender les mécanismes de l’humour. Les cinq ensembles de questions ci-dessous constituent de possibles points de départ de réflexion :

• Quels rôles esthétiques, génériques ou historiques joue l’humour dans différents contextes sociaux et linguistiques ? Quels défis se posent dans la transmission ou la traduction de l’humour ? Quels différences et démarcations peut-on déceler entre les diverses utilisations qui sont faites de l’humour ?

• Comment peut-on définir les spécificités de l’humour en regard d’autres manifestations du comique (l’ironie, le mot d’esprit, la satire, le rire, la comédie...) ?

• Peut-on définir une structure rhétorique inhérente à l’humour ? Quels sont les aspects concrets de textes définis qui permettent d’attribuer à l’humour une fonction subversive ou, au contraire, conciliatrice ? Cette distinction est-elle évidente, ou l’humour supporte-t-il des interprétations contradictoires, voire ambiguës ?

• Comment l’humour et sa conceptualisation ont-ils évolué au cours de l’histoire de la littérature et de la théorie des idées ? Peut-on discerner des moments-charnière, des césures, des phases de transformation ?

• Comment les textes et discours contemporains manient-ils l’humour ?

 

Les personnes intéressées sont priées de faire parvenir une proposition d’article (300 – 400 mots) accompagnée d’une brève bio-bibliographie jusqu’au 31 décembre 2016 à l’adresse suivante : variations@rom.uzh.ch. Les contributions (32’000 signes au maximum, notes et espaces compris) peuvent être rédigées en français, en allemand ou en anglais. Le délai de remise des textes est fixé au 15 mai 2017 (après l’accord de principe de la rédaction, qui interviendra en janvier 2017). Comme pour les numéros précédents, des textes créatifs (poèmes, nouvelles, traductions, etc.) ainsi que des contributions artistiques (dessins, photographies, collages, etc., en noir et blanc uniquement) peuvent être envoyés à la rédaction sans qu’il y ait forcément de lien avec le thème du numéro.