Édition
Nouvelle parution
Van Gogh, Lettres (éd. critique illustrée)

Van Gogh, Lettres (éd. critique illustrée)

Publié le par Marc Escola



COLLECTIF
Vincent Van Gogh. Les Lettres
édition critique complète illustrée

Actes Sud Beaux livres (AS)

octobre 2009  / 30 x 25 / 2180 pages
ISBN 978-2-7427-8586-5
prix indicatif : 360,00 € 

VINCENT VAN GOGH - LES LETTRES
Edition critique complète illustrée Sous la direction de Leo Jansen, Hans Luijten et Nienke Bakker
Actes Sud - Van Gogh Museum - Huygens Institute


Cette édition monumentale de la correspondance de Vincent van Gogh conclut quinze années de recherches entreprises par le Van Gogh Museum à Amsterdam et le Huygens Institute à La Haye. En 6 volumes, elle reprend l'intégralité de la correspondance de Van Gogh, à savoir 819 lettres rédigées de sa main et 83 de proches (Théo van Gogh) ou d'amis peintres (Gauguin, Signac et d'autres). Van Gogh accompagnait souvent ses lettres de croquis ou de dessins, et les truffait de références aux artistes les plus divers. Chaque oeuvre mentionnée est reproduite, celles de Van Gogh et celles qui l'ont inspiré, soit un ensemble de 4300 reproductions.
Une étude abondante et fouillée pour mieux connaître la vie et l'oeuvre d'un artiste d'exception.

6 VOLUMES SOUS COFFRET :
VOLUME 1, les années 1872-1881 : La Haye, Londres, Paris, Ramsgate et Isleworth, Dordrecht, Amsterdam, Bruxelles, Etten
VOLUME 2, les années 1881- 1883 : La Haye
VOLUME 3, les années 1883-1887 : Drenthe, Nuenen, Anvers, Paris
VOLUME 4, les années 1888-1889 : Arles
VOLUME 5, les années 1889-1890 : Saint-Rémy de Provence, Auvers-sur-Oise
VOLUME 6 : Historique - Biographie - Chronologie - Cartes et plans - Glossaire - Index - Bibliographie

30 x 24 cm, 2240 pages, 4300 illustrations couleur
Ouvrage relié sous jaquette, 6 volumes présentés sous coffret
Prix : 395 € ; prix de lancement : 325 € jusqu'au 31 janvier 2010
Cette édition est accompagnée d'une exposition au musée Van Gogh d'Amsterdam du 9 octobre 2009 au 3 janvier 2010.
Paraît également chez Actes Sud, la version audio, lue par Pierre Arditi, de Dernière Lettre à Théo.

Voir les 902 lettres, annotées et illustrées, sur le site dédié The Letters


Le projet


Pendant quinze ans, le musée Van Gogh d'Amsterdam et l'institut Huygens de La Haye ont collaboré pour présenter une nouvelle édition scientifique de cette correspondance, dans le but de répondre aux exigences de qualité les plus récentes en matière d'édition de textes. Il en ressort une publication complète et moderne des écrits épistolaires de l'artiste, qui reflète l'état actuel des connaissances sur le sujet. Ce travail, à l'intention d'un public international, paraît à la fois sous forme de livre et de site internet.
Le projet est novateur par les aspects suivants :
• un texte nouveau, qui respecte le plus fidèlement possible l'original ;
• une annotation complète des lettres ;
• des illustrations de toutes les oeuvres d'art dont il est question dans la correspondance
(les tableaux sont illustrés la première fois qu'ils sont mentionnés et le lecteur en
retrouve une petite reproduction à chaque nouvelle mention) ;
• de nouvelles datations des lettres ;
• une nouvelle traduction des lettres en anglais ;
• une nouvelle traduction française des lettres en néerlandais ;
• une traduction néerlandaise entièrement revue et rédigée des lettres en français.

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Le site La Tribune de l'art a consacré une chronique à cette édition.

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Dans Libération du 10/12/9, on pouvait lire un article de P. Lançon:

Van Gogh à coeur ouvert

Critique

Correspondance du peintre, intégrale et intégralement illustrée

Par PHILIPPE LANÇON

Voulez-vousentrer dans la peau de Van Gogh ? Ce coffret en six volumes est pourvous. Beaucoup mieux qu'un «beau livre» : un grand ouvrage decompagnie, sans rien de bavard ou d'inutile, tel qu'à l'aube numériquele grand public n'en verra sans doute plus guère. Une édition jumelle,publiée en anglais, est d'ailleurs accessible sur le Web (1), avecsurcroît de notes et reproduction des lettres en fac-similé. Mais c'estdifférent : l'écran est un outil pratique, immatériel et sans limites,d'un utilitarisme dévorant. Le livre reste un compagnon physique depromenade et d'enchantement. Il a son espace, son rythme, son temps, sabeauté, ses limites. Très «beau» certes, mais d'abord scientifique etbien pensé, donnant à lire et à voir avec clarté, de lettre en lettre,ce que pendant dix-huit ans Vincent Van Gogh a peint, vu, lu, vécu,pensé, éprouvé, senti, aimé, détesté, cherché avec un sens violent,concret, éperdu, du rêve actif et insatisfait.

Vincent Van Gogh, les Lettres, est le résultat d'un projetde quinze ans, réalisé par le musée Van-Gogh d'Amsterdam et l'InstitutHuygens de La Haye : toute la correspondance connue du peintre, éditéeet rétablie dans son ordre chronologique, annotée et référencée dansses moindres détails, accompagnée des reproductions de toutes lesoeuvres que les lettres évoquent, qu'elles soient de lui ou d'autres.

L'ensemble pèse une quinzaine de kilos et il a la taille d'unepetite table de nuit. Vous pourrez mettre une lampe dessus, une tasseou un cendrier, faire des ronds sur le carton et dans la nuit étoiléeen habitant l'étoffe d'un homme. Montaigne écrit à l'entrée des Essais : «Jeveux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sanscontention et artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'yliront au vif. Et ma forme naïve, autant que la révérence publique mel'a permis.»

Van Gogh écrit de même, autant que la révérence privée le luipermet. Lettre 800, des 5 et 6 septembre 1889, à son frère Théo, écriteen français : «On dit - et je le crois fort volontiers - qu'il estdifficile de se connaître soi-même - mais il n'est pas aisé non plus dese peindre soi-même.» Apparaissent les autoportraits qu'il décritet peint alors, reproduits sur pleine plage. Il a 36 ans, il est àl'asile de Saint-Rémy de Provence. Il s'est coupé l'oreille, les crisesse multiplient. Chaque tableau dont il parle est là, parfaitementreproduit, en petit ou en grand, le tout avec un sens du rythme delecture, accompagnant le texte sur dix pages. De brèves notesidentifient, comme partout, les références obscures, les sources de sesnombreuses lectures. En haut à droite de la lettre, deux mots : «Thèmes récurrents.» Ce sont les thèmes que Van Gogh a déjà traités dans d'autres lettres. Ici : «Participation à l'exposition des Vingt à Bruxelles (792), Première crise à Saint-Rémy (793).» Les numéros renvoient aux lettres.

Enluminures. Dans la lettre 800, Van Gogh décrit aussi le Faucheur, un petit homme dans un champ de blé jaune torsadé, qu'on voit deux pages plus loin : «J'yvis alors dans ce faucheur - vague figure qui lutte comme un diable enpleine chaleur pour venir à bout de sa besogne - j'y vis alors l'imagede la mort, dans ce sens que l'humanité serait le blé qu'on fauche.C'est donc si tu veux l'opposition de ce semeur que j'avais essayéauparavant. Mais dans cette mort rien de triste, cela se passe enpleine lumière avec un soleil qui inonde tout d'une lumière d'or fin.» Il meurt un an plus tard. A la page suivante, éclate «l'or fin».

Deux pages encore, et le manuscrit de la lettre est en partiereproduit, en taille réelle, sur ce papier que la blancheur défend. Unpinceau est dessiné parmi les mots. Les 242 croquis du peintre figurantdans ses lettres sont tous présents en fac-similés. Ils annoncent lestableaux. Liseuse, ramasseurs et mangeurs de pomme de terre, allée decyprès ou haridelle : sublimes bas-reliefs du récit, comme lesenluminures aux poèmes de William Blake.

Avec le Journal d'Eugène Delacroix (2), un phare duHollandais, la correspondance de Van Gogh est le monument littéraire del'histoire contemporaine de la peinture. Dans les deux cas, on voit nonseulement l'artiste, mais tout l'homme - sachant écrire et s'écrire. Ilexistait en France des éditions, partielle chez Grasset, plus amplechez Gallimard. On lira ici, restituée dans leur état originel, les902 lettres connues, soit écrites (819) soit reçues (83) par Van Gogh.Il était méconnu et il est mort à 37 ans : le nombre de correspondantsest réduit.

659 lettres sont adressées à son frère Théo ou sa belle-soeur Jo, 58à l'artiste Anthon Van Rappard, 22 au peintre Emile Bernard, 21 à sasoeur, 12 à sa mère et 4 à Paul Gauguin (dont 16 lettres à Van Gogh sontégalement reproduites), etc. On estime que la correspondance devait encompter 2 000. Les autres ont disparu : de nombreuses lettres de Théo àVincent ; les réponses de Van Rappard aux lettres de Vincent ; cellesd'Emile Bernard, qu'il «faut considérer comme perdues» ; et aussi certaines de Gauguin.

Les lettres de Van Gogh au postier Joseph Roulin, avec qui il buvait et causait en Arles, se sont également évaporées. Dans Vie de Joseph Roulin, Pierre Michon s'engouffre dans ce vide qui fait rêver : «Leursignataire ne disait pas que ça allait mieux, mais que ça allait allermieux ; non pas qu'il peignait bien, mais qu'il allait peindre bien.» On a, en revanche, quelques lettres de Joseph Roulin. Il écrit à son compagnon interné. Lettre 775, du 22 mai 1889 : «Continuezvos tableaux, vous êtes dans un beau pays, la campagne est très belles,le sol est très bien travailler, vous trouverrez un grand changementdans la culture là-bas, vous ne trouverrez pas des jardins quiressemble à un cimétières comme à Arles. continuez à vous bien soigner.» A côté, reproduction d'un portrait d'Augustine Roulin, sa femme, parmi les fleurs : «Suspendu dans l'alcôve où elle couche, il repose en paix sous le regard bienveillant de l'épouse et du Père.»

«Faitnéant». L'une des spécificités de l'éditionest de restituer les textes tels qu'ils furent écrits, avec leurgrammaire, orthographe, ponctuation régulièrement défaillantes. «VanGogh, rappelle les éditeurs, n'écrivait pas ses lettres dans le but deles publier, et il ne souciait guère d'en peaufiner le texte.»Elles sont puissantes jusque dans leur négligé, animées par unmouvement naturel. Il en a écrit deux tiers en néerlandais, un tiers enfrançais, six en anglais. Les lettres ont été traduites avec un soucide ne pas faire de littérature ni de beau style, pour coller àl'épineux naturel de celles écrites dans notre langue. Un glossaire, àla fin, indique les mots français que Van Gogh utilisait déjà dans seslettres néerlandaises. Entre autres, «à Dieu ne plaise», «âme enpeine», «bête noire», «bonhomie», «coup de collier», «crois-moi(toujours)», «désenchanté», «dessous des cartes», «eau-forte», «effortde perdu», «encourageant», «entre nous soit dit», «faute de mieux»,«malheur à nous», «mauvais coucheur», «première penséé», «puissant», «que faire ?», «sacré», «sans le savoir», «tant mieux», «tant pis», et «voilà tout».

Il faut lire et relire la première lettre écrite en français, unelongue confession à son frère, du 22 au 24 juin 1880 (elle étaitjusqu'ici datée de juillet) : «Je t'écris un peu au hasard ce quime vient dans ma plume, j'en serais bien content si en quelque sorte tupourrais voir en moi autre chose qu'une espèce de faitnéant. Puisqu'ily a faitnéant et faitnéant qui forment contraste.» Dans l'édition Grasset, l'orthographe de «faitnéant» était rectifiée. Notons que la faute de Van Gogh est conforme à l'étymologie. Il y a d'abord, continue-t-il, «celui qui est fainéant [ici, pas de faute, ndlr] par paresse et lâcheté de caractère, par la bassesse de sa nature.»

Et puis il y a l'oiseau en cage, qui «sait fortement bien qu'ily a quelque chose à quoi il serait bon, il sent fortement bien qu'il ya quelque chose à faire mais il ne peut le faire, qu'est ce que c'est,il ne se le rappelle pas bien, puis il a des idées vagues et se dit"les autres font leurs nids et font leurs petits et élèvent la couvée",puis il se cogne le crâne contre les barreaux de la cage. Et puis lacage reste là et l'oiseau est fou de douleur. "Voilà un fainéant" ditun autre oiseau qui passe - celui là c'est un espèce de rentier.Pourtant le prisonnier vit et ne meurt pas, rien ne paraît en dehors dece qui se passe en dedans, il se porte bien, il est plus ou moins gaiau rayon du soleil. Mais vient la saison des migrations.» Et l'oiseau en cage crie : «Je suis en cage, je suis en cage et il ne me manque donc rien, imbéciles !» Conclusion : «Cequ'est la mue pour les oiseaux, le temps où ils changent leur plumage,cela c'est l'adversité ou le malheur, les temps difficiles pour nousautres êtres humains.»

Parenthèse. La première des 902 lettres date du29 septembre 1872. Van Gogh a 19 ans et s'adresse, en néerlandais, àson frère Théo. Il lui donne comme toujours des conseils. Le premierpeintre qu'il évoque est Corot : une jeune liseuse est reproduite. Ladernière lettre, un brouillon non envoyé à Théo, date du23 juillet 1890. Le peintre la portait sur lui quand on le découvrit : «Jete le redis encore que je considérerai toujours que tu es autre chosequ'un simple marchand de Corots, que par mon intermediaire tu as tapart à la production même de certaines toiles, qui même dans la débâclegardent leur calme.» Ainsi le délicat Corot ouvre et ferme la parenthèse d'une vie de génie. Van Gogh ajoute : «Eh bien mon travail à moi j'y risque ma vie et ma raison y a fondrée à moitié.»Quatre jours plus tard, Van Gogh se tire une balle dans la poitrine.Les derniers croquis montrent un jardin, des champs de blé, un hommesur le toit d'une chaumière. Le ciel est par-dessus le toit si bleu, sicalme.

(1) www.vangoghletters.org

(2) José Corti le publie dans une édition scientifique et intégrale sur laquelle nous reviendrons.