Questions de société

"Valérie Pécresse: jusques à quand l'imposture ? Du Crédit d'impôt à l'autonomie servile" - Lettre ouverte de SLR (01/07/10)

Publié le par Bérenger Boulay

[ Crédit Impôt Recherche ]

Valérie Pécresse : jusques à quand l'imposture ? Du Crédit d'impôt à l'autonomie servile - Lettre ouverte de Sauvons La Recherche (1er juillet 2010)

http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article3206

 Madame la Ministre,

Au moment où le gouvernement envisage enfin de limiter les niches fiscales, deux bombes parlementaires viennent d'exploser sous le crédit d'impôt-recherche qui est la plus énorme des niches fiscales (4, 155 milliards d'euros en 2008).

Il s'avère que ce Crédit d'impôt fait l'objet d'effets d'aubaine massifs de la part des grands groupes qui s'inventent des filiales dans le seul but de jouir de déductions plus avantageuses (cela s'appelle « optimisation fiscale ») et ce faisant absorbent 28,5% du CIR en 2008 : tel est, dans le rapport qu'elle vient de rendre public, le verdict de la Commission des finances de l'Assemblée nationale.

Il y a un mois, c'est rapport Gaudin au Sénat qui aboutissait exactement aux mêmes conclusions. Il indiquait aussi que le secteur des services absorbe 34,1 % du CIR plus environ le quart de celui des holdings, soit à lui seul 42 % du CIR. En suivant les standards internationaux de définition de la Recherche & Développement, les services ne représentent que 12 % de la recherche réelle effectuée en France. En fonction de ce seul critère, 30% du CIR sont donc perçus indûment.

Contrairement à ce que vous affirmez dans vos souriantes défenses du CIR, celui-ci n'a aucun effet d'entraînement sur l'investissement des entreprises dans la R & D : depuis des années les dépenses de R & D des entreprises françaises stagnent, alors qu'elles progressent fortement dans les autres pays qui ne possèdent souvent pas de Crédit d'impôt recherche.

Après plusieurs rapports critiques de la Cour des comptes, après trois rapports parlementaires en tout, jusques à quand, Madame la Ministre, persisterez-vous dans la défense de ce gaspillage effréné, au mépris des institutions et des contribuables autant que de la communauté scientifique ? Jusques à quand espérez-vous masquer que les fonds publics ainsi détournés sont dérobés aux start-up réellement innovantes ainsi qu'aux laboratoires et aux universités, qui en sont réduits à mendier auprès de vous et de comités nommés par vous les maigres intérêts des milliards postiches des « Investissements d'avenir » relevant du Grand Emprunt (vous l'avez-vous même avoué le 16 juin pendant votre audition au Sénat ) ?

D'autres machines plus discrètement infernales minent votre fabuleux travail de communication.

Dans leur rapport « Autonomie immobilière des universités : gageure ou défi surmontable ? », les sénateurs Adnot et Dupont estiment à « au moins 125 millions d'euros par an, en l'absence d'autres sources de financement » l'effort supplémentaire de l'Etat exigé par la dévolution des biens immobiliers, et ils s'interrogent « sur la soutenabilité financière d'un tel schéma ». La Cour des Comptes, devant l'incohérence des PRES, Campus d'excellence et Laboratoires aussi semblablement qu'inévitablement d'excellence, s'inquiète de l'empilement des labels et des structures. Le Conseil constitutionnel est saisi de plusieurs articles de la loi LRU, et le Conseil d'Etat de plusieurs clauses de la réforme de la formation des enseignants. 

Mais il est une de ces machines explosives, Madame la Ministre, dont vous avez vous-même allumé la mèche. En vous arrogeant par décret le 16 juin le droit d'augmenter de 20% la prime de certains Présidents d'université par votre seule décision et sur des critères par vous seule fixés, vous avez démontré avec éclat ce que signifiait pour vous l'indépendance de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Il n'est pas certain que tous obéissent à cette injonction de servilité.

Mais le point le plus noir de votre action et de celle du gouvernement restera d'avoir sacrifié l'avenir en décourageant les meilleurs étudiants de s'engager dans les filières d'enseignement supérieur et de recherche. Alors que vous avez bloqué depuis trois ans les créations d'emplois, vous avez encouragé le développement des emplois précaires sans débouchés, vous avez eu le culot de présenter à la presse la création de 25 CDD comme une immense avancée, alors que des dizaines de milliers de jeunes docteurs précaires restent sans avenir.