Questions de société
Universités : les socialistes mal à l'aise face à une contestation grandissante (Jade Lindgaard, Médiapart, 11/032009).

Universités : les socialistes mal à l'aise face à une contestation grandissante (Jade Lindgaard, Médiapart, 11/032009).

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Universités : les socialistes mal à l'aise face à une contestation grandissante 

 http://www.mediapart.fr/journal/france/110309/universites-les-socialistes-mal-a-l-aise-face-a-une-contestation-grandissante

par Jade Lindgaard, Médiapart, 11 mars 2009.


Un grand mouvement du monde del'éducation contre la politique de Valérie Pécresse et Xavier Darcosva-t-il prendre corps mercredi 11 mars ? C'est ce qu'espèrentl'intersyndicale et les associations (lire l'onglet Prolonger) quiappellent à manifester « de la maternelle à l'enseignement supérieur et la recherche ».

A la sixième semaine de grève illimitée dans lesuniversités, le rapport de force se durcit. Mardi 10 mars, Sauvonsl'université annonçait 36 facs partiellement ou totalement bloquées. AToulouse, l'université du Mirail est fermée à la demande de saprésidence après une éphémère occupation par des étudiants. A Paris, laSorbonne était encerclée en début de semaine par les forces de l'ordre.

Les cours hors les murs (la « grève active ») sepoursuivent mais les actions des contestataires se radicalisent. Mardimatin, plusieurs dizaines d'enseignants et d'étudiants ont bloqué lepont de la Concorde pour y déployer une large banderole, à quelquesmètres de l'Assemblée nationale : « République : on tue ton école, ton université et ta recherche ».

A quelques centaines de mètres du pont de la Concorde,que fait le parti socialiste ? Après presque deux mois de crise ouverteavec le gouvernement – l'un des plus longs conflits dans l'enseignementsupérieur – le premier parti de l'opposition reste discret. Il estquasiment absent du débat public, hormis sa présence aux manifestationset des questions d'actualité posées aux ministres par les députés. Sonnouveau secrétaire national à l'enseignement supérieur et à larecherche est Bertrand Monthubert, ancien président de Sauvons larecherche.

Pas facile d'être responsable de l'université rue de Solférino

Pas facile d'être responsable de l'université et deschercheurs rue de Solférino. En février, une interview du nouveausecrétaire national comparant Valérie Pécresse à Claude Allègre pourleur capacité commune à se mettre à dos la communauté éducative lui avalu un appel de Martine Aubry. Elle-même venait de recevoir un coup defil courroucé de l'ancien ministre de la recherche de Lionel Jospin. Eninterne, certains s'étonnent des critiques du PS à l'encontre de la loisur la liberté et la responsabilité de l'université (LRU), pourtantdéfendue par certains présidents d'université classés à gauche, dontAxel Kahn.

Au sein du cabinet de Valérie Pécresse se trouve unancien militant socialiste, Thierry Coulhon, ex-vice-président de laconférence des présidents d'université (CPU). Dans le programme deSégolène Royal pour la présidentielle de 2007 figure la défense de « l'autonomie de gestion des établissements dans le cadre d'un budget national ».

Dans son livre De l'audace !, Bertrand Delanoë vante les mérites de la loi LRU (« Je regarde avec intérêt le projet d'autonomie des universités »). En septembre 2006, Dominique Strauss-Kahn avait déclaré : « Il faut créer une concurrence entre les établissements et mettre fin à l'hypocrisie du diplôme unique. »

En 1998, Claude Allègre avait mis en place la loi surl'innovation permettant aux enseignants-chercheurs de créer leursentreprises au sein des universités. Et c'est Jack Lang qui a adoptépar décret en 2002 la réorganisation du cursus universitaire (le« LMD »), réorganisation qui a ouvert la voie à la LRU.

Un an et demi après le vote de la LRU, à laquelle leparti socialiste s'est opposé sans vigueur excessive, quelle est sadoctrine sur l'université et la recherche ? Il est pour une « sociétéde la connaissance » par opposition à « l'économie de la connaissance »prônée par Nicolas Sarkozy et contre la « vassalisation »des universités par l'Etat, explique Bertrand Monthubert à Mediapart. Ala veille d'une convention thématique lancée avec les Verts et le particommuniste à partir du 17 mars à l'Assemblée nationale, entretien. Lestémoignages vidéo qui accompagnent les questions ont été recueillislors du blocage du pont de la Sorbonne mardi matin.

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Un grand mouvement du monde de l'éducation contre lapolitique de Valérie Pécresse et Xavier Darcos va-t-il prendre corpsmercredi 11 mars ? C'est ce qu'espèrent l'intersyndicale et lesassociations (lire l'onglet Prolonger) qui appellent à manifester « dela maternelle à l'enseignement supérieur et la recherche ».

A la sixième semaine de grève illimitée dans lesuniversités, le rapport de force se durcit. Mardi 10 mars, Sauvonsl'université annonçait 36 facs partiellement ou totalement bloquées. AToulouse, l'université du Mirail est fermée à la demande de saprésidence après une éphémère occupation par des étudiants. A Paris, laSorbonne était encerclée en début de semaine par les forces de l'ordre.

Les cours hors les murs (la « grève active ») sepoursuivent mais les actions des contestataires se radicalisent. Mardimatin, plusieurs dizaines d'enseignants et d'étudiants ont bloqué lepont de la Concorde pour y déployer une large banderole, à quelquesmètres de l'Assemblée nationale : « République : on tue ton école, tonuniversité et ta recherche ».

Pour découvrir notre reportage sur cette action de protestation, merci de cliquer sur l'image ci-dessous :

A quelques centaines de mètres du pont de la Concorde,que fait le parti socialiste ? Après presque deux mois de crise ouverteavec le gouvernement – l'un des plus longs conflits dans l'enseignementsupérieur – le premier parti de l'opposition reste discret. Il estquasiment absent du débat public, hormis sa présence aux manifestationset des questions d'actualité posées aux ministres par les députés. Sonnouveau secrétaire national à l'enseignement supérieur et à larecherche est Bertrand Monthubert, ancien président de Sauvons larecherche. * Pas facile d'être responsable de l'université rue deSolférino

Pas facile d'être responsable de l'université et deschercheurs rue de Solférino. En février, une interview du nouveausecrétaire national comparant Valérie Pécresse à Claude Allègre pourleur capacité commune à se mettre à dos la communauté éducative lui avalu un appel de Martine Aubry. Elle-même venait de recevoir un coup defil courroucé de l'ancien ministre de la recherche de Lionel Jospin. Eninterne, certains s'étonnent des critiques du PS à l'encontre de la loisur la liberté et la responsabilité de l'université (LRU), pourtantdéfendue par certains présidents d'université classés à gauche, dontAxel Kahn.

Au sein du cabinet de Valérie Pécresse se trouve unancien militant socialiste, Thierry Coulhon, ex-vice-président de laconférence des présidents d'université (CPU). Dans le programme deSégolène Royal pour la présidentielle de 2007 figure la défense de« l'autonomie de gestion des établissements dans le cadre d'un budgetnational ».

Dans son livre De l'audace !, Bertrand Delanoë vanteles mérites de la loi LRU (« Je regarde avec intérêt le projetd'autonomie des universités »). En septembre 2006, DominiqueStrauss-Kahn avait déclaré : « Il faut créer une concurrence entre lesétablissements et mettre fin à l'hypocrisie du diplôme unique. »

En 1998, Claude Allègre avait mis en place la loi surl'innovation permettant aux enseignants-chercheurs de créer leursentreprises au sein des universités. Et c'est Jack Lang qui a adoptépar décret en 2002 la réorganisation du cursus universitaire (le« LMD »), réorganisation qui a ouvert la voie à la LRU.

Un an et demi après le vote de la LRU, à laquelle leparti socialiste s'est opposé sans vigueur excessive, quelle est sadoctrine sur l'université et la recherche ? Il est pour une « sociétéde la connaissance » par opposition à « l'économie de la connaissance »prônée par Nicolas Sarkozy et contre la « vassalisation » desuniversités par l'Etat, explique Bertrand Monthubert à Mediapart. A laveille d'une convention thématique lancée avec les Verts et le particommuniste à partir du 17 mars à l'Assemblée nationale, entretien. Lestémoignages vidéo qui accompagnent les questions ont été recueillislors du blocage du pont de la Sorbonne mardi matin.

Pourquoi depuis presque deux mois de conflit àl'université le PS est-il inaudible ? Alors que les manifestantsopposés à la réforme du statut des enseignants-chercheurs, à lanouvelle formation des enseignants, aux suppressions d'emplois et à laréorganisation des organismes de recherche, réclament un débat au grandjour ?

Bertrand Monthubert, au parti socialiste, 10 mars 2009.

Bertrand Monthubert : Les médiasnous ont laissé très peu de place. Un certain nombre de journalistespréfèrent parler des querelles internes au PS. Je conteste l'attitudede la droite sur deux points : le premier, c'est que le fondidéologique de leurs réformes est absurde, ne correspond pas àl'éthique du savoir. Ce n'est pas la mise en concurrence généraliséedes établissements et des personnels qui est le moteur des universités.

Mais il y a en plus un problème de forme : ils sont enpermanence dans la précipitation. La loi LRU passée en 5e vitesse enest l'expression, comme le décret sur les enseignants-chercheursréécrit en 23h. On est en pleine stratégie de communication. Nousvoulons leur opposer la seule démarche sérieuse, celle qui prend letemps de la consultation des acteurs.

Demandez-vous l'abrogation de la LRU ?

Le PS demande une nouvelle loi. Le gouvernement sautesur le fait que soit demandé le retrait de la LRU pour dire : « Ils neveulent pas bouger. » C'est faux. Les gens mobilisés aujourd'hui neveulent pas du statu quo. On ne peut pas concrètement dire qu'onrevient à la situation d'avant car la LRU a été mise en place danscertains endroits avec un transfert de compétences. Comment fait-onmachine arrière ? Il y a des mots d'ordre qui font sens mais je meméfie toujours de ceux qui peuvent éventuellement diviser. On ne va pass'arrêter à la question d'une loi qui porte uniquement sur lagouvernance des universités alors qu'il y a plein d'autres problèmes.

Quelle est la position du PS sur l'autonomie des universités, qui inquiète les opposants à Valérie Pécresse ?

L'autonomie en soi ne veut rien dire. Aujourd'hui lesgens mobilisés demandent une autonomie scientifique. Et ils sont trèsinquiets du fait que le démantèlement du CNRS ne conduise à limiterl'indépendance des chercheurs. Le besoin d'autonomie est là.

Dans son pacte présidentiel en2007, le PS demandait l'autonomie de gestion des établissements dans lecadre d'un budget national. N'est-ce pas ce que veut faire la LRU ?

Que la gestion soit faite pour partie au niveau local,pourquoi pas ? Ça ne veut pas dire que toutes les carrières, toutes lesprimes vont être gérées au niveau local... De toute façon aujourd'huil'autonomie est factice. Le gouvernement a pris la main d'une manièreextrêmement forte dans le pilotage des établissements. Car à partir dumoment où une part de plus en plus importante du financement desuniversités passe par des appels à projet (plan licence, plancampus...), ça veut dire que le gouvernement négocie des enveloppesimportantes par lesquelles il tient les universités, qui sont ennégociation permanente avec lui. Et donc l'autonomie est beaucoup moinslà qu'avant. Le passage de crédits structurels à un système d'appelsd'offres entre dans une démarche de vassalisation des universités.

Quel projet opposez-vous à lapolitique de Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse qui pourrait répondreaux attentes des opposants à la politique du gouvernement sur larecherche et l'université ?

La masterisation est sans doute la question la pluscompliquée. L'idée de la mise en place de masters d'enseignement sediscute. Si l'objectif est d'éviter de payer les étudiants pour leurquatrième année, et de mettre en place un diplôme qui permettrait de sepasser des concours pour recruter des profs et donc d'embaucher descontractuels, c'est inacceptable. Et cela va à contre-courant de nosbesoins.

Le taux de bacheliers qui poursuivent des étudessupérieures baisse, c'est grave. Il y a des filières décimées, comme laphilo. Qu'est-ce que c'est qu'un pays qui n'est plus capable de formerdes philosophes ? Pour contrer cette désaffection, il faut explorertoutes les pistes : allocation d'autonomie pour les étudiants, desmesures ciblées pour inciter les gens à devenir enseignants. Beaucoupde très bons étudiants vont dans les classes prépas plutôt que d'allerà l'université. Pourquoi ne peut-on pas mettre en place descoopérations progressives entre les universités et les classes prépas ?

Quel bilan tire le PS aujourd'huides politiques européennes initiées sous Lionel Jospin en 2000(processus de Lisbonne) destinées à appuyer la croissance économiquesur la recherche ? Quelle alternative dans la perspective des électionseuropéennes ?

C'est un échec. L'objectif était de passer à 3% du PIBpour la recherche en 2010. Ce n'est pas le cas. Ça n'a pas marché. Leparlement européen a été en permanence contourné sur cette question dela politique de recherche. Le second problème, c'est que ces politiquesse sont focalisées sur l'économie de la connaissance. Pour remplacer« économie de la connaissance », je proposerais plutôt « société de laconnaissance », ou « société du savoir ». Mais je n'aime pas non plusce genre de concepts réducteurs.