Questions de société
Universités : les médias à côté du mouvement (Marianne 2, 02/04/09)

Universités : les médias à côté du mouvement (Marianne 2, 02/04/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Voir aussi Le Monde et le mouvement universitaire (Acrimed 18/03/09) et Cédelle et Rollot sont dans un bateau

Universités : les médias à côté du mouvement - Marianne 2, Gérald Andrieu, 2 avril 2009

 http://www.marianne2.fr/Universites-les-medias-a-cote-du-mouvement_a177738.html?preaction=nl&id=2933533&idnl=25645&

Neuf semaines de grèves. Neuf trèslongues semaines. Valérie Pécresse et sa réforme de l'université sonten passe d'établir un record. Et pourtant, la couverture médiatique dumouvement des enseignants-chercheurs laisse franchement à désirer...

« Le Monde a vraiment un rôlepernicieux dans le suivi de ce mouvement. Ne dites surtout pas quec'est moi qui vous ait dit ça, ce n'est pas le moment de se fâcher aveceux… » Un des acteurs majeurs de la contestation universitaire, quid'habitude, préfère la lumière, opte cette fois pour l'ombre : c'estplus confortable pour tailler un costard au « quotidien de référence »qui ne serait pas très loyal avec le monde enseignant. En ce sens, ceresponsable du mouvement reprend à son compte les critiques formuléespar Acrimed, qui, dans un long article fort détaillé, s'est appliqué à montré la solidarité du Monde avec la secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur (1).

Mais au-delà de la partialité du Monde,un autre problème se pose. Un problème qui touche l'ensemble des médiastraditionnels. Après neuf semaines de conflit opposant lesenseignants-chercheurs au gouvernement, force est de constater que lestélévisions, les radios et les journaux ont assuré un strict serviceminimum sur le sujet.

Dans un même élan, les mêmes papiers

La lassitude des journalistes qui voient dans les grèves de l'Education nationale un « marronnier »(un rendez-vous aussi récurrent et excitant que les fêtes de Noël etles embouteillages sur la route des vacances) peut expliquer cetraitement a minima.

D'autant qu'à cette lassitude « classique » vient s'enajouter une seconde causée par un mouvement qui traîne en longueur. Etcette double lassitude conduit à ce qu'on pourrait appeler des« comportements réflexes » : après avoir suivi sans trop se mouillerles manifestations des enseignants chercheurs, depuis quelque temps,tous les journalistes, dans un suivisme généralisé, empruntent le mêmechemin. Il y a quinze jours, il fallait dénoncer ces enseignantsgrévistes qui percevaient malgré tout leurs salaires. Plus récemment,il fallait s'interroger sur la mise en péril des examens de find'année. Deux sujets forts légitimes mais qui reviennent, comme parenchantement, à chaque nouvelle grève des enseignants… quand lesjournalistes peinent à remplir leurs colonnes !

Encore que cette fois-ci, ces angles (d'attaque) leuront été gentiment soufflés par le ministère de l'Education nationale enpersonne. Début mars, Valérie Pécresse avait déjà réussi à imposerl'idée que tous les syndicats avaient accepté de s'asseoir à la tabledes négociations pour réécrire le fameux décret sur le statut desenseignants-chercheurs. Une information reprise les yeux fermés par lapresse. Seul problème : le SNESup, le syndicat majoritaire del'enseignement supérieur, avait décidé de bouder la réunion…

D'autre part, certains journalistes n'hésitent pas àexpliquer que ce mouvement universitaire a un tort : être beaucoup tropcompliqué. Difficile de les contredire : ce mouvement est en effetcomplexe car hétérogène. Il a fait exploser en vol les clivagestraditionnels : entre présidents et enseignants, entre chercheurs ensciences dures et chercheurs en sciences humaines (même si les deuxcamps n'ont pas vraiment les mêmes raisons de descendre dans la rue…)et enfin entre syndicats. C'est donc cette complexité qui donne toutson intérêt à ce conflit social.

Zapping, suivisme et... connivence ?

Finalement, la couverture de ce mouvement est assezemblématique de la façon dont les journalistes pratiquent aujourd'huileur métier : zapping, suivisme, tendance à choisir la voie de lafacilité mais aussi connivence.

Car les médias sont fort bien équipés pour rendrecompte de ce conflit et connaître de façon assez précise ce qui sepasse dans le monde des facultés. Il y a ces universitaires quifournissent régulièrement en bonnes infos ou en expertises lesjournalistes. Il y a ceux, aussi, qui squattent les colonnes des pages« tribune » (Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes : une pratiqueentraînant forcément l'autre…). Et puis enfin il faut compter sur ceux,plus rares, qui, comme Jacques Marseille, ou, à l'autre bout del'échiquier poiltique, certains journalistes du Monde diplomatique,cumulent les deux casquettes. Jacques Marseille, d'habitude si prompt àtaper sur les fonctionnaires, s'est montré très peu bavard sur lemouvement. Heureusement, les lecteurs du Point ont eu, à la place, unFranz-Olivier Giesbert des grands jours stigmatisant « l'idéologie du père peinard » qui habiterait ceux qui ne voudraient rien voir changer dans l'enseignement supérieur...

Les médias traditionnels complètement out, du coup,c'est sur Internet que le débat s'est déplacé. C'est sur Internet qu'ila fallu se rendre pour dénicher des infos, des vraies. Sur des sitescomme Educpros.fr (site du magazine L'Etudiant dédié aux professionnels de l'éducation) ou, mieux encore, sur sciences2, le blog de Sylvestre Huet, journaliste à Libération.

(1) Notons au passage que l'un des auteurs du papier en question est lui-même maître de conférences à l'Université Paris 8.