Questions de société

"Université d'Auvergne, les coulisses d'une fac modèle" (Bakchich info 25/05/09)

Publié le par Bérenger Boulay

"Université d'Auvergne, les coulisses d'une fac modèle", par Lucie Delaporte.

Bakchich info 25/05/09

http://www.bakchich.info/Universite-d-Auvergne-les,07790.html

Gestion hasardeuse, partenariats suspects enEurope de l'Est, la fac d'Auvergne présentée par Pécresse comme unmodèle a quelques cadavres dans ses placards.

Elève modèle, la fac d'Auvergnecollectionne les bons points. Première à passer sous le régime del'autonomie, première à créer sa fondation pour lever les fondsd'entreprises privées, elle est aussi en pointe sur le développement àl'international.

Quand la Sorbonne ressort les barricades contre la loi Pécresse, le président de Clermont1, Philippe Dulbecco, se répand à longueur d'interviews sur les bienfaits de la LRU : « Projetconsensuel que la grande majorité des acteurs de l'enseignementsupérieur appellent de leurs voeux depuis de nombreuses années » prophétisait-il hâtivement en début d'année dans les colonnes du Monde. Enfin, preuve que cette fac a décidément tout bon, leprésident a été promu au rang de chevalier de l'ordre national dumérite par son grand copain auvergnat, Brice Hortefeux, alors ministre de l'Immigration.

Une fac modèle…de dysfonctionnements

Reste qu'un certain nombre d'éléments dont Bakchicha pu prendre connaissance écornent un peu l'image du « modèle » érigépar le ministère. Publié à l'été 2008, mais étrangement boudé par lapresse locale un rapport de la chambre régionale des comptes(téléchargeable à la fin de l'article) contient pourtant quelquesperles sur la gestion pour le moins hasardeuse de la fac auvergnate. « la chambre a constaté l'existence symbolique de budgets de gestion », note d'emblée le rapport avant de pointer une série de « dysfonctionnements » propres à sérieusement ternir l'image de la fac.

On y apprend ainsi que certains profs ouadministratifs, et certains seulement, touchent des salaires plus queconfortables comparés à la rigueur salariale en vigueur à l'universitégrâce à un système opaque d'heures complémentaires. Ainsi, relève lerapport, le directeur de l'IUP déclare chaque année quelques 300 heuressup' soit l'équivalent de deux postes et demi d'enseignants et ce,alors qu'il collectionne déjà les fonctions administratives . « Untel cumul d'activités ne manque de susciter des interrogations sur lesconditions dans lesquelles une seule personne peut, réellement eteffectivement, assumer une charge de travail aussi importante ». La chambre s'étonne d'autant plus qu'« En tant que directeur de l'IUP il est le seul à attester du service fait ». Voilà qui simplifie les choses.

Alors que la loi n'en autorisait que trois, leprésident de l'université s'est - folie des grandeurs ? - entouré depas moins de douze vice-présidents, un titre assorti, à défaut d'unemission claire, d'une prime annuelle de 6100 euros. Plutôt rare dans lafonction publique. Contacté par Bakchich, le président de l'université a jugé ces sujets « complexes et inutilement polémiques ».

Liasses de billets

Sauf que le plus savoureux n'est pas là et a, en grandepartie échappé à la chambre régionale des comptes. La présidente,Françoise Leprêtre, reconnaissait d'ailleurs « n'avoir pas enquêté dans cette direction ».A l'instar de plusieurs autres facs moyennes, l'université d'Auvergnepour pallier l'effondrement de ses effectifs a multiplié depuisquelques années les partenariats avec des facs à l'international. (Lire notre enquête sur le trafic de faux diplômes)Résultat : 3000 étudiants sur les 15000 que compte la fac sontétrangers. L'université d'Auvergne s'est fait une spécialité desdiplômes délocalisés en Europe de l'Est où elle a ouvert des antennesen Roumanie, Biélorussie et Ukraine. Selon plusieurs témoignages, lesconditions dans lesquelles les diplômes sont délivrés dans ces antennessont pour le moins troublantes. Un enseignant raconte avoir vu desétudiants roumains venir s'inscrire avec des liasses de billets. Pourle président de la fac, aucun problème :il s'agit là « simplement d'un problème de non-convertibilité de la monnaie ».

Quelle que soit la monnaie utilisée, un certain nombred'enseignants soupçonnent qu'une grande partie des sommes apportées parces étudiants échappent totalement à la comptabilité de la fac.« Il existe tout un système d'associations sur place pour recueillir de l'argent »,explique un prof d'économie. Là encore le président de l'université quia pris ses fonctions en 2007 assure avoir commencé à faire un peu deménage. Reste que le responsable de ces programmes délocalisés, pasvraiment en disgrâce, s'est récemment fait offrir un magnifique 4X4 enguise de véhicule de fonction par l'université. Dommage que le Bling-Bling soit - un peu - passé de mode en Sarkozie, on aurait pu croire à un nouvel excès de zèle de cette fac décidément modèle.

Télécharger le rapport de la chambre régionale des comptes.