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Une expérience de la limite en littérature : les genres et leurs frontières au XVIIIème siècle

Une expérience de la limite en littérature : les genres et leurs frontières au XVIIIème siècle

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Antoine Eche)

UNE EXPERIENCE DE LA LIMITE EN LITTERATURE : LE GENRE ET LAMBITION ANTHROPOLOGIQUE AU XVIIIe SIECLE


La transformation du goût entamée dès les dernières années du règne de Louis XIV, saccompagne ou accompagne, selon la perspective dexigences nouvelles, qui franchissent une étape décisive dans les années 1750 : tentation de lexhaustivité, fantasme dune connaissance totale, privilège du savoir issu de lexpérience, constituent les dénominateurs communs de lHistoire naturelle (1749) ou de lEncyclopédie (1751). Le goût du siècle pour la science favorise ainsi lémergence de vastes sommes, dont la forme et lesprit sont en grande partie inédits. Les mêmes ambitions traversent la littérature, dans ses différentes composantes : la poésie est plus que jamais didactique, les cadres de lhistoire universelle sont repensés par Voltaire, le théâtre souvre à des formules alternatives, dans un souci de vérité accrue. Anciens ou non, méprisés ou reconnus, les genres du temps convergent vers un double objectif : connaître et transmettre.

Dans une certaine mesure, il ne sagit que de lactualisation intéressée du « docere » dHorace : la peinture des murs contemporaines dans les Egarements du cur et de lesprit fournit un alibi à une uvre dont le contenu peut paraître frivole. Mais dun autre point de vue, Crébillon participe à cet effort du siècle, qui cherche à penser lhomme de manière raisonnée. Un écart apparaît ainsi entre une visée, que nous qualifierions aujourdhui danthropologique, et linstrument qui la sert, entre un dessein et sa réalisation. Loin de ne regarder que le roman, cette disparité concerne aussi le récit de voyage ou lautobiographie, ces formes qui délivrent un savoir sur lhomme et sur le monde, sans jamais parvenir à la synthèse quelles promettent. LHistoire des voyages (1746) ou le Monde moral (1760) de labbé Prévost sont emblématiques dune telle contradiction : chacun de ces ouvrages veut offrir une vue synthétique de lHistoire et du cur humains ; aucun ny parvient réellement. La synthèse se heurte aux formes adoptées, qui privilégient lindividu.

Dans cette perspective, une réflexion sur le rapport des genres viatique et romanesque aux ambitions anthropologiques quils affichent mérite dêtre menée, moins pour répondre à un certain nombre dinterrogations, que pour en susciter de nouvelles, dans un esprit déchange et de générosité intellectuelle. La compatibilité de règles spécifiques et de la volonté itérative dune connaissance de lhomme pose en effet de nombreuses questions, susceptibles déclairages multiples : analyse des préfaces pour saisir le discours que le roman ou le récit de voyage tiennent sur leurs propres desseins ; définitions narratives et structurelles des limites génériques ; prise de conscience de ces limites par les auteurs ; examen de leurs manifestations textuelles ; étude des réponses que les auteurs tentent dy apporter ; réflexion sur les infléchissements formels liés à des objectifs ambitieux et sur le dépassement éventuel des frontières génériques Voici, sans épuiser une liste ouverte, quelques unes des pistes que nous nous proposons dexplorer, lors des journées détude intitulées « Une expérience de la limite en littérature : le genre et lambition anthropologique au XVIIIe siècle ».

Alexandre Duquaire et Antoine Eche
Université François-Rabelais de Tours
Equipe de recherches « Histoire des Représentations ».