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Une approche matérialiste de la poésie est-elle possible ? (Séminaire Les Armes de la Critique, ENS Paris)

Une approche matérialiste de la poésie est-elle possible ? (Séminaire Les Armes de la Critique, ENS Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Laélia Véron)

Une approche matérialiste de la poésie est-elle possible ?

Séance du SLAC (Séminaire de Lettres des Armes de la Critique)

ENS, 29 rue Ulm

 

Dans Les Règles de l'Art, Pierre Bourdieu souligne les affinités de la poésie avec la peinture et la musique, dans leur effort parallèle (et parfois solidaire) pour s'affranchir de toute espèce de message et produire un art « pur » où le signifiant triomphe du signifié : c'est Baudelaire élaborant dans les Salons à propos de la peinture de Delacroix la théorie de l'art pour l'art, ou Mallarmé excluant le langage référentiel de « l'universel reportage » au profit de « l'absente de tout bouquet ». Cette pureté revendiquée du genre poétique, affranchi de la prosaïque réalité et n'existant que pour et par lui-même, invite à une lecture tout aussi « pure » qui arrache le poème à l'espace social et au temps de l'histoire pour s'intéresser à sa seule poéticité. Pour Bourdieu, cette double pureté est évidemment construite, résultat de l'autonomisation croissante du champ littéraire français dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle et de l'illusio littéraire entretenue par les littérateurs et l'institution scolaire ; il défend à rebours une lecture historicisée des oeuvres propre à restituer à la poésie pure son caractère historiquement construit - et fortement idéologique.

La septième séance du Séminaire Littéraire des Armes de la Critique (SLAC), consacré cette année au rapport entre genre littéraire et idéologie, veut s'intéresser à cette possibilité d'une lecture historicisée des poèmes, s'attachant à mettre en lumière l'idéologie qu'impliquent leurs choix thématiques et formels en les replaçant dans leurs conditions matérielles (historiques, sociales, économiques, éditoriales) de production. La démarche adoptée par Lukacs et Ian Watt pour analyser l'essor du roman dans la société bourgeoise peut-elle être imitée pour comprendre la production poétique florissante du XIXe siècle? Une démarche de ce type peut-elle être adaptée à d'autres époques, d'autres contextes ?
Les communications pourront étudier des cas relativement évidents de poèmes fortement ancrés dans une situation historique et porteurs d'un discours idéologique clair, des satires en vers de Byron publiées dans la presse radicale anglaise aux Châtiments de Victor Hugo,à condition d'insérer l'analyse de ces textes dans leur contexte de production. Elles pourront également se pencher sur les liens entre poésie et chanson et le rôle joué par celles-ci dans les luttes sociales et politiques. Mais elles pourront aussi s'intéresser aux cas de liens moins transitifs entre poème et idéologie : les non-dits que recouvre le culte romantique de la nature et de l'intériorité lyrique ; ou le cas paradoxal de poètes « prolétariens » adoptant un style qui leur vaut d'être critiqués comme autant de traîtres à leur classe… Elles pourront aussi prendre la forme de comptes rendus d'ouvrages théoriques défendant une approche matérialiste de la poésie.
Nous accueillons très favorablement toute proposition en rapport avec le thème de la séance, y compris si elle émane d’un-e non-universitaire, ou d’un-e étudiant-e de premier ou de deuxième cycle. Chaque intervenant-e, s’il/elle le souhaite, pourra voir sa communication publiée sur le site du séminaire.

La séance aura lieu le vendredi 28 avril, de 14h30 à 17h30 (ENS, salle 236, 29 rue d'Ulm). Merci d’envoyer vos propositions (150 à 200 mots environ) avant le 7 avril à l'adresse suivante : vincent.berthelier@ens.fr, marion.leclair@u-cergy.fr. Nous vous donnerons une réponse le 14 avril au plus tard.