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Journée d'études : "Une alliance adultère" : scène historique et poème dramatique ou le théâtre sans la scène (1747-1833) (Besançon)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Stéphane ARTHUR)

« Une alliance adultère » : scène historique et poème dramatique ou le théâtre sans la scène (1747-1833)

 

Une journée d’études sera organisée sur les scènes historiques et les poèmes dramatiques, à Besançon, le vendredi 25 janvier 2019, à la maison natale de Victor Hugo. Les communications seront publiées dans les Cahiers d’études nodiéristes.

 

PRESENTATION

Lorsqu’il publie en décembre 1832 Spectacle dans un fauteuil, Musset donne comme intitulé générique « poème dramatique » à « La Coupe et les Lèvres », pièce qui ouvre le recueil. Ainsi, au moment où le spectacle devient l’épicentre du genre dramatique (ce que marquent l’importance des didascalies et la volonté d’auteurs comme Hugo d’être également les metteurs en scène), le poème dramatique choisit, presque à contre-courant, de refuser la représentation, donc le « progrès ».

Quand le président Hénault publie en 1747 François II, tragédie destinée à la lecture, il a pour sa part l’ambition de renouveler l’écriture de l’histoire, et non celle du théâtre. D’autres auteurs, comme Mercier, s’essaient par la suite à la composition de pièces de théâtre à lire, ou de poèmes dramatiques portant sur des sujets historiques ou contemporains.

Toutefois, malgré des essais en la matière de Roederer, il faut attendre 1826 pour que les scènes historiques triomphent, avec la publication des Barricades de Vitet. Le succès est tel que l’auteur propose une trilogie, avec en 1827 Les États de Blois et en 1829 La Mort de Henri III. Les scènes historiques deviennent alors un genre à la mode, à la toute fin de la Restauration et au début de la monarchie de Juillet.

La passion pour l’histoire trouve ainsi l’une de ses voix. Charles Nodier partage profondément cet intérêt ; il rédige des Souvenirs et portraits (Renduel, 1833) à caractère historique et la même année tente une « étude historique », Le Dernier banquet des Girondins dans la préface de laquelle on lit : « L’idée m’était […] venue, comme à tout le monde, que la manière la plus vive et la plus saisissante de présenter des personnages historiques était de les mettre en scène dans une circonstance solennelle de leur vie, et de leur faire parler, selon les traditions qui nous en restent, le langage qu’ils ont dû tenir alors. »  (Ch. Nodier, Le Dernier banquet des Girondins, in Œuvres complètes, Paris, Renduel, 1833, p. 9).

Malgré cet engouement, la scène ou étude historique s’avère éphémère, et lorsque Vitet rédige Les États d’Orléans en 1848 les scènes historiques ne sont plus de saison. Gobineau propose à la fin du siècle des vendanges tardives avec ses scènes consacrées à la Renaissance.

De nombreux auteurs, tels Lemercier (avec sa Panhypocrisiade en 1819) et Mérimée (déjà auteur en 1825 du Théâtre de Clara Gazul) avec La Jaquerie (1828), exploitent les potentialités de la scène historique et plus largement du théâtre destiné à la lecture, comme l’est le poème dramatique. Avec le succès d’Henri III et sa cour de Dumas, en 1829, sur la scène du Théâtre-Français, le genre connaît une rude concurrence et va s’essouffler au début de la monarchie de Juillet.

Qu’est-ce qui justifie ce refus de la représentation, ce choix qui tient d’un entre-deux à définir, puisque ces deux « genres » ou « sous-genres » empruntent une forme théâtrale, tout en la refusant ? Les propositions pourraient concerner l’un des sous-genres ou tenter de les réunir sur le plan esthétique.

Notre journée d’études se propose ainsi de considérer deux genres, scènes historiques et poèmes dramatiques, dans différentes perspectives. Il serait intéressant d’éclairer les genèses de ces œuvres, en abordant la question du rapport au contexte de création et aux sources, sans négliger la question de la censure.

Quel est l’enjeu politique d’une scène historique par exemple ? Les auteurs sont-ils si fidèles qu’ils le prétendent à la vérité historique ? Il serait intéressant en particulier d’étudier comment les auteurs de scènes historiques entendent se démarquer du drame historique.

Un autre axe pourrait porter sur les périodes et les personnages retenus par les auteurs. Deux périodes sont en effet privilégiées : les Guerres de Religion au XVIe siècle et la période révolutionnaire avec la geste napoléonienne comme prolongement. Le Moyen Âge retient également l’attention de certains auteurs. Comment expliquer ces choix ?

Il serait aussi utile de considérer la place des scènes historiques et poèmes dramatiques dans les productions théâtrale et poétique des XVIIIe et XIXe siècles. La scène historique et le poème dramatique appartiennent-ils vraiment à l’histoire du théâtre, en l’absence de représentation sur scène ?

Quelle a été leur influence sur la composition et la représentation des pièces jouées ? On sait que George Sand a fait offrande de six scènes à Musset en lui laissant le loisir d’en faire ce que bon lui semble, et que c’est le point de départ de la genèse de Lorenzaccio. En outre, quelles relations scènes historiques et poèmes dramatiques entretiennent-ils ? Dans quelle mesure y a-t-il fécondation réciproque, si l’on songe par exemple à l’influence de La Henriade de Voltaire sur les scènes historiques ?

Enfin, la poétique à l’œuvre dans les scènes historiques et les poèmes dramatiques mérite de retenir notre attention. Les principes de création ne sont pas les mêmes, selon que l’on considère les œuvres de Roederer, de Vitet ou de Musset, en particulier.

De manière générale, il serait fructueux de mettre en évidence à l’occasion de cette journée la diversité des scènes historiques et des poèmes dramatiques, genres plus riches qu’on ne l’imagine souvent, et trop souvent négligés par les études universitaires et les histoires littéraires.

Bref, de montrer la fécondité de « cette alliance un peu adultère du drame et de l’histoire » qu’évoque Nodier dans Le Dernier banquet des Girondins, dont Georges Zaragoza a démontré la théâtralité. Alliance du théâtre, de l’histoire et du poème dans le cas d’œuvres comme « La Prison », que Vigny date de 1821.

La question se pose bien : où est le théâtre lorsque l’œuvre n’est pas destinée à la scène ?

 

COMMUNICATIONS

Date limite pour proposer une communication : 1er juillet 2018

Propositions (avec titre, résumé en 5 à 10 lignes et brève présentation de l’auteur de la proposition) à transmettre aux personnes suivantes: stephane.arthurhugo@laposte.net et georges.zaragoza@wanadoo.fr

 

BIBLIOGRAPHIE : 

Stéphane Arthur, « La représentation du XVIe siècle dans le théâtre de la période romantique : des scènes historiques au drame romantique », Studi francesi, anno LV-fasc. II, maggio-agosto 2011, p. 335-345.

Stéphane Arthur, « De Gain-Montaignac à Hugo : sur un précurseur méconnu des romantiques », La Quête de la beauté, Mélanges en l’honneur de Lise Sabourin, Paris, Honoré Champion, 2016, p. 255-269.

Jean-Louis Backès, Le Poème narratif dans l’Europe romantique, Paris, PUF, collection « Écriture », 2003.

Olivier Bara, « Poèmes dramatiques. Dialogue et vérité dans les deux premiers recueils de Musset. Poèmes dramatiques : dialogues et vérité dans les deux premiers recueils de Musset », Nov 2010, France. Champion, p. 235-249, 2012.

Michele H. Jones, Le théâtre national en France de 1800 à 1830, Paris, Klincksieck, 1975

Sylvain Ledda, « Théâtre et scènes historiques », Le théâtre français au XIXe siècle, sous la direction de Hélène Laplace-Claverie, Sylvain Ledda et Florence Naugrette, « L’avant-scène théâtre », 2008, p. 94-123.

Jules Marsan, La Bataille romantique, Genève, Slatkine Reprints, 2001 (réimpression de l’édition de Paris, 1912-1925).

Isabelle Meehan, « Théâtre et Histoire à la veille de la révolution de Juillet. L’exemple d’un genre négligé, les scènes historiques », in « Les genres de l’hénaurme siècle », Papers from the 14th annual colloquium in Nineteeeth-Century French Studies, Michigan Romance Studies, 1989, vol. 9, p. 33-47.

Daniele Maira, Renaissance romantique. Mises en fiction du XVIe siècle (1814-1848), Genève, Droz, 2018.

Jean-Marie Thomasseau, « Ludovic Vitet et l’École de l’impossible théâtre », Impossibles théâtres XIXe-XXe siècles, Éditions Comp’Act, 2005, p. 15-25.

Georges Zaragoza, « Le Dernier Banquet des Girondins de Charles Nodier : une alliance adultère », Nodier, cent cinquantième anniversaire de sa mort, EUD, 1998.