Actualité
Appels à contributions
Un Siècle de journalisme culturel en Normandie et dans les autres provinces (1785-1885)

Un Siècle de journalisme culturel en Normandie et dans les autres provinces (1785-1885)

Publié le par Camille Esmein (Source : Catriona Seth)

Un siècle de journalisme culturel en Normandie et dans les autres provinces
(1785-1885)


Le 5 janvier 1785, Jean-Baptiste Milcent crée le Journal de Normandie, avatar d'un journal d'affiches qu'il transforme avec l'ambition d'être le porte-parole des « Lumières provinciales ». Homme de lettres, dramaturge (quatre de ses pièces sont jouées entre 1783 et 1786) et ami de Diderot, le Parisien Milcent inaugure ainsi une chronique de l'actualité culturelle de la province de Normandie.
La place et la forme de la rubrique culturelle des journaux sont fort variables selon la définition de leur objet et surtout selon les formes du discours. Deux journées d'étude, à Rouen et au Havre (23 et 24 novembre 2005), ont pour but de clarifier ce paysage assez large du journalisme culturel, dans l'exemple de la Normandie et, par des éléments de comparaison indispensables, plus largement dans la vie provinciale dans le siècle qui suit la création du Journal de Normandie (1785-1885), autour de quatre questions principales :

1 Journalisme culturel et stratégies identitaires.
La part, dans la chronique culturelle, de l'information nationale, provinciale ou locale n'est pas une question neutre. Elle renvoie à des rapports de force et des enjeux, comme la défense et l'illustration d'une vie culturelle provinciale, contre la capitale. La presse des dernières années d'Ancien Régime cultive en effet un esprit provincial qu'elle tente même de revivifier, notamment par un renouveau de l'histoire locale ou la promotion des ouvrages nouveaux produits en Normandie ou par des Normands.
À l'intérieur même de la province, le journalisme culturel peut être engagé dans des rivalités entre villes ; on pense notamment à l'exemple du Havre dont les activités cherchent à concurrencer ou à se démarquer de celles de Rouen. De même, les gazettes des petites et moyennes villes relatent des manifestations qui relèveraient d'une culture « populaire » ou « traditionnelle » (les fêtes de rosières par exemple).
Ainsi se pose la question de la place donnée par la presse aux institutions culturelles et à leur activité (académies, cercles savants, dans une province à forte tradition de sociabilité), institutions que Milcent sollicite pour sa chronique, s'engageant en retour à faire écho à leurs travaux. Dans un siècle qui voit l'éclosion et le développement de l'érudition, on peut donc s'interroger sur le compte-rendu par la presse des recherches, associatives ou individuelles, par exemple sur le patrimoine local.
Dans quelle mesure, au total, le journalisme culturel a-t-il une spécificité capable de contribuer à la définition d'appartenances multiples et peut-être parfois contradictoires ?

2- Les domaines du journalisme culturel.
Ainsi se pose la question de la définition même de la culture par les journaux.
L'activité de la scène théâtrale et musicale est évidemment relatée. Milcent proposait de donner le répertoire, l'analyse des pièces nouvelles, le début des acteurs nouveaux et « l'arrivée des comédiens de la Capitale », d'informer le public des efforts que les « Acteurs feront pour lui plaire & de rappeler aux lois du bon goût & aux principes de leur art ceux qui s'en écarteront ».
Mais la vie culturelle selon la presse se résume-t-elle aux spectacles ? Il serait utile d'étudier la place, dans la presse locale, de la peinture ou de la sculpture, celle de la littérature (et laquelle d'ailleurs ?), voire celle de la diffusion des connaissances (sciences, techniques, médecine).
Après J.-B. Milcent qui remarquait que « sans les journaux, on ne lirait presque plus dans les grandes villes » (3 janvier 1787), on peut se demander quelle est l'importance de la littérature proposée par les journaux, soit par la compilation (résumés d'ouvrages), soit par l'édition même (les feuilletons).

3 - Pratiques journalistiques : une instrumentalisation de la rubrique culturelle ?
La définition même de la culture et son traitement par le journal invitent à réfléchir sur les rapports entre chronique journalistique et enjeux politiques ou sociaux. A l'évidence, les périodes de bouleversements des structures politiques et sociales (1789, 1848, etc.) voient l'émergence d'une culture politique qui se met en scène et dont la presse se fait l'écho (le théâtre ou la fête révolutionnaire par exemple). Mais entre ces moments forts, la censure politique tend parfois à faire de la chronique culturelle un moyen d'exprimer une critique, de faire passer des idées. Comment le journalisme culturel s'inscrit-il dans les grands débats de son époque, artistiques, politiques, sociaux, etc. ?

4 - Pratiques journalistiques : l'émergence d'un métier ?
Cette polyvalence du chroniqueur amène à s'interroger sur la nature du journalisme culturel et le statut du journaliste. D'abord homme de lettres d'esprit encyclopédique (Milcent, son successeur Noël de la Morinière ou encore Vincent Guilbert, auteur de L'Observateur ou la Semaine dramatique et littéraire sous l'Empire), le journaliste parle de tout.
Avec l'essor de la presse au XIXe siècle, et aussi les changements des pratiques culturelles, se dessine une lente tendance à la spécialisation d'une écriture, dont témoigne l'apparition d'une presse culturelle à proprement parler (le Journal des théâtres et de littérature de Limoges en constituait dès 1797 un premier jalon).
Ce processus demande à être précisé quant à l'évolution de la presse et de son public, quant au métier même du journaliste, ses origines, sa formation, son recrutement, sa pratique. Ainsi, témoignage utile de la diffusion des ouvrages nouveaux, les annonces des livres en vente, parfois assorties d'un commentaire critique indulgent (mais pas toujours), constituent une forme particulière de journalisme, proche de la publi-information d'aujourd'hui et qui interroge sur le rôle du chroniqueur.

Sans privilégier l'une ou l'autre de ces questions, les communications peuvent porter sur un journal, un homme, un lieu ou une activité particulière, que celle-ci relève de la culture (musique, théâtre, festivités, etc.) ou des pratiques du monde de la presse.

Les propositions de communication (sous forme d'un titre, même provisoire, et d'un résumé du projet) doivent être adressées d'ici le 30 mai conjointement à Catriona Seth et à Eric Wauters
(Catriona.Seth@univ-rouen.fr et Eric.Wauters@univ-lehavre.fr ; Catriona Seth, 29bis rue du Contrat Social, 7600 Rouen et Eric Wauters, 42 allée Mercure, 76230 Bois-Guillaume).