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Un autre héritage des Lumières : l'Encyclopédie contre le Mahomet de Voltaire

Un autre héritage des Lumières : l'Encyclopédie contre le Mahomet de Voltaire

Publié le par Laure Depretto (Source : Rahul Markovits)

 Rahul Markovits, "Un autre héritage des Lumières : l'Encyclopédie contre le Mahomet de Voltaire"

Mediapart, 2 mars 2015.

Un nouveau regard sur le Mahomet de Voltaire, à la suite des événements tragiques du 7 janvier.

« L’héritage des Lumières (...) ne se réduit pas à une liberté d’expression érigée en principe absolu », relève l'historien Rahul Markovits« Tout autant que la liberté d’expression, le discernement, le respect des croyances d’autrui, le décentrement culturel en font partie. »Démonstration au travers des débats suscités par la représentation, en 1741, d'une tragédie de Voltaire, Le fanatisme ou Mahomet le prophète.

 

Dans la vague d’indignation et de mobilisation sans précédent qui a suivi les effroyables attentats de janvier à Paris, le réflexe d’une partie de l’opinion française et internationale a été d’invoquer l’héritage des Lumières. Au fil des tribunes, communiqués et lettres ouvertes, dans les manifestations aussi, où ont été brandis des portraits de Voltaire, la référence est omniprésente. Par l’effet combiné d’une rafale de balles assassines et d’un déluge de tweets solidaires, le journal anarchiste et libertaire à l’humour « bête et méchant » est devenu, à son corps défendant, le symbole global et consensuel de la liberté d’expression menacée par l’obscurantisme.

Pourtant, ce qu’on voudrait suggérer ici au regard d’un épisode peu connu, c’est que l’héritage des Lumières en la matière ne se réduit pas à une liberté d’expression érigée en principe absolu : il est plus complexe, plus riche aussi de promesses pour l’avenir.

De fait, la question de la représentation caricaturale du prophète fut posée au XVIIIe siècle. En 1741 fut jouée pour la première fois, à Lille, une tragédie de Voltaire, Le fanatisme ou Mahomet le prophète. La pièce présente un portrait très négatif de Mahomet, dépeint comme un manipulateur cynique et sans scrupules, affublé qui plus est du ridicule d’être malheureux en amour... L’intrigue, de pure fiction, comme Voltaire le reconnaissait, raconte comment Mahomet endoctrine le jeune Séide pour qu’il assassine Zopire, le vieux shérif de La Mecque, dont il ignore qu’il n’est autre que son père. « Tartuffe les armes à la main », Mahomet ne croit pas à sa religion (« Mon triomphe en tout temps est fondé sur l’erreur »), mais parvient à lui conférer les prestiges de la vérité pour asservir les esprits sous sa coupe et conquérir La Mecque.

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