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Troublantes Usurpations : impostures dans la littérature, le cinéma et les arts du monde anglophone (Toulouse)

Troublantes Usurpations : impostures dans la littérature, le cinéma et les arts du monde anglophone (Toulouse)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Emeline Jouve)

APPEL A COMMUNICATIONS 

"Troublantes Usurpations : impostures dans la littérature, le cinéma et les arts du monde anglophone"

19-20 mars 2020, Université Toulouse Jean Jaurès, France

Les propositions (de 400-500 mots, en anglais ou en français), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, doivent être adressées avant le 20 septembre 2019 à : usurpationtoulouseconference@gmail.com.

Les éventuelles propositions d'ateliers de 3-4 communications sont les bienvenues.

Ce colloque international invite à une réflexion large sur les représentations de l'usurpation et de l’imposture au cinéma, dans la littérature et les arts du monde anglophone, de la Renaissance à nos jours.

Comme l’explique Roland Gori, les imposteurs sont de puissants révélateurs d'une période, car les modalités de l’imposture (les masques choisis, les rites accomplis, les signes arborés) simulent des comportements qui sont monnaie courante et qui sont éclairés autant que déformés par leurs contrefaçons. Ainsi, à mesure qu'une vision libérale de la liberté individuelle se développe dans le monde anglophone, et que l'individu autonome est conçu comme « l'auteur » de sa vie, celui qui s'invente littéralement une identité révèle les contradictions ou les limites de la position individualiste (James Gatz dans The Great Gatsby). Derrière les usurpateurs du roman gothique, qui détrônent le détenteur légitime du pouvoir, ou les figures prométhéennes ou épiméthéennes, qui paraissent usurper une position divine (de Manfred à Victor Frankenstein), se dessinent en filigrane des enjeux théologiques aussi bien que politiques ; dans le roman à sensation, les usurpations d'identité, qu'il s'agisse de bigamie ou plus largement d'identités d'emprunt (Mary Elizabeth Braddon, Lady Audley's Secret, Mrs Henry Wood, East Lynne) révèlent les contradictions du droit matrimonial à l'époque victorienne.

Dans les espaces impersonnels et anonymes où le contrôle social s’est relâché, l'usurpation fleurit : chez Samuel Clemens ou Herman Melville, le Mississippi du milieu du XIXe siècle représente un espace-frontière où tout inconnu est un possible usurpateur (Melville, The Confidence Man, Clemens, Huckleberry Finn). Dans les périodes d'urbanisation, la grande ville déploie un espace labyrinthique et anonyme où les imposteurs peuvent aisément faire circuler sa fausse monnaie : chez ceux qui se font passer pour des blancs aux Etats-Unis (racial passing), chez les transfuges de classe ou ceux et celles qui se travestissent, se dessine alors l'expression ambiguë d'une émancipation, à mi-chemin entre conformisme et transgression des normes dominantes.

Représentées à l'écran, beaucoup d’usurpations troublent des conceptions préétablies de l’identité collective (raciale, genrée, humaine) ou individuelle : elles interrogent les frontières entre le jeu et le ‘je’, ou entre les divers visages (Mad Men, Vertigo, The Talented Mr. Ripley, Ready Player One). Quand le masque, l’avatar ou la double vie actualisent une partie de soi, il devient parfois difficile de distinguer identité ‘véritable’ et identité fabriquée. A mesure que de nouveaux canaux et modes de communication apparaissent, les phénomènes d'usurpation signalent la persistance d'un problème : comment faire le partage entre une théâtralité inhérente à la vie sociale, fondamentalement viable voire jouissive (par exemple dans des communautés virtuelles où le « catfishing » devient un aspect de la vie sociale), et l'omniprésence de manipulations malveillantes qui signifieraient, tout au contraire, que le contrat social est sans fondement ? Les représentations de troublantes usurpations sur scène, à l'écran, dans les textes, engagent aussi une réflexion critique sur l'autorité et la position d'autorité. Qui remet l'usurpateur « à sa place » ? Et son autorité ne relèverait-t-elle pas, elle aussi, d'une sorte de coup de force ? Comment les usagers d'identité factice sont-ils punis ou réprimandés ? Comment le dialogisme des fictions littéraires et cinématographique permet-il de mettre en scène la bataille des versions de la réalité et de l'identité qui s'affrontent ?

Il s’agira aussi d’analyser ce qui se joue sur le plan sémiotique dans les phénomènes d’usurpation lorsque l'imposteur est représenté comme une simple persona, un signifiant « pur », dénué de signifié, ou, sur un plan psychologique, comme un être sans intériorité, limité à sa seule apparence.

Enfin, il s'agira de revenir sur les enjeux métafictionnels, poétiques et esthétiques de la thématique de l'imposture dans des écritures ou des mises en scènes singulières, car la figure de l'imposteur symbolise, de manière éminemment réflexive, les pouvoirs de la fiction, tout particulièrement dans les cas des narrateurs non fiables. Quels aspects du cinéma, du roman, de la poésie, du théâtre la figure de l'usurpateur fait-elle voir – dans quelle mesure induit-elle un commentaire métafictionnel ? Existe-t-il des genres qui auraient plus d'affinités que d'autres avec la thématique, voire une poétique, de l'imposture ?

 

Pourront donc être étudiés, sans que la liste qui suit ne soit exhaustive :

- Les mises en scènes de l'usurpation troublante : monarques légitimes et usurpateurs, transfuges de classe, parvenus, travestissement, bigamie, médecins et patients simulateurs, usurpations de nationalité, d'identité professionnelle, d’identité sexuelle ;

- L’usurpation et les nouvelles formes de la construction de soi dans les médias contemporains : avatars virtuels et mensonges, rapports entre l'exhibition de « l'authenticité » et les phénomènes d'usurpation d'identité ;

- Les liens entre usurpation et contrôle social. Quelles dénonciations, quelles preuves, quelles punitions, quelles réintégrations de l'usurpateur dans une communauté ? Les réflexions sur les mécanismes par lesquels une usurpation d'identité est dévoilée, punie (Martin Guerre) et/ou pardonnée (le « catfishing ») ;

- Quels imposteurs dans quelles sociétés ? Que révèlent-ils des valeurs, aspirations et contradiction d’une société donnée ?

- Les trafics de signes et/ou trafics de preuves : enjeux sémiotiques, enjeux juridiques, enjeux médicaux ;

- Les liens entre imposture et réflexion métafictionnelle ; le(s) personnage et/ou narrateur(s) non fiable(s) ;

- Les arts de l'illusion et de la prestidigitation : illusionnisme et réflexions sur l'illusionnisme dans les arts ;

- Existe-t-il des genres de l'imposture ? Les usurpations d'identité dans le roman ou le film d'espionnage, dans le roman ou le film de détection. L'usurpation et la satire ;

- Eros et imposture : les liens entre désir, identité fantasmée et identité jouée ;

- Les rapports entre imposture et béance ontologique : fictions de l'imposture et visions philosophiques ou psychologiques de l'identité.

  • Responsable :
    Emeline Jouve
  • Adresse :
    Université Toulouse Jean Jaurès (France)