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Tradition et créativité dans les formes gnomiques en Italie et en Europe du nord, XIVe-XVIIe siècles

Tradition et créativité dans les formes gnomiques en Italie et en Europe du nord, XIVe-XVIIe siècles"

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Perrine Galand-Hallyn)

27-29 novembre : Colloque international co-organisé par l'université de Gand, le Centre Budé, l'université de Paris 7, l'université de Bologne, l'université de Florence, dans le cadre des activités de l'Ecole doctorale européenne sur l'Humanisme :

"Tradition et créativité dans les formes gnomiques en Italie et en Europe du nord, XIVe-XVIIe siècles"

org. Sabine Verhulst (Universiteit Gent) avec la collaboration de R. Cardini (Scuola di Dottorato Internazionale in Civiltà dell' Umanesimo e del Rinascimento, Università di Firenze), P. Galand-Hallyn (EPHE à la Sorbonne), Gino Ruozzi (Université de Bologne), J. Vignes (Université de Paris 7)

on trouvera le programme sur ce site:

http://www.italiaans.ugent.be

Projet de colloque

Tradition et créativité dans les formes gnomiques

en Italie et en France à la Renaissance.

De l'Antiquité à l'Age classique des textes toujours plus nombreux et variés se constituent par juxtaposition de brefs énoncés plus ou moins discontinus et supposés dignes de mémoire : adages, proverbes, sentences, aphorismes, apophtegmes, apologues…, les uns issus, dit-on, d'une tradition populaire immémoriale (« la sagesse des Nations »), les autres attribués avec plus ou moins de certitude et d'exactitude à des auteurs anciens ou modernes. Le « genre », si tant est qu'il faille parler d'un genre, est particulièrement prisé et fécond à la Renaissance.

Le projet de ce colloque part d'un constat simple : l'immensité du corpus gnomique composé à la Renaissance contraste avec la place minime voire inexistante que lui réservent les travaux d'histoire et de théorie littéraires. Les études spécifiques consacrées à ce champ sont demeurés peu nombreuses et fragmentaires : on n'a guère tenté de baliser cette production, d'en esquisser une typologie, d'en dégager les fonctions et l'esthétique, d'identifier les filiations dont elle procède, enfin d'en discerner les évolutions majeures entre le Moyen Age et l'Age classique. Notre objectif est donc de promouvoir un regain d'intérêt pour ce corpus et de donner un aperçu des problématiques littéraires qui permettent de l'explorer.

Afin d'envisager le genre dans sa diversité, et pour ne pas se limiter à une tradition nationale, on comparera la production de la France et de l'Italie, en latin et en vernaculaire, en prose et en vers. Sans négliger le cas échéant l'usage ponctuel de formules gnomiques dans les genres littéraires les plus variés (poésie épique, lyrique ou satirique, théâtre comique ou tragique, romans et nouvelles, lettres, traités didactiques, controverse politique ou religieuse, etc.), on centrera l'attention sur les textes, notamment les livres, les recueils, où l'intention gnomique semble prépondérante et détermine la structuration du texte. Il s'agira de se demander dans quelle mesure et par quels moyens le choix du genre gnomique, qui privilégie le plus souvent la compilation et l'exploitation de matériaux hérités, n'exclut ni le souci de l'originalité, ni une véritable créativité esthétique. Comment s'affirme la singularité de chaque recueil par rapport à ses devanciers ou concurrents ? En interrogeant notamment la pertinence du concept d'auteur gnomique, lié à la fois à la spécificité d'une production et à la constitution d'un èthos, on se demandera comment les formes gnomiques et les jeux de variations qu'elles appellent à partir de lieux communs peuvent stimuler une véritable invention (au sens rhétorique d'inventio, mais aussi au sens moderne du terme), enfin comment les renouvellements successifs du genre dessinent des lignes d'une évolution esthétique et idéologique.

Cette problématique centrale pourra être complétée par d'autres questionnements, en évitant si possible de s'en tenir à des études monographiques.

  • Bien que le champ gnomique paraisse assez mal balisé par la théorie littéraire de la Renaissance (en France, par exemple, les traités de poétique ne l'évoquent qu'incidemment : il faut attendre 1658 pour lire dans L'Art poétique du Sieur Colletet un Traité de la poésie morale et sentencieuse), peut-on néanmoins identifier des textes théoriques d'époque, par exemple des préfaces intéressantes (outre le fameux paratexte des Adages d'Erasme), et repérer entre eux des filiations, des influences, des contrastes ?
  • Quelle catégories esthétiques anciennes (brevitas, varietas, copia, auctoritas…) ou modernes (discontinuité) sont les plus opérantes pour caractériser le genre ? Comment les articuler entre elles et les préciser ?
  • Quelles sont les traditions diverses dont hérite l'écriture gnomique à la Renaissance et sous quelles influences se renouvelle-t-elle par rapport aux usages médiévaux ? Quel rôle joue ici l'humanisme philologique du Quattrocento ? Dans quelle mesure intègre-t-il ou rejette-t-il l'héritage gnomique médiéval ?
  • Dans quelle mesure tradition savante et tradition populaire (le concept serait lui-même à approfondir et à discuter) peuvent-elles se rejoindre ou se confronter dans le genre gnomique ?

· Quels liens s'établissent entre les pratiques d'écriture gnomique et les usages pédagogiques ? Dans quelle mesure la tradition scolaire des recueils de lieux communs (admirablement étudiée par Ann Moss) influe-t-elle sur le succès de la littérature gnomique à l'époque ? En retour, les recueils gnomiques ont-ils une vocation pédagogique ? Certains cherchent-ils au contraire à échapper aux formes scolaires ?

  • Comment les recueils sont-ils structurés ? Quel type d'organisation y préside ? En cas d'absence apparente de classement des énoncés, comment est justifié l'ordo neglectus ? A ces questions de dispositio se rattache celle de la mise en page et, le cas échéant, du rapport texte-image : sans se polariser sur les recueils d'emblèmes, déjà abondamment étudiés pour eux-mêmes, on n'oubliera pas que ceux-ci constituent aussi des recueils gnomiques.
  • Plus largement, que sait-on de la réception de ces recueils à l'époque ? Qui les édite ou réédite ? Qui les lit, dans quelles circonstances et à quelle fin ? Quelles sont les disciplines, les champs du savoir où la forme gnomique est sollicitée (médecine, droit, politique, religion, morale, philosophie…)