Questions de société

"Toute honte bue : Valérie Pécresse et l'évaluation autoritaire", Communiqué de SLU (20/04)

Publié le par Florian Pennanech

« Depuisdeux ans Madame Valérie Pécresse ne cesse de louer le lien nécessaireentre l'« autonomie » des universités, l'évaluation « indépendante »des diplômes, des équipes ou des établissements par l'agence nationaled'évaluation AERES (Agence d'évaluation de la recherche et del'enseignement supérieur) et la « débureaucratisation » du systèmefrançais d'enseignement supérieur. Il y a trois jours, dans sa réponseaux présidents d'université, elle soulignait de même les prétenduesavancées sur tous les dossiers controversés qui sont aujourd'hui aucoeur du plus long mouvement social qu'ait jamais connu l'universitéfrançaise. Elle insistait alors pour « rassurer » la communautéuniversitaire, notamment quant à sa propre capacité d'écoute et denégociation. Il n'aura pas fallu très longtemps pour que tout le mondepuisse comprendre quelle crédibilité accorder aux propos tantôtlénifiants et tantôt mensongers de la Ministre.

Aujourd'hui, lundi 20 avril, au CNESER (une de ces – deplus en plus rares – instances consultatives collégiales et paritaires,mêlant membres nommés et membres élus, au grand dam de la Ministre),Madame Pécresse a fait annoncer, toute honte bue, que les raresmaquettes de master « métiers de l'enseignement » remontées auministère (au nombre de dix-sept – dont au moins huit relevant,semble-t-il, de l'enseignement catholique – sur un total de près d'unecentaine possibles) seraient directement évaluées par la DGES(Direction générale de l'enseignement supérieur), c'est-à-dire par unservice dépendant directement de la Ministre, un des hauts lieux decette bureaucratie gouvernementale décrite souvent, à grands renfortsd'effets de manche, comme opaque et irresponsable, une de ces instancesque les agences nationales comme l'AERES devaient justement priver deleurs prérogatives abusives...

Alors que l'AERES a, elle, pris acte du refus massif dela communauté universitaire de mettre en place les nouveaux mastersd'enseignement et de l'impossibilité, dans de telles conditions,d'envisager une carte nationale des formations dotée d'un minimum decohérence, elle est désavouée. Quand l'agence nationale« indépendante » refuse (communiqué de l'AERES du 10 avrilhttp://www.sauvonsluniversite.com/spip.php ?article2394), au prix d'untardif mais louable accès de rationalité scientifique et pédagogique,d'évaluer les nouveaux masters d'enseignement, on la dépossède donc deses prérogatives pour les transférer à une autre instance pluscompréhensive à l'égard des objectifs et des calendriers ministériels.

Et peu importe dès lors que tout le monde soit d'accord(enseignants-chercheurs, formateurs d'IUFM, présidents d'université,directeurs d'IUFM, pédagogues, sociétés savantes, syndicats, jurys deconcours) pour dire que la seule solution raisonnable serait de ne rienmettre en place de nouveau à la prochaine rentrée universitaire dans cedomaine et d'entamer enfin des négociations sérieuses avec tous lesacteurs de la formation des enseignants pour élaborer une« mastérisation » qui ne détruise pas la qualité de la formation et nesoit pas fondée sur des économies budgétaires. Tout se passe comme siles ministres concernés et le gouvernement avaient des priorités et descalendriers, personnels et collectifs, n'ayant désormais pas grandchose à voir avec le traitement des dossiers dont ils ont la charge niavec l'intérêt des élèves de l'enseignement primaire et secondaire ouavec la qualité de la formation des jeunes collègues du premier et dusecond degré. L'épisode en dit long sur la sincérité du discoursgouvernemental concernant l'autonomie universitaire et l'indépendancedes évaluations. Il en dit aussi long hélas sur le choix d'attiser unconflit déjà brûlant en multipliant les provocations. Pourquoi ? Laquestion vaudrait d'être posée à la Ministre...

Une fois encore, une fois de trop, le gouvernementveut, de façon irresponsable, et pour des motifs purement politiciens,passer en force sur cette question. Nous saurons collectivement, de lamaternelle à l'université, lui apporter la réponse qui convient. Nousne laisserons pas détruire sans rien faire la formation des enseignantsni aujourd'hui, ni demain, ni l'an prochain : il faudra bien qu'ilfinisse par le comprendre ! »

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Voir aussi l'analyse de Sylvestre Huet, suite à ce communiqué.