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The Rolling Stones: un état du discours asocial? (l’existence littéraire des Rolling Stones)

The Rolling Stones: un état du discours asocial? (l’existence littéraire des Rolling Stones)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Sylvain David)

Les Rolling Stones exercent depuis bientôt cinquante ans une présence vaguement extra-terrestre au sein du discours social. Pourtant, à leurs débuts, alors qu’ils souhaitaient simplement faire vivre le rhythm and blues de Howlin’ Wolf, Buddy Holly, John Lee Hooker et Elvis Presley à Londres, ils ne songeaient nullement à s’inscrire dans la durée. Cinquante ans après, alors que les rééditions d’Exile on Main Street (1972) et de Some Girls (1978) officialisent leur statut de classiques, il semble opportun de réfléchir aux significations de cet étrange parcours : comment un groupe de jeunes musiciens à contre-courant, contestataires et sulfureux, se transforme-t-il en institution culturelle ?

Tant dans leurs prestations publiques que dans leurs chansons, leurs écrits et les entretiens qu’ils ont accordés au fil des ans, les membres du groupe (Sir Mick Jagger, mi-hermaphrodite, mi-banquier;  Keith Richards, mi-pirate, mi-vampire; Charlie Watts, tranquille détenteur de la vérité rythmique – et les autres : Brian Jones, Lucifer rapidement foudroyé; Mick Taylor, Orphée déchaînant les jalousies; Ron Wood, cinquième, puis quatrième roue du carrosse; Bill Wyman, devenu le beau-père de sa belle-mère; Ian Stewart, le modèle de John Rebus; Bobby Keys, l’homme qui prit un bain de Dom Pérignon) ont tenu un discours se voulant paradoxal, à la limite de l’acceptable, à l’image d’un mode de vie alternatif affiché au grand jour dans la presse à sensation, voire sur les pochettes de leurs albums. Pourtant, cette parole en liberté semble avoir constitué une ligne de force du discours social, se distinguant par son caractère sinon consensuel, du moins recevable. En effet, les Rolling Stones ont incarné un mode de vie interdit mais admiré, une forme nouvelle d’aristocratie en régime démocratique. En outre, ce groupe est le seul de sa génération qui aura véritablement su s’inscrire dans la durée : au fil des décennies, la relève hard, punk, disco, new wave, rap, hip-hop aura eu beau proclamer, à tour de rôle, Roll over Mick Jagger, and tell Chuck Berry the news, il continue d’assurer une forme de permanence. Après un pacte faustien troquant la pertinence culturelle pour la satisfaction instantanée du rock corporatif, les Rolling Stones, sans convertir des foules de nouveaux adeptes, seront devenus l’emblème irremplaçable d’une génération vieillissante. Old Gods, Almost Dead, titrait Stephen Davis : collectivement, ils constituent une forme de panthéon déjanté à l’usage d’une société en transformation et en manque de repères.

Cet ouvrage collectif s’attachera à l’existence discursive, voire littéraire, des Rolling Stones. Ses auteurs, loin de souhaiter tenir un discours épidictique ou admiratif, et loin de vouloir reprendre à leur compte les nombreux clichés colportés sur le groupe au fil des décennies, s’intéresseront à ce qui se dit et s’écrit tant par que sur les membres des Rolling Stones, selon la double perspective de l’analyse du discours et de l’histoire culturelle. Les axes suivants seront privilégiés :

  • Analyse de discours produits sur les Rolling Stones : textes d’écrivains (François Bon, Ian Rankin), écrits musicologiques, articles de presse étudiés en synchronie ou en diachronie, films et documentaires sur le phénomène culturel que constitue la relation d’un groupe à son public;
  • Analyse d’une chanson ou d’un album précis, mise en contexte et réception;
  • Analyse de l’un ou l’autre des écrits des Rolling Stones (autobiographies de Bill Wyman, de Ron Wood, de Keith Richards);
  • Analyse des discours suscités par un épisode (le meurtre d’Altamont, l’arrestation de Keith Richards à l’aéroport de Toronto, sa chute d’un cocotier, etc.) ou une déclaration précise de l’un ou l’autre des membres du groupe (par exemple, Keith révélant avoir inhalé les cendres de son père);
  • Analyse précisant l’influence, la signification, les retombées symboliques de l’activité des Stones au sein de l’histoire culturelle : si l’on rappelle souvent que la chanson Street Fighting Man s’inspire des événements de mai 1968, on oublie parfois que Satisfaction prédate La Société du spectacle de Guy Debord.

Il s’agit donc, on l’aura compris, de s’intéresser à l’invention de cette figure mythique qu’est la rockstar, à la fois dans les discours qu’elle inspire et dans son impact sur les normes et valeurs de la collectivité, telles qu’elles s’inscrivent dans le champ des représentations.

La publication de ce collectif se fera aux Presses de l’Université Laval, dans la collection « Quand la philosophie fait pop ! ». Les contributions soumises feront l’objet d’une évaluation par les pairs (« peer review »). La parution du recueil est prévue pour l’automne 2013.

Les propositions de textes, en français, doivent inclure un résumé de 400 mots, un titre et les coordonnées de l’université et du département d’attache. Elles doivent parvenir à l’adresse suivante avant le 7 janvier 2013 : sylvain.david@concordia.ca.