Web littéraire
Actualités
Th. Groensteen, Imaginaire

Th. Groensteen, Imaginaire

Publié le par Nicolas Geneix

Thierry Groensteen, Imaginaire

Article paru sur le site "neuvième art 2.0", décembre 2015.

"On parle communément de l’imaginaire d’une œuvre, d’un peuple, d’un créateur, d’une époque. Mais existe-t-il quelque chose comme un imaginaire propre à un art, à un médium ? Est-ce que l’ensemble des productions, accumulées depuis bientôt deux siècles, qui relèvent de ce que nous appelons aujourd’hui la bande dessinée, dessine les contours d’un imaginaire spécifique ?
Et s’il y a bien un « imaginaire BD » (on utilisera ici ce raccourci, par commodité), comment peut-il être défini ?

Dans Le Cinéma ou l’homme imaginaire (1956), Edgar Morin définissait l’imaginaire comme « le lieu commun de l’image et de l’imagination ». Mais, sitôt qu’on y réfléchit, on voit que l’expression peut s’entendre dans un double sens. Soit l’imaginaire BD est ce qui porte les œuvres-mêmes : il veut alors que certains contenus, certaines formes, certains procédés soient plus « naturels » que d’autres parce qu’ils découleraient des singularités physiques et techniques de la bande dessinée (les supports, les codes) et aussi, sans doute, de son histoire (économique, sociale, culturelle) ; pour reprendre un terme de Philippe Marion, ils procéderaient directement de la médiativité du neuvième art. Soit cette expression désigne un fantasme du lecteur compulsif, laissant entendre que la lecture assidue des bandes dessinées, en particulier dès les plus jeunes années, conduirait à la production d’une sorte d’effet de champ symbolique, dresserait entre le monde et le lecteur quelque chose comme un filtre : la saisie fantasmatique du monde à travers certaines catégories propres aux récits dessinés. Pour le dire autrement : ou bien la bande dessinée suscite, chez ceux qui la créent, des œuvres qui portent témoignage d’un imaginaire spécifique ; ou bien elle alimente, chez ceux qui l’apprécient, une rêverie tenace, une certaine façon d’appréhender poétiquement le monde – on n’ose aller jusqu’à dire un mode d’existence. (...)"

Lire la suite