Essai
Nouvelle parution
Th. Bouchard, La fin de Bartleby

Th. Bouchard, La fin de Bartleby

Publié le par Marc Escola

La Fin de Bartleby

 

Thierry Bouchard

éd. Fargo

152 p. - 16 €
EAN : 9791091902540
En librairie : 21 février 2020


 

L’énigmatique formule du copiste, « I would prefer not to », continue de hanter les esprits longtemps après son invention. Quelle qu’en soit la traduction, elle est devenue pour certains, plus qu’un miroir, comme une raison d’être. Le tour a été réussi à la perfection, qui s’accompagne d’un curieux scotome ou de l’oubli récurrent d’un détail hautement significatif : la fin de la nouvelle et le sort funeste de Bartleby.

Ce récit qui tisse la lecture de Melville et la fin d’un fictif « écrivain de la disparition » est surtout une réflexion sur l’écriture et ce qu’elle implique de renoncement au monde.

Ce qui alors prend fin ici — pour renaître aussi de ses cendres ? —, c’est une certaine époque de la littérature, idéale, avec ses « lecteurs pénétrants », ses affinités électives, ses bibliothèques hantées, sa mystérieuse collection de paperolles, mais aussi ses manies byzantines, ses gloires plus ou moins frelatées, ses impasses. On verra bien où ça nous mène.

Si bien qu’un gouffre bientôt s’ouvre qui sépare sans retour celui qui veut « vivre en lecteur et en écrivain » et la société. Car aucune relation paisible, sereine et dispensatrice de bienfait n’est possible entre celui qui veut « vivre en lecteur et en écrivain » et cette société. On aura sans doute observé, avec la même réprobation que celle que je ne peux à chaque fois m’empêcher d’exprimer, la même protestation, la même contestation que celles que je ne peux à chaque fois m’empêcher de répéter, les tentatives régulières de cette société pour arraisonner les insoumis, mettre au pas les réfractaires, contraindre les rebelles pour les amener, c’est bien le mot, à résipiscence.

Mais, coûte que coûte, opiniâtrement, celui qui veut « vivre en lecteur et en écrivain » résistera. Il contestera. Il protestera. Il alarmera.

Aussi ajoutons-le tout net : celui qui a décidé de « vivre en lecteur et en écrivain » ne peut consentir aucune concession que ce soit, celui qui, rapport à « sa vie intérieure », a décidé de « vivre en lecteur et en écrivain » ne peut accepter la moindre contrainte que ce soit qui viendrait s’attaquer à sa « zone de confort », au calme, au silence et à la solitude qui la définissent en premier lieu. — Th. B.

Voir le livre sur le site de l'éditeur…

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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"Littérature sans fin", par Maurice Mourier (en ligne le 6 mai 2020)

De temps à autre, il vous arrive un bonheur inattendu : celui de lire un livre entièrement satisfaisant, entièrement gratifiant, auquel on adhère aussitôt avec la certitude de sa qualité. La fin de Bartleby de Thierry Bouchard entre dans cette catégorie d’objets rares. Un homme raconte la vie de lecteur de son ami, écrivain portant le nom du personnage de Melville, à l’approche de sa disparition.