APPEL À CONTRIBUTIONS POUR LE NUMÉRO XIII DE LA REVUE ÉCRITURES DU DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS DE LA FALSH, UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I (CAMEROUN)
TEXTE ET IDEOLOGIE EN CONTEXTE POSTCOLONIAL
Littérature et idéologie entendue comme « cet ensemble d’aspirations, de sentiments et d’idées qui
réunit les mémoires d’un groupe […] et les oppose àl’autres » (Goldmann) ont toujours entretenu des liens
étroits. On peut en juger par la forte influence que le marxisme a eu sur la littérature du 20è siècle. L’on se
rappelle également que l’expérience coloniale, et bien avant elle, celle de la « plantation », ont également
constitué dans l’histoire de grands moments de rencontre entre la littérature et l’idéologie. Edward Saïd
pense, en ne prenant que le cas du roman, que celui-ci « a joué un rôle immense dans la constitution des
attitudes, des références et des expériences impériales ».
Avec la fin de la colonisation et celle de l’ère du nationalisme anticolonial, après la fin de la guerre
froide et l’effondrement du mur de Berlin, est née une critique postcoloniale, qui « témoigne des forces
inégales et inégalitaires de représentation culturelle qui sont à l’œuvre dans la contestation de l’autorité
politique et sociale au sein de l’ordre mondial moderne » (Hommi Bhabba). Autant dire que la critique
postcoloniale prend source dans le témoignage des ex-colonisés et des expressions minoritaires. Elle se pose
comme la mauvaise conscience du discours hégémonique, qui lui-même est désormais diffus, puisqu’il ne se
cristallise plus simplement autour des antagonismesde classes et prend plutôt les formes de la multiplicité de
l’histoire.
Au reste, quoique relativement récentes dans le panorama francophone, les études postcoloniales
constituent simultanément un champ de recherches et d’émulation en pleine expansion. Méthodiquement,
elles portent un intérêt au processus d'énonciationet aux coordonnées situationnelles qui composent l'univers
de discours des œuvres. Idéologiquement, elles développent un sens politique de la pratique littéraireet de sa
lecture, autant qu’elles abordent les œuvres dans une logique de démarcation, voire de résistance aux canons
esthétiques et aux discours scientifiques coloniaux. A cet égard, elles ont au moins une dimension
heuristique patente, qu’elles partagent avec l’idéologie, dans l’élucidation de l’évolution des idées,de leurs
manifestations et des enjeux y afférents. Elles stimulent « le dialogue entre une critique occidentale
longtemps hégémonique et les œuvres et réflexions provenant des autres lieux du monde » (Bardolph, 2002).
Ainsi, de par leur vitalité, pour diffus qu’ils puissent être, idéologie et postcolonialisme occupent une grande
partie des lettres francophones, de façon à s’imposer non plus uniquement comme articulation du texte au
réel, mais comme faisant partie de ce réel et même comme le générant.
Eu égard à ces circonstances qui influencent la production et la réception des œuvres, nous préférons
parler de contexte, plutôt que d’étude, de discipline, de courant, de mouvement, de théorie, ou de cadre
postcolonial, termes qui posent différentiellement les problèmes de pérennité et de substance du
postcolonialisme. C’est à une évaluation des diverses influences du postcolonialisme sur la textualité que
cette XIIIe édition de la revue Ecritures est dédiée. Dans cette perspective, les contributeurs sont invités à
orienter en priorité leurs travaux sur les axes suivants :
Axe 1 : Littérature générale et comparée
Il s’agit de s’intéresser aux significations idéologiques des structures narratives dans les diverses
traditions esthétiques. Outre les postures d’écrivains, l’on s’intéressera aux contestations ou reconfigurations
de corpus nationaux. Car les études postcoloniales ont longtemps été reprochées de confondre toutes les
situations coloniales et de traiter indifféremment les textes issus de la colonisation. Or « le comparatisme,
[qui] crée des groupes sur la base de critères pertinents, élabore et entretient l’idée d’ensembles culturels
cohérents » (Ranaivoson, 2011), aiderait à combler une telle lacune. L’on fera alors une mise en regard dans
une optique, soit Europe (France) / Afrique, attendu que tous sont concernés par l’expérience coloniale, à
titre d’ex-colonisés ou d’ex-colonisateurs ; soit pays colonisés entre eux. Ce serait l’occasion de questionner
l’approche holiste des textes littéraires d’ères francophones, des problématiques qui y sont développées, des
modèles littéraires en usage, etc. malgré l’historie coloniale plus ou moins commune à ces territoires.
Par ailleurs, la problématique du néo-impérialisme peut être abordée. Les questions suivantes
peuvent susciter des analyses: l’émergence de la pensée postcoloniale signifie-t-elle la fin des idéologies
impériales ? Quelles sont les nouvelles formes, les nouvelles voies/voix et les nouveaux lieux de
représentation de l’impérialisme ? Quels sont les mécanismes de déconstruction du discours hégémonique?
Le texte littéraire postcolonial constitue-t-il un lieu de réalisation du postulat de Goldmann sur l’idéologie ?
Cette dernière a-t-elle encore sa pertinence dans son acception de conformation au groupe ? Que vaut la
critique postcoloniale de l’idéologie ? Est-il encore pertinent de parler d’idéologie en littérature ?
Axe 2 :Stylistique et/ ou linguistique textuelle
L’actualité de la recherche est animée par la question du texte selon des perspectives extensives,
qu’il s’agisse de transdisciplinarité, ou d’analysedes formes et significations des unités textuellesà l’aune du
réel. A ce sujet, quelques interrogations peuvent stimuler les pistes de réflexion : l’émergence des études
postcoloniales impose-t-elle de nouvelles assises théoriques de rapport entre texte et idéologie, cette dernière
étant perçue à la fois au sens le plus basique du terme, comme manière de penser émanant de quelques
strates énonciatives (personnage, narrateur, auteur, écrivain, public, éditeur, critique, etc.), ou comme
rapports polémiques entre classes ou groupes d’individus ? Comment transforme-t-elle ou déforme-t-elle
l’approche des idéologèmes en texte ? Quelles perceptions sémantiques et pragmatiques du sens en
découleraient ? Quelles modalités théoriques pour transgresser le texte, procéder à des
groupements/individualités stylistiques et intégrerdes influences externes? Comment dégager une formation
discursive, qui dévoile l’élaboration d’une sorte d’univers mental et intellectuel dans les textes ?
Axe3 : Linguistique et/ou sociolinguistique
La sociolinguistique, entendue comme une science qui « étudie la covariance entre langue et
société » et dont l’objectif est de chercher à « comprendre les rapports dialectiques qui existent entre le
changement linguistique […] et le changement social» fait partie des grilles d’analyses des textes littéraires
francophones postcoloniaux. Pourtant, l’essence sociolinguistique est inhérente au terrain, et l’activité du
sociolinguiste est essentiellement un travail d’enquête (dépassant le clivage écrit/oral) auprès des usagers de
la langue » (Bulot, 2013). Quand le texte littéraire occidental est analysé sous un angle esthético-littéraire,
ludique ou poétique, avec une incidence sur la fabrique de la langue (Gauvin, 2004), le texte littéraire
africain postcolonial devient un véritable lieu de pratiques, de représentation et d’attitudes linguistiques,
alors même qu’elles ne sont pas socio-linguistiquement situées.
Dans cette optique, les questions suivantes peuvent stimuler des réflexions qui mettent en lien le
texte littéraire francophone postcolonial et la théorie sociolinguistique dans une perspective d’idéologie
scientifique : la francographie peut-elle donner lieu à une sociolinguistique qui se différencierait
idéologiquement, méthodologiquement et théoriquement de la sociolinguistique française ou occidentale ?
Le texte littéraire postcolonial peut-il être un facteur d’émergence des français d’Afrique ? Est-il possible, à
partir de la francographie, de postuler l’existenced’une sociolinguistique des textes littéraires francophones
postcoloniaux ?
Axe 4:Didactique
Les contributeurs pourront examiner la question irrésolue des littératures francophones dans les
programmes d’enseignement. De nouvelles façons d’enseigner le texte littéraire francophone s’imposeraientelles dans un contexte postcolonial, où le texte littéraire est saisi dans le faisceau de multiples éclairages
disciplinaires ? Si oui, lesquelles ? Si non, quelles résistances devraient se poser et quelle en serait la
validité ? Dans une optique philologique, quel juste équilibre préconiser entre les formes et manifestations
linguistiques ou littéraires et leurs attaches à laréalité ? Par ailleurs, du fait même que le postcolonialisme
touche de près aux savoirs et à leur propagation, il devient de moins en moins possible de l’évoquer sans
envisager l’ensemble des relations qui lient les universitaires entre eux, avec leurs approches, leurs
enseignements et leurs champs disciplinaires. Aussicette intégration des voix / voies universitaires dans les
débats permettrait une lucidité et une maîtrise desexigences disciplinaires qui touchent à la pratique du texte
dans la situation littéraire francophone d’aujourd’hui.
Modalités de soumission des propositions de contributions
Les contributeurs sont invités à envoyer leur résumé à l’adresse suivante :
noumssige@yahoo.fr Le résumé rédigé en français ne devra pas dépasser 2000 signes (espaces
compris). Il sera suivi de cinq mots-clés. Par ailleurs, seront précisés avant le résumé : le titre de
l’article, le(s) nom(s) et prénom(s), l’adresse électronique et postale, l’affiliation de l’auteur et l’axe
choisi.
Calendrier
- Envoi des résumés : 30 juin 2015 (date butoir) ;
- Avis du Comité de rédaction : 05 juillet 2015 ;
- Séminaire (pour ceux qui résident au Cameroun) : du 15 au 30 juillet 2015 ;
- Réception des articles rédigés : 15 septembre 2015 ;
- Renvoi des articles retenus aux auteurs pour correction : 30 septembre 2015 ;
-Réception des articles corrigés ; 15 octobre 2015 ;
-Publication de la revue : fin décembre 2015.
Actualité
Appels à contributions
Publié le par Vincent Ferré (Source : Désiré ATANGANA KOUNA)