Revue
Nouvelle parution
Tangence, no 84 (été 2007) - Postures et impostures de l’individualisme humaniste

Tangence, no 84 (été 2007) - Postures et impostures de l’individualisme humaniste

Publié le par Gabriel Marcoux-Chabot (Source : Érudit)

Publiée par le Département de lettres de l'Université du Québec àRimouski (UQAR) et le Département de français de l'Université du Québecà Trois-Rivières (UQTR), la revue Tangence peut se prévaloir d'une riche tradition intellectuelle qui remonte à plus de vingt ans. D'abord connue sous le nom d'Urgencesde 1981 à 1991, puis sous le nom actuel depuis 1992 (n° 35), la revue afait paraître à partir de 1987 plus de quarante dossiers issus detravaux de recherche provenant des horizons les plus divers.

Comme son nom l'indique, Tangenceprend pour objet les relations qu'entretient la littérature avec lesautres arts, la philosophie et les sciences, de manière à fédérer lessavoirs au sein d'une réflexion commune. Libre de toute formed'affiliation à une école, la revue a pour ambition de servir de lieude convergence entre des domaines d'investigation trop souventdissociés en favorisant la polyvalence des thèmes et des problématiquesqu'elle interroge.

No 84 (été 2007) - Postures et impostures de l'individualisme humaniste
Sous la direction de Luc Vaillancourt

Luc Vaillancourt
Liminaire

Claude La Charité
Marguerite de Navarre et la lettre de confession
Marguerite de Navarre, à l'époque où elle n'est encore que duchessed'Alençon, a entretenu une correspondance nourrie et suivie, de 1521à 1524, avec son confesseur de l'époque, Guillaume Briçonnet. Cetarticle étudie la persona del'épistolière dans cet échange de lettres où, contre toute attente,puisqu'à la même époque Érasme théorise pour la première fois le genrede la lettre familière dans son De conscribendis epistolis(1522), on ne trouve rien de proprement subjectif au sens moderne duterme. En réalité, ces lettres de confession se situent aux antipodesde ce qu'un certain anticléricalisme aimerait imaginer comme étant lessecrets inavouables du confessionnal. En fait, conformément à laphilosophie augustinienne dont elle est fortement imprégnée, la futurereine de Navarre cherche plutôt à abolir sa propre subjectivité dans lavolonté divine. La correspondance avec Guillaume Briçonnet se placetout entière dans le sillage de l'autobiographie augustinienne, dont lavisée ne serait pas tant la déclinaison du « moi » qu'un effort tenduvers sa pure et simple négation, voire sa dissolution dans un « je »universel, celui des psaumes bibliques.

Jean-Philippe Beaulieu
Lettre defemme, voix d'homme ? Jeux identitaires et effets de travestissementdans la treizième épître familière d'Hélisenne de Crenne
La dernière des treize lettres familières qui forment le premier volet des Epistres familieres et invectives(1539) reste à ce jour la missive la plus difficile à interpréter durecueil d'Hélisenne de Crenne. Son caractère cryptique, la voixmasculine qu'y fait entendre l'épistolière et la présence d'allusionsamoureuses assurent un caractère singulier à ce texte dont lefonctionnement peut se comprendre — c'est l'hypothèse que propose cetarticle — comme le résultat d'un travestissement identitaire (une femmes'y exprime à la manière d'un homme), doublé d'un travestissementgénérique (la lettre familière cache une lettre d'amour). L'expressiondirecte du désir amoureux ne semble possible, dans le recueil, que parce jeu de travestissements où la rhétorique masque et dévoile tout à lafois, en établissant entre épistolière et destinataire une familiaritéaffective dont l'existence ne peut être révélée au lecteur que sur lemode du simulacre.

Luc Vaillancourt
Le Premier livre de Gaspar de Saillans : correspondance familière, livre de famille ou bréviaire ?
Le statut générique du Premier livre deGaspar de Saillans est problématique. Il s'agit à première vue d'unecorrespondance familière, assortie d'une narration détaillée descirconstances entourant le mariage de l'auteur et intégrant lesmissives échangées avec la famille pour l'occasion. La publication deces lettres trouverait sa justification dans la volonté de laisser auxmembres de la famille un ouvrage commémoratif, mais l'ajout d'un long Discours de l'Auteur donnant les moyens de maintenir paix et concorde en mariageinvite à classer l'oeuvre dans la catégorie des livres de dévotion oudu bréviaire à prétention morale. La présente étude se propose derésoudre les contradictions apparentes dans la finalité annoncée del'oeuvre en examinant les différentes étapes de son élaboration enregard des codes et usages de la rhétorique épistolaire de l'époque.

Mawy Bouchard
Pour une philosophie « illustre ». L'honnesteté cardinale des Essais de Montaigne
Dans le présent article, l'auteure s'interroge sur la stratégie rhétorique à l'oeuvre dans les Essais,une stratégie que l'histoire littéraire passe souvent sous silence,tant cette idée selon laquelle Montaigne chercherait à valider sonidentité de gentilhomme est bien implantée dans la critique. On proposeici que, dans les Essais, la personaaristocratique relève plutôt d'une démarche rhétorique très cohérentevisant à susciter l'identification du lecteur noble avec l'auteurs'exprimant au « je » et grâce à laquelle l'étude philosophiquen'apparaît plus comme l'apanage du bourgeois « à longue robe ».

HORS DOSSIER 

Katri Suhonen
De l'humour noir au rire jaune : les mécanismes textuels de l'ironie chez Marie-Claire Blais et Rosa Liksom
L'article propose une étude des mécanismes textuels de l'ironie dans Une saison dans la vie d'Emmanuel, roman de l'auteure québécoise Marie-Claire Blais (1965) et dans le recueil de nouvelles Noirs paradisde sa consoeur finlandaise Rosa Liksom (1989). L'écriture ironique arecours à deux procédés linguistiques : sémantique (antiphrase,antonymie, isotopie, polysémie) qui tire son essence du cotexte, etpragmatique (pacte de lecture, polyphonie, significations implicites)qui est dépendant du contexte. C'est surtout la dimension pragmatiquede l'ironie qui fait que l'humour noir se mute en rire jaune, prenantpour cible les préjugés que partage le lecteur. L'omniprésence del'absurde transforme les récits du sérieux au comique et le rire peu« politiquement correct » fait que le comique, parallèlement, devientcritique.