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Surmarionnettes et mannequins : Craig, Kantor et leurs héritages contemporains

Surmarionnettes et mannequins : Craig, Kantor et leurs héritages contemporains

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Carole Guidicelli)

Colloque international

organisé par

l'Institut International de la Marionnette

en partenariat avec l'équipe d'accueil « Textes et culture » (EA 4208)

de l'Université d'Artois

SURMARIONNETTESET MANNEQUINS :

Craig, Kantoret leurs héritages contemporains

Institut International de la Marionnette

Charleville-Mézières, 15-17 mars 2012

Responsables :Lucile Bodson, Didier Plassard.

Comité de pilotage :Nathalie Beaufranc, Lucile Bodson, Marion Chénetier-Alev,Marc Duvillier, Amos Fergombé, Carole Guidicelli, Didier Plassard.

Comité scientifique : Maria Ines Aliverti, Monique Borie, Marion Chénetier-Alev, Matthew Isaac Cohen, Marc Duvillier,Brunella Eruli, Amos Fergombé, Michal Kobialka, Didier Plassard,Bérangère Vantusso, Gisèle Vienne.

Dans une page longtemps restée absente de la traductionfrançaise de son manifeste L'Acteur et laSurmarionnette, Edward Gordon Craig écrivait en 1907 :

[...] je pense que mon but sera plutôtde saisir quelque lointain éclat de cet esprit que nous appelons la Mort – de ramenerde belles choses du monde imaginaire ; on dit qu'elles sont froides, ceschoses mortes, je ne sais pas – elles semblent souvent plus chaudes et plusvivantes que ce qui s'affiche aux couleurs de la vie.

C'est pour donner à voir, sur la scène, « cette viemystérieuse, joyeuse et superbement aboutie que l'on appelle la Mort[1] »qu'il propose de remplacer le comédien de chair et d'os par son doubleartificiel, la Surmarionnette, afin que l'art du théâtre commence de serapprocher de sa splendeur originelle, perdue le jour où des actrices vivantescherchèrent à imiter les figures animées des temples.

Près de soixante-dix ans plus tard, dans son propremanifeste du Théâtre de la mort,Tadeusz Kantor, entreprenant de renverser le mythe craiguien de la naissance del'acteur, fait de ce dernier un être « habité par la mort » :« Les moyens et l'art de cet homme, l'ACTEUR [...], se rattachaient aussià la MORT, à sa tragique et horrifique beauté.[2] »Le mannequin en compagnie duquel il fait entrer l'acteur vivant sur la scène apour première fonction de nous rappeler que le théâtre prend sa source dans lesterritoires de la mort.

Il est étrange que deux des plus fortes affirmations de lascène théâtrale comme espace de création artistique, l'une antérieure, l'autrepostérieure aux traumatismes de la première moitié du XXe siècle,associent aussi étroitement le théâtre à l'image de la mort et soulignent labeauté, l'expressivité de celle-ci. Et, plus encore, que le mouvement même decette affirmation conduise l'homme de théâtre anglais aussi bien que le metteuren scène polonais à jouer sur le plateau du pouvoir de fascination qu'exercentles figures du double : idole précieuse, venue de l'Inde ou de l'Égypteanciennes pour le premier, simulacre dégradé, pauvre, terrible et presqueblasphématoire, pour le second.

L'Institut International de la Marionnette se propose aujourd'huide reprendre ces questions, à la lumière des recherches les plus récentes, pourmieux comprendre les rapports qu'entretient l'art du théâtre avec ces deuxextrêmes de la marionnette, la Surmarionnette et le mannequin. Outre les échosqu'elles rencontrent dans la création contemporaine, une double actualitéinvite en effet à ressaisir ces interrogations :

- la première édition intégrale bilingue du Théâtre des fous, cycle de pièces pourmarionnettes écrites par Edward Gordon Craig pendant la Première guerremondiale, à partir des manuscrits conservés par l'Institut International de laMarionnette (parution : début 2012) ;

- le film documentaire 1+ 1 = 0 (Une très courte leçon) de Stéphane Nota et Marie Vayssière, àpartir des documents audio-visuels réalisés lors du stage dirigé par TadeuszKantor, dans ce même Institut, pendant l'été 1988 (sortie : automne 2011).

Dans cette perspective, le colloque international Surmarionnettes et mannequins : Craig, Kantor etleurs héritages contemporains, organisé à Charleville-Mézières les 15-17 mars 2012,réunira chercheurs et artistes pour réfléchir aux différentes configurationsesthétiques et symboliques par lesquelles la scène théâtrale, convoquant leseffigies de l'humain (marionnettes, masques, mannequins, robots, etc.),redessine les relations entre la mort et la vie.

Trois axesseront abordés :

1)Surmarionnette et marionnette : Il s'agira de questionner les propositions de Craigtout en les confrontant à celles de Kantor et aux approches de la marionnetteformulées par les avant-gardes théâtrales (par exemple chez Schlemmer). Lemetteur en scène anglais n'a pas seulement lancé au théâtre, avec l'idée deSurmarionnette, l'une des plus grandes provocations et l'un des plus grandsdéfis de son histoire, il s'est aussi passionné pour les marionnettestraditionnelles d'Europe ou d'Asie dont il a constitué une collectionpersonnelle, pour leur techniques de construction et de manipulation, et il arêvé de composer, entre 1916 et 1918, un cycle de 365 pièces pour marionnettes,le Théâtre des fous. À l'utopie de Craig, l'artiste polonais TadeuszKantor, dont l'oeuvre se nourrit du symbolisme de Maeterlinck et du fantastiqued'E.T.A. Hoffmann, oppose une figure issue dece qu'il nomme le « truchement d'une créature aux fallacieux aspects de lavie ». Ces démarches pourraient être mises en regard des approchesscéniques contemporaines, envisagées comme le lieu d'élaboration d'uninterprète artificiel et d'un dépassement de l'acteur.

2) Le réel et les simulacres : Dans leurs pratiques et leursoeuvres théoriques, Craig et Kantor n'ont cessé de confronter le réel à sessimulacres, l'être vivant à l'objet ou à la matière, jouant ainsi de toutes lesinteractions possibles entre leurs qualités et leurs espaces respectifs. Onpourrait s'interroger sur les définitions de la réalité convoquées dans cescréations ou leurs prolongements contemporains (les « oeuvres performatives »).Comment cette réalité renvoie-t-elle à une certaine conception de la présenceet de l'incarnation – par exemple, chezKantor, celle de la mort imprégnant le visage humain, « l'image del'homme, criarde, tragiquement clownesque » ?

3) Spectres, effigies, ombres et figures de la mort etdu vivant : Nombreux sont les artistes qui font de la créationthéâtrale, aujourd'hui, l'espace d'une rencontre avec un au-delà ou un en-deçàdu vivant, soit dans le prolongement des questionnements ouverts par Craig etKantor (mais aussi Jarry ou Maeterlinck), soit en frayant de nouveaux chemins.Comment percevoir « par-delà le voile de la Mort » (Craig), desfigures hybrides et troublantes, des simulacres électroniques révélateurs de« l'invisible », des effigies - mannequins « marqués du sceau deLA MORT » pouvant, comme chez Kantor, incarner et transmettre un ailleurs,« un profond sentiment de la mort et de la condition desmorts – un modèle pour l'ACTEUR VIVANT »[3] ?

Lespropositions de communication (en français ou en anglais), accompagnées d'unenotice biobibliographique, sont à adresser avant le 30 juin 2011 à :

- DidierPlassard, professeur, université Paul Valéry – Montpellier 3 : didier.plassard@univ-montp3.fr

- CaroleGuidicelli, chargée d'études et de développement, Institut International de laMarionnette, Charleville-Mézières : mission.institut@marionnette.com


[1] Edward Gordon Craig, « L'Acteur etla Surmarionnette », in Didier Plassard (dir.), Les Mains de lumière, Institut International de la Marionnette, 2004,p. 223.

[2] Tadeusz Kantor, « Le théâtre de lamort » (1975), in Denis Bablet (dir.), LeThéâtre de la mort, L'Age d'homme, 1977, p. 223.

[3] Tadeusz Kantor,« Le théâtre de la mort » (1975), in Denis Bablet (dir.), Le Théâtre de la mort, L'Age d'homme,1977, p.221.