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Appels à contributions
Sur la paroi nocturne. L'art pariétal dans les littératures des XXe et XXIe s. (Elseneur, n° 33)

Sur la paroi nocturne. L'art pariétal dans les littératures des XXe et XXIe s. (Elseneur, n° 33)

Publié le par Marc Escola (Source : Anne Gourio)

Appel à contribution, Elseneur n°33, Presses Universitaires de Caen.

 

Sur la paroi nocturne.

L’art pariétal dans les littératures des XXe et XXIe siècles

 

« Ils peignirent là où le soleil n’entrait pas. Ils confièrent les premières images à des lieux-nuits. » (A. Leroi-Gourhan)

 

« Cerfs, vous avez franchi l’espace millénaire,

Des ténèbres du roc aux caresses de l’air. » (R. Char)

 

Dans la vallée de la Vézère au cœur du Périgord noir surgit en septembre 1940 un passé d’avant l’Histoire ; des images venues de l’aube des temps affleurent au regard de quatre adolescents. Le « miracle de Lascaux » (Bataille) est alors à l’origine d’un éblouissement, dont le sillage se propage dans les littératures de la seconde moitié du XXe et du début du XXIe siècle (R. Char, M. Duras, P. Quignard, L. Gaspar, E. Chevillard, P. Michon…). Le moment est décisif. Si les premières découvertes majeures sur la Préhistoire datent d’un XIXe siècle dont elles tempèrent la foi dans le progrès, si elles fascinent les courants artistiques du début du XXe siècle attirés par le primitivisme, elles ne prennent toute leur ampleur qu’après la Seconde Guerre mondiale. Cet « appel muet venant du fond des âges » (J.C. Bailly) éclot en ces années mêmes qui voient l’Histoire mise à l’épreuve et le visage de l’humanité vaciller. C’est à cet âge pariétal de la littérature que la revue Elseneur entend consacrer son prochain numéro.

-          On pourra réfléchir à la façon dont la littérature se confronte à un abîme de significations. Car si les images s’imposent à nous, leur sens en est perdu, seules les hypothèses sont permises. On sait qu’a longtemps prévalu la thèse d’une signification propitiatoire des peintures animalières : dotées d’une valeur magique, celles-ci devaient détourner les dangers de la chasse et garantir la possession de la proie. Ernst Gombrich (Histoire de l’art, 1950) soutient en cela qu’elles auraient une signification utilitaire. Face à « la figuration inutile de ces signes qui séduisent, qui naissent de l’émotion et s’adressent à elle », Georges Bataille entend au contraire faire valoir les ressources de l’énigme et de l’ambiguïté. En quoi cette « révélation de l’inattendu », ce « hors-limite », cet « inespéré » agissent-ils alors comme de puissants aiguillons de l’inspiration ? Quelles sont les expériences phénoménologiques (ébranlement, éblouissement, émerveillement, effroi) en résultant et comment l’œuvre littéraire en rend-elle compte ?

-          Le vertige temporel s’impose lui aussi à l’interrogation. Cette parole aurorale, matinale, alimente certes une passion pour l’aube de l’Humanité et sa puissance fondatrice. Mais elle est aussi à l’origine d’un ébranlement radical de l’approche historique et de la capacité à se représenter le temps.  Les progrès de la datation ouvrent paradoxalement sur un « hors-mesure » échappant à l’entendement. Cet « avant de l’avant » (R. Char), ce « jadis informe, indéfini, infini, immense » (P. Quignard) remodèlent alors fondamentalement le rapport de la littérature au passé et imposent de nouvelles voies créatrices. Ce sont donc à la fois les modes d’appropriation de ce temps démesuré et ses effets littéraires que l’on est invité à considérer.

-          « Le miracle de Lascaux » soumet ensuite l’Histoire de l’art à la question, en interrogeant à la fois son origine et son évolution. Et les rêveries d’éclore aussitôt. Rêveries autour du tracé premier au fond de la grotte obscure ; rêveries autour de la paroi, support et condition de possibilité de l’image mais aussi écran de projection du désir ; rêveries autour des « mains négatives », ces toutes premières signatures de l’artiste… La sidération naît par ailleurs de la perfection formelle des toutes premières représentations, de la sûreté du geste, et du bouleversement qu’ils suscitent pour l’historien de l’art. Comment la littérature se saisit-elle de ce paradoxe ? Peut-elle y répondre ?

-          Si les peintures pariétales exercent enfin une fascination indéniable sur les artistes des dernières décennies, c’est parce que ceux-ci, suspicieux à l’égard des certitudes humanistes, interrogent avec passion et effroi la frontière entre animalité et humanité. On sait que les représentations humaines sont rares et atypiques : « l’homme du fond du puits » (Lascaux) a suscité une aimantation du regard en raison de son caractère non-mimétique, tranchant sur ce point avec les figures animales. Quelle forme d’interdit frapperait donc la représentation humaine ? A contrario, quelle force est puisée dans la sauvagerie animale ? Quelle influence cette « étrangeté inhumaine » exerce-t-elle décisivement sur la littérature ?

Toutes les perspectives critiques sont les bienvenues, tous les genres sont accueillis. Les articles pourront rendre compte de ce qui se figure sans mot par des analyses de textes ou d’images, des essais artistiques valorisant cette influence, ou par tout autre forme librement inspirée, à l’exclusion cependant des analyses mystiques de ces traces.

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Comité de rédaction :

Julie Anselmini, Franck Bauer, Marie-Hélène Boblet, Jean-François Castille, Brigitte Diaz, Danièle Duport, Anne Gourio, Marie Hartmann, Pierre Hennequin, Laure Himy, Marie-Gabrielle Lallemand, Didier Lechat, Claire Lechevalier, Yinsu Vizcarra, Francine Wild, Julie Wolkenstein.

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Les propositions d’article (1000 signes environ) accompagnées d’une brève notice biographique sont à envoyer avant le 31 janvier 2018 à Anne Gourio (anne.gourio@unicaen.fr) et Marie Hartmann (marie.hartmann@unicaen.fr).

Remise des articles (entre 30 000 et 35 000 signes) pour le 15 juin 2018.