Agenda
Événements & colloques
Sur la genèse de Faits de M. Cohen

Sur la genèse de Faits de M. Cohen

Publié le par François Lermigeaux

  Genèses : récit dauteur/récit de critique 

Séminaire général de l'ITEM/CNRS

Coordination : Michel Contat

18 novembre 2002

Marcel Cohen/Beate Bengard : sur la genèse de Faits de M. Cohen

17h - 19h30, salle des Actes, ENS, 45, rue d'Ulm

 

Faits de Marcel Cohen - le témoignage d'un écrivain

 

Faits. Lecture courante à l'usage des grands débutants, le dernier livre de Marcel Cohen, a été publié en janvier 2002 aux Editions Gallimard. Il contient 123 récits qui ouvrent une perspective sur des événements se révélant comme faits malgré les doutes sur leur crédibilité qu'ils évoquent chez le lecteur. A cela s'ajoute la présence d'un témoin qui est inscrit dans le cadre narratif de presque tous les récits. Le lecteur devient conscient du caractère exceptionnel des événements racontés par la confusion de ce témoin.

Un autre phénomène fait preuve de la veracité des événements racontés : à la fin de l'ouvrage, une liste de références indique les livres et les émissions radiophoniques ou télévisées ayant servi de source à l'écrivain pour la rédaction de tel ou tel récit. Par conséquent, le texte prend un statut ambigu entre fiction et documentation.

Etant donné la connaissance des références non-fictionnelles, la reconstruction de la genèse textuelle suit une trajectoire tout particulière. La volonté de retrouver le lien logique entre les sujets des récits apparemment sans rapport, s'ajoute au bonheur de pouvoir isoler nombre de sources extérieures du projet littéraire. Bien qu'en parlant de la genèse du même texte, une différence entre le point de vue de l'auteur et celui de la généticienne se fait remarquer. Marcel Cohen se considère comme témoin qui s'abstient de toute synthèse en rapportant les faits. En contredisant cette impartialité, le point de vue génétique suppose plutôt la sélection très consciente des sources et leur adaptation à un projet littéraire qui a un rapport à la biographie de l'auteur. De ce fait, il importe moins de faire état des sources consultées et de les mentionner d'une manière exhaustive, que dinterroger leurs modifications au cours de la transposition littéraire. Apparemment, les conditions de la réception d'une source, notamment d'un document audiovisuel, produisent des transformations dans l'adaptation littéraire et font resurgir l'interprétation de l'auteur qui transmet plutôt son souvenir que le message originel.

Avant de devenir le rapporteur des faits, l'écrivain était lui-même à la place du témoin étonné. L'analyse matérielle de différents états du manuscrit montre les stratégies de Marcel Cohen pour retenir dans ses carnets de travail les découvertes qu'il faisait dans son environnement.

La séance du 18 novembre n'est d'ailleurs pas la première occasion pour faire la comparaison entre les différents récits de la genèse de Faits. Il y a eu des échanges sur le processus rédactionnel dès le moment où Marcel Cohen m'a confié son manuscrit pour l'étude génétique. La connaissance de la contiguïté de deux récits de genèse a influencé profondément les résultats du travail dont certaines hypothèses découlent directement des entretiens que j'ai menés avec l'écrivain.

Par des exemples concrets pris dans le manuscrit, je montrerai dans mon exposé la complexité de la genèse de Faits. L'adaptation d'une source est un processus créatif, plus que le style documentaire des récits le fait supposer. Dans l'état final de presque chaque récit, le personnage du narrateur implicite peut être caractérisé dans la formule: Je suis ce que je perçois. Bien entendu, ce principe comprend un double fonctionnement qui veut que le témoignage du narrateur ne reste pas sans conséquences pour le lecteur.

Finalement, il faut s'intéresser à l'affinité de l'écrivain pour telle ou telle source. La coïncidence entre le texte de référence et un élément biographique compte parmi les phénomènes intertextuels ou il est connu sous le terme "autobiographème".

Pour des raisons biographiques qui touchent plutôt une identité collective que son vécu personnel en tant que survivant de l'holocauste, Marcel Cohen s'oppose à toute idéologie visant les avantages économiques au détriment de l'individu. Dans la situation actuelle, un regard attentif est nécessaire pour dégager au quotidien les exemples défendant l'individualisme. Dans ses récits, Marcel Cohen se fait l'avocat de telles voix d'exception en transmettant leur témoignage.

 

Beate Bengard

 

Marcel Cohen, Faits. Lecture courante à l'usage des grands débutants, Paris, Gallimard 2002

 

 

 

Rappel pour les deux séances suivantes :

 

9 décembre 2002 (17h 19h30)

Annie Angremy : Le cas Roussel : impressions dauteur

13 janvier 2003 (16h 18h)

William Marx : Les récits de création chez Valéry : génétique ou poïetique?