Actualité
Appels à contributions
Stigmatiser : normes sociales et pratiques médiatiques 

Stigmatiser : normes sociales et pratiques médiatiques

Publié le par Université de Lausanne (Source : Maëlle Bazin Giuseppina Sapio)

Stigmatiser : normes sociales et pratiques médiatiques 

Appel à contribution

Argumentaire

Stigmatiser, c’est nommer et désigner une différence, en activant un ensemble de croyances et de représentations. Le stigmate, intimement lié à un cadre normatif de référence, est soumis à un régime de stéréotypie et de préjugés.
Une rhétorique de la méfiance dessine les contours d’une communauté qui veut se protéger d’un autre que soi-même : le malade, l’illettré, l’étranger, le pauvre. Les institutions comme leurs représentants peuvent aussi être stigmatisés : la police, la justice, l’État, l’armée. Au sein d’une telle rhétorique, la force normative des imaginaires sociaux naturalise et cristallise des visions sociales, politiques et culturelles du monde. À partir des travaux d’Erving Goffman (Asiles, 1968 ; La mise en scène de la vie quotidienne, 1973 ; Stigmate, 1975), nous souhaitons proposer une lecture sémiotique et pragmatique de la stigmatisation.

La stigmatisation est un processus qui résulte de trois dimensions concomitantes : une indication, une signification et une consigne pour l’action. L’indication consiste à pointer du doigt le sujet ou l’objet qui porte le stigmate, tandis que la signification revient à exprimer une dépréciation qui vise une assignation. Enfin, la stigmatisation implique la formulation d’une consigne ayant pour but de déclencher et de légitimer des attitudes et des comportements envers la communauté stigmatisée. Le stigmate n’existe donc pas en soi, mais relève d’une construction de sens liée à un contexte de production et de réception. L’Autre est réifié et apparait comme une surface de projection des craintes, des fantasmes, des frustrations d’une communauté donnée. La stigmatisation concerne alors les sujets porteurs de l’attribut discriminant et les situations sociales vécues par ces derniers. Comme René Girard le précise, « ce n’est pas dans le domaine physique seulement qu’il peut y avoir anormalité. C’est dans tous les domaines de l’existence et du comportement. Et c’est dans tous les domaines, également, que l’anormalité peut servir de critère préférentiel dans la sélection des persécutés. Il y a, par exemple, une anormalité sociale ; c’est la moyenne ici qui définit la norme ».

Cette sémiotique du stigmate doit également prendre en compte les pratiques médiatiques opérant une resignification. Dans ce cas, il ne s’agira plus seulement d’étudier des processus de victimisation et de rejet, fondés sur une consigne d’évitement, mais d’analyser également les réappropriations du stigmate qui impliquent une revendication identitaire des stigmatisés. D’après la définition de Marie-Anne Paveau, la resignification (reclaim) consiste à « reprendre à son compte une (dé)nomination insultante pour en faire un étendard d’identité ou de fierté, dans une visée d’éthique du discours ». Une telle formulation fait écho à ce que Judith Butler écrivait dans Le pouvoir des mots, lorsqu’elle précisait que « recevoir un nom injurieux nous porte atteinte et nous humilie. Mais ce nom recèle par ailleurs une autre possibilité : recevoir un nom, c’est aussi recevoir la possibilité d’exister socialement […]. Ainsi, une adresse injurieuse peut sembler figer ou paralyser la personne hélée, mais elle peut aussi produire une réponse inattendue et habilitante ».

Dans ces perspectives, nous nous intéressons à la production, la circulation et la réception de la stigmatisation au sein des arènes médiatiques. Dans quelle mesure les médias construisent, supportent et véhiculent-ils un champ sémantique et/ou une iconographie de la stigmatisation ? Comment représente-t-on l’Autre ? Emploie-t-on des métaphores (visuelles ou écrites) pour dire l’altérité ? Que se passe-t-il quand le stigmate est retourné contre son auteur ?
                        
Nous sollicitons l’envoi de propositions qui analysent des productions médiatiques concernant des communautés stigmatisées en raison de leur apparence, de leur genre, de leur appartenance sociale, culturelle ou religieuse (à travers la presse, la télévision, les réseaux sociaux, etc.) ; mais également des études de cas autour de la resignification. À titre d’exemple, nous pouvons évoquer l’association « Ni Putes Ni Soumises » ; les publicités valorisant des sujets hors-normes ; les stigmates graphiques (le mouvement des « triples parenthèses ») ; le projet pour les victimes de violences domestiques (« Unbreakable ») ; ainsi que les campagnes de sensibilisation sur les dégradations environnementales (les stigmates seraient alors désignés comme les « blessures » que l’Homme inflige à la Terre) et sur les comportements de sur-consommation. La stigmatisation, et sa resignification, supposent donc la création et la transformation des normes et des liens sociaux, et conduisent à la polarisation d’une société. De ce point de vue, le numérique reconfigure sans cesse les frontières entre des communautés opposées.

Les deux journées d’études que nous engageons ici s’inscrivent dans le cadre des activités du laboratoire Carism (Centre d’Analyse et de Recherche Interdisciplinaires sur les Médias) de l’Institut Français de Presse (Université Panthéon-Assas – Paris 2).
Elles sont ouvertes à tous les travaux qui observent les langages de la stigmatisation dans les médias d’information et de communication, et dans les arènes numériques. Stigmatiser est un acte de langage et, à ce titre, il intéresse la sémiotique, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire, et toute démarche interdisciplinaire à même d’apporter un éclairage sur les conditions de production et de réception ainsi que les stratégies de circulation de la stigmatisation.

Parmi les thématiques :

  • Stigmatisation et débat public
  • Énonciation et pragmatique de la stigmatisation
  • Auteurs et autorité de la stigmatisation
  • Religion, classe, race, genre : discriminations et résistances
  • Sublimation et métaphorisation du stigmate
  • Mise en scène du stigmate : art et communication
  • Réseaux sociaux et communautés en ligne
  • La pratique médiatique face au stigmate : dispositions juridiques et déontologiques

Modalités de soumission
Les propositions de communication, en français, sont à envoyer conjointement aux coordinatrices de ces journées d’études : Maëlle Bazin et Giuseppina Sapio, à l’adresse: stigmatiser2017@gmail.com

Elles comporteront : le titre de la communication, un résumé de 500 mots (maximum), une bibliographie indicative, cinq mots clefs et une courte note bio-bibliographique (150 mots maximum).
La date limite de soumission des propositions est fixée au 15 janvier 2017.
Les notifications d’acceptation seront transmises début mars 2017.

Calendrier
Date limite pour l’envoi des propositions : 15 janvier 2017
Retour aux participants : début mars
Dates des journées d’études : 17 et 18 mai 2017 (Centre Vaugirard, 391 rue de Vaugirard 75015 Paris, salle des conférences)

Comité scientifique
Lucie Alexis
Camila Areas
Maëlle Bazin
Nataly Botero
Guillaume Camprendon
Flore Di Sciullo
Frédéric Lambert
Salomé Jill Peigney
Giuseppina Sapio