Essai
Nouvelle parution
F. Quillet (dir.), Des Formations pour la scène mondiale aujourd'hui

F. Quillet (dir.), Des Formations pour la scène mondiale aujourd'hui

Publié le par Université de Lausanne (Source : Françoise QUILLET QUILLET Françoise)

Françoise Quillet (dir.), Des Formations pour la scène mondiale aujourd'hui

Paris, L'Harmattan, coll. Univers théâtral, juillet 2016, 232 p. 

EAN13 : 9782343098753

24,50 E

PREFACE

Conçu au sein du CIRRAS, Centre International de Réflexion et de Recherche sur les Arts du Spectacle, Des formations pour la scène mondiale aujourd’hui est le deuxième volume d’une série consacrée au spectacle vivant à travers le monde. Il est une suite au précédent ouvrage, La Scène mondiale aujourd’hui, Des formes en mouvement.

Quelles écoles, quelles universités, quels enseignements de maître à élève existent aujourd’hui dans les différents espaces géographiques de notre planète ? Quels principes inspirent les formateurs d’un univers culturel à l’autre ? Entre tendances « dictatoriales »  et esprits libres, cet ouvrage offre une grande variété de points de départs.

Cet ouvrage n’est pas une analyse statistique exhaustive des formations existantes, ceci est affaire de spécialistes. Nous avons voulu rendre compte, sous des angles multiples, d’une activité qui ne cesse d’évoluer. En nous limitant à la période contemporaine, nous avons choisi de nous faire l’écho aussi bien de formations dites « traditionnelles » comme celle du Bunraku–za à Osaka ou du Topeng à Bali que de formations dites « émergeantes », comme celle de l’Escuela nacional de teatro à Santa Cruz, de formations institutionnelles et non institutionnelles comme celle des maîtres marionnettistes du Wayang Kulit sur l’île de Java, ou même d’ateliers à la Caraïbe.

 Au-delà de la diversité offerte, il s’agit, en effet, d’examiner le but que s’assignent les formations existantes mais aussi et surtout de réfléchir sur la manière de concevoir de nouvelles formations. La question, posée en ces pages, est une question simple et essentielle : quels arts du spectacle pour demain ?

Nombreux sont, comme dans le précédent ouvrage, les contributeurs étrangers. Nous en retrouvons certains qui avaient collaboré à l’ouvrage précédent. La recherche s’approfondit donc et montre sa pertinence. Tous les articles sont en français, nous en remercions les auteurs. Comme dans l’ouvrage précédent, nous avons opté pour une présentation alphabétique des continents et pays.

Ce sont les formations sur le continent américain dont il est d’abord question. Muriel Roland, actrice, metteuse en scène, auteure à la compagnie SouroS depuis 1990, doctorante à Paris 8, nous présente la création de l’Escuela nacional de teatro à Santa Cruz qui existe depuis onze années. Cette école, dont le programme est largement analysé, a contribué au développement du théâtre bolivien. Son but est que les gens de théâtre se mobilisent pour faire prendre conscience aux autorités et à la société de l’importance du théâtre dans le pays. Ce n’est pas d’une école mais d’ateliers dont nous parle Giuseppe Sofo, traducteur, chercheur en littératures et cultures anglophones, et francophones de la Caraïbe. A travers l’exemple de deux ateliers, Giuseppe Sofo analyse les questions soulevées par la notion de « théâtre en éducation » caribéen. Le théâtre en éducation, né en Angleterre, fortement influencé par le théâtre de l’opprimé et le théâtre forum d’Augusto Boal, pose, en effet, une question fondamentale, celle de créer les conditions pour éveiller l’intérêt et l’esprit critique des enfants et des publics et les aider à devenir des sujets actifs, des acteurs de théâtre, certes, mais aussi et avant tout des acteurs de leur propre vie.

            A travers cette présentation de deux expériences fondamentales voire fondatrices d’une certaine manière de concevoir le monde et l’acteur en tant que créateur d’art et d’humanité,  nous comprenons l’importance à donner à ces démarches qui visent à faire du théâtre un élément essentiel de culture.  

           Lorsqu’on aborde le continent asiatique, les questionnements portent d’une part sur la valeur et l’importance que l’on doit accorder aujourd’hui à la transmission traditionnelle, d’autre part sur les formations contemporaines institutionnelles qui s’ouvrent aux différentes problématiques de notre époque. Frédéric Tellier, acteur, metteur en scène, directeur du Théâtre du Lin, nous présente l’apprentissage balinais du topeng, théâtre dansé et masqué. Aujourd’hui, il s’agit d’un double apprentissage, d'une transmission traditionnelle, directe, de personne à personne, dans un cadre souvent domestique et rural et d’une transmission académique à l'université de Denpasar. Non loin de Bali, sur l’île de Java,  plus particulièrement à Yogyakarta, c’est un autre apprentissage qui nous est présenté par Charline Bataillard,  doctorante à l’université de Franche-Comté. Il s’agit de l’apprentissage des maîtres marionnettistes du Wayang Kulit. Charline Bataillard prend  en compte, elle aussi, les formations institutionnelles et non institutionnelles en insistant sur la transmission essentielle, celle de génération en génération. C’est également une méthode traditionnelle d’apprentissage qu’étudie Lise Guiot, Docteur en arts du spectacle de l’université Montpellier III en nous présentant la formation au Bunraku-za à Osaka. Cette formation grâce à des stages, à des tournées internationales, permet de régénérer une forme qui était en voie de disparition, de préserver un patrimoine artistique. Ce ne sont pas des formations traditionnelles que nous propose Marc Goldberg, auteur, traducteur, metteur en scène, directeur de Thyros à Singapour. Ce dernier évoque les trois principales écoles à Singapour destinées à former des comédiens professionnels : l’ITI, (Intercultural Theatre Institute), Lasalle (Lasalle College of the Arts), la NAFA (Nanyang Academy of Fine Arts), la plus vieille école d'art de Singapour dont l’existence remonte à 1938. Les deux écoles, La NAFA et Lasalle, toues deux financées par le ministère de l’Education, forment, avec des modalités différentes et des nuances plus ou moins subtiles, des professionnels pour un marché de l'emploi, dominé par le secteur de l'audiovisuel d'obédience anglo-saxonne tandis que l’ITI conçoit une formation véritablement interculturelle.   

Nombreux sont les ouvrages consacrés aux formations en arts du spectacle en Europe. Nous avons donc privilégié des formations que l’on évoque rarement. C’est le cas de l’École supérieure d’acteurs du Conservatoire royal de Liège que questionnent Rachel Brahy, coordinatrice scientifique à la Maison des Sciences de l’Homme de l’université de Liège et Nancy Delhalle, professeur à la même université. La devise que s’est donnée cette formation des comédiens animateurs « Une équipe, un projet, un milieu » souligne trois éléments centraux d’une approche renouvelée des pratiques théâtrales : le travail en collectif, l’engagement personnel de l’acteur dans la démarche créative avec les publics et l’inscription concrète dans le tissu social local. Cette formation des comédiens animateurs correspond à une mutation des études d’art dramatique au sein du conservatoire. Les enseignements traditionnels, fondés sur les arts de la parole, perdent leur suprématie et se fondent dans un projet pédagogique renouvelé. Grâce à l’article de Paola Ranzini, professeur en arts du spectacle à l’université d’Avignon nous découvrons une formation du comédien qui se fait au sein même d’un travail sur le plateau, sous la direction du metteur en scène. Cette formation, dans l’histoire récente du théâtre italien, est un élément majeur car la formation du comédien, du moins pour ce qui est de la formation donnant lieu à un diplôme, passait traditionnellement par les Accademie d’arte drammatica (correspondant aux conservatoires d’art dramatique). Suite aux accords de Bologne de 1999, leur statut a changé, les enseignements ont été convertis en cours analogues à des cours universitaires. Comme il existait également pour la formation des comédiens en Italie des écoles fondées au sein de différents théâtres, liées le plus souvent au magistero d’un grand metteur en scène, ces dernières ont pris de l’importance. Dans ces expériences, on perçoit que la frontière entre direction d’acteurs et formation est très mince, et que celle-ci comporte la transmission d’une esthétique et d’une vision du théâtre et de l’interprétation très personnelles. Paola Ranzini nous offre un entretien sur cette particularité de la formation du comédien avec l’un des metteurs en scène les plus significatifs de la scène théâtrale italienne d’aujourd’hui : Marco Martinelli du Teatro delle Albe (Ravenne). Bien qu’un tissu de tensions rende difficile, actuellement en Turquie, la formation des jeunes acteurs et la transmission des savoir-faire, Érica Letailleur, comédienne, doctorante à l’université de Nice, propose une analyse du champ de l’enseignement théâtral dans ce pays. Nous voyons, d’un côté, des professeurs engoncés dans un système universitaire et institutionnel extrêmement lourd, de l’autre, un enseignement destiné à nourrir l’industrie audiovisuelle.

Nombreux sont également les défis auxquels doivent faire face les différents types de formation au sein et en dehors du système éducatif en Nouvelle-Calédonie, comme l’analyse Peter Brown, professeur et directeur d’études françaises à l’Australian National University (Canberra), membre de l’Australien Académy of the Humanities. Afin de nous éclairer sur le contexte dans lequel évoluent ces formations, Peter Brown retrace l’histoire mouvementée de ce territoire, un pays en transition où  les domaines culturel et éducatif présentent une grande complexité. Il explore certains défis auxquels la société calédonienne doit faire face et esquisse quelques perspectives d’avenir.

Des formations dans l’adversité, le titre de l’article de Mohammed Kali, dépeint la situation dans laquelle se trouvent les formations dans différents pays arabes. Mohamed Kali, écrivain et journaliste, évoque les difficultés qu’ont rencontrées les formations en Algérie depuis la naissance du théâtre algérien jusqu’à aujourd’hui. Son article  s’inscrit dans une perspective historique. C’est à travers le regard de différents artistes que Brigitte Remer, docteur en sociologie, ancienne directrice adjointe du centre culturel français d’Alexandrie,  étudie les formations en Egypte, au Liban et en Jordanie. En Egypte, elle fait appel à deux metteurs en scène et directeurs de compagnie, Ahmed El Attar et Hassan El Geretly, au Liban à Mona Knio et Abdo Nawar et en Jordanie à Raed Asfour.  On constate alors  la difficulté de créer dans des pays sans réelle politique culturelle et pensée démocratique. Brigitte Remer rend hommage à la jeune génération de la scène théâtrale arabe pour qui la question de la formation devient un levier possible pour les changements fortement attendus. Deux expériences phares au Maroc nous sont présentées par Omar Fertat, maître de conférences en section d’études arabes à l’UFR langues et civilisation de l’université Bordeaux Montaigne. Il s’agit de l’expérience initiée par André Voisin à partir de 1952 et celle de l’ISADAC, premier institut marocain dédié à la formation théâtrale, fondé en 1987. Le rôle de l’université n’est pas oublié. Un hommage est d’ailleurs rendu à Hassan Mniaï, doyen et pionnier des  universitaires qui ont su transmettre l’amour du théâtre aux générations suivantes.

Multiples sont « les chemins de la formation », différents selon les pays, les situations économiques et sociales, les régimes politiques. Les formations, nous le savons, ne sont pas susceptibles d’une définition univoque, elles échappent à une fixation en normes codifiées aux frontières stables. La pédagogie est, en effet, souvent faite de transgressions. Cet ouvrage permet de découvrir des expériences encore peu connues qui ouvrent de nouvelles perspectives sur le rapport si problématique du théâtre et de l’éducation et portent  contribution à ce large débat.

TABLE DES MATIÈRES

Préface ............................................................................................................ 7

Françoise Quillet

AMERIQUES ET CARAÏBE

BOLIVIE ........................................................................................................... 13

L’Escuela nacional de teatro à Santa Cruz ou la naissance des métiers du théâtre en Bolivie

Muriel Roland

CARAÏBE .......................................................................................................... 33

Arts-in-Action : Le théâtre en éducation à la Caraïbe

Giuseppe Sofo

ASIE

BALI .................................................................................................................. 53

Topeng, théâtre dansé et masqué : transmission, imprégnation, mutation

Frédéric Tellier

JAVA ......................................................................................................         61

Sur les chemins des dalang

Charline Bataillard

JAPON ........................................................................................................... 73

« Ashi jûnen, hidari jûnen, kashira jument », la méthode traditionnelle d’apprentissage au Bunraku-za à Ôsaka

Lise Guiot

SINGAPOUR.................................................................................................. 85

La formation des acteurs dans un contexte postcolonial et globalisé : le cas de Singapour

Marc Goldberg

EUROPE

BELGIQUE ....................................................................................................107

Inscrire le projet artistique dans les corps et dans le corps social ?

Le cas de l’École supérieure d’acteurs du Conservatoire royal de Liège

Rachel Brahy, Nancy Delhalle 

ITALIE.............................................................................................................117

Notes sur la formation du comédien en Italie, le regista entre direction d’acteurs et formation : entretien avec Marco Martinelli, Teatro delle Albe

Paola Ranzini

TURQUIE .......................................................................................................133

La fabrique des acteurs en Turquie

Érica Letailleur

OCEANIE

NOUVELLE-CALÉDONIE .............................................................................143

La Formation théâtrale en Nouvelle-Calédonie :paradoxes, défis et opportunités

Peter Brown

PAYS ARABES

ALGÉRIE ......................................................................................................161

Théâtre algérien, une formation dans l’adversité

Mohammed Kali

ÉGYPTE, LIBAN, JORDANIE .......................................................................177

Les chemins de la formation : de l’institution aux indépendants

Brigitte Rémer

MAROC .........................................................................................................199

La formation théâtrale au Maroc : de la forêt des Chênes à l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle

Omar Fertat