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Sortir du temps : la littérature au risque du hors-temps

Sortir du temps : la littérature au risque du hors-temps

Publié le par Sophie Rabau

Séminaire organisé conjointement par le CEP (ENS LSH) et le groupe Fabula

 

 

Responsables : Sophie Rabau (Paris III-Fabula) et Henri Garric (ENS LSH).

 

ENS LSH                                                                              ENS

15, parvis Descartes                                                              29,rue d’Ulm

BP 7000                                                                                75230 Paris Cedex 05

69342 Lyon Cedex 7                                                            RER Luxembourg

Métro Debourg.

 

Entrée libre

 

On trouvera ici le texte de présentation et le programme du séminaire

Argument

Elle est retrouvée. 
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

 

 

Echapper au temps prend du temps. Cet élémentaire paradoxe rappelle qu’il n’est pas possible de d’agir, créer, penser etc. hors d’un cadre temporel, parce que le temps est le cadre de notre expérience et de notre appréhension du monde, Tout hors-temps, toute négation du temps est donc en même temps confirmation de notre condition d’être dans le temps.

Mais si de cette absence de temps  on ne peut faire l’expérience, ne peut-on pas la concevoir, l’exprimer, voire la représenter ?

Parce qu’il permet un recours à la fiction et à l’image, le texte littéraire est un des lieux privilégiés de cette expression et cette représentation des ces « achronies ». Parce que l’entreprise d’écrire peut supposer une tentative d’inscription dans une éternité ou une permanence qui transcende les limites du temps humain, parce que l’entreprise de lire et de comprendre un texte du passé suppose à la fois le constat de la distance temporelle, mais aussi la tentative de transcender cette distance, parce qu’enfin l’ordre de la bibliothèque et de la mémoire n’est pas forcément celui de la succession temporelle, mais d’une rencontre des temps qui nie le principe de succession, la considération du littéraire doit peut-être prendre en considération l’achronie de son objet tout autant que son inscription dans un ou plusieurs temps.

On partira donc de la double hypothèse que la littérature figure ou tente de figurer le hors-temps, tandis qu’il est possible de la lire ou de la penser selon des modes qui excluent ou rendent impertinentes les catégories temporelles. En d’autres termes, on se demandera s’il n’est pas possible de trouver dans les textes littéraires la représentation de cadres achroniques qui serviraient en retour à penser la littérature en faisant l’économie des catégories temporelles.

Cette hypothèse engage d’abord en son amont une enquête des pensées philosophiques du hors-temps, notamment de ce que Catherine Challier a pu nommer, à propos de Spinoza, des « pensées de l’éternité ».

Elle suppose ensuite une reconsidération de nos modes d’appréhension du littéraire, une interrogation sur le paradigme temporel et plus étroitement historique qui la fonde ; par quoi on se doit d’entreprendre une enquête sur des modes d’approches du littéraire qui ne feraient pas des catégories temporelles un paradigme dominant.

C’est enfin dans les textes littéraires eux-mêmes que l’on peut partir à la recherche d’un hors-temps : existe-t-il un imaginaire, une métaphorique et une poétique de l’achronie ? 

 

Nous tenterons de mener cette quête de l’achronie selon trois modalités principales :

 

Déreglement : le premier pas vers la négation du temps pourrait être les représentation ou les conceptions d’une temporalité déréglée : temps sans mesure ou immesurable, anachronismes et/ou paradoxes temporels sont à la fois une reconnaissance de notre condition temporelles et en même temps un tentative de fuir cette condition par un remise en cause de ce qui la fonde. Quel est exactement le rapport des pensées de l’intempestivité et de l’anachronisme (Nietzsche, Benjamin, Didi-Huberman) ou du mélange des temporalités (dans la lignée, par exemple, d’un Braudel) à l’idée d’une négation du temps : anachronisme, polychronisme sont-ils des étapes vers l’achronie et la négation du temps ou l’idée d’un temps déréglé, parce qu’elle suppose encore le temps, doit-elle être nettement distinguée de l’idée d’un hors-temps qui, au moins idéalement, place la négation du temps à son horizon ?

 

Simultanéité et répétition : parce que le temps suppose succession et irréversibilité, toute pensée  ou représentation  de la répétition, de la coexistence des contraires, de la simultanéité des moments successifs peuvent être considérés comme des négations du temps.

 

Impertinence de la catégorie temporelle : il s’agit alors de concevoir des mondes, des êtres ou des cadres où la notion de temps perd son sens, non pas des systèmes, tels que nous en enseigne la physique moderne où la notion intuitive et empirique du temps soit caduque, mais où, plus radicalement, le temps n’ait plus de place. Ainsi l’éternité, la « fin des temps » ou de l’histoire, mais aussi le concept de puissance, conçu comme réunion de tous les possibles, de l’être et du non être avant même l’entrée dans la temporalité de l’acte, peuvent-elle être envisagés comme des formes d’achronie, de non-temps ?

 

C’est à travers le prisme de ces catégories que nous interrogerons un « corpus achronique » ébauche d’une bibliothèque du hors-temps que nous tenterons progressivement de construire.

Les poétiques et écritures du montage mais aussi, bien sûr, les genres et imaginaires par nature achroniques, Science-Fiction et fictions oniriques y figureront en bonne place, pour tracer l’ébauche  d’une poétique du hors-temps.: on pense en particulier à la rencontre du métalittéraire et de la négation du temps que l’on rencontre, pour la Science Fiction, chez un Dan Simmons ou un Jasper Fforde, et pour l’écriture du rêve, chez un Tabucchi (Sogni di sogni). On pense encore à différentes mises en fiction de l’histoire littéraire qui doivent plutôt se lire comme des tentatives d’abolir fictivement le temps : c’est le cas depuis l’antiquité des « Dialogues des morts », et plus récemment d’une tendance de la métafiction, en particulier de la fiction d’auteur, à thématiser le hors-temps ou tout au moins le mélange des temps : Javier Marias (Le Dos noir du temps) mais aussi, par exemple,  Humour de Pajak et L’écrivain le plus libre de C. Guilbert qui mettent respectivement en scène les fantômes de Joyce et de Sterne, retiendront plus particulièrement notre attention. C’est aussi en se figurant hors du temps que le poète tente de l’abolir : l’écriture et la pensée de l’éternité poétique chez un Ovide, un Ronsard ou un Keats seront à considérer en ce sens. Plus largement, on relira aussi à la lumière de l’achronie un certain nombre de poétiques par ailleurs bien connues : montage, ressassement ou lenteur ne sont-ils pas d’autres moyens de dire et le désir de tuer le temps et l’impuissance à s’en défaire tout à fait ?

 

 

Programme

 

 

A Paris, les séances ont lieu de 17h à 19h (sauf la séance du 17 novembre de 18h à 19h)

A Lyon, les séances ont lieu de 16h à 19h

 

17 novembre 2005 : Henri Garric et Sophie Rabau : Séance d’introduction (ENS Ulm, salle Jules Ferry, 29, rue d’Ulm, 75005 Paris)

 

24 novembre 2005 : Henri Garric et Sophie Rabau : Séance d’introduction (ENS LSH)

 

5 janvier 2006 : Guillaume Artous-Bouvet (Université de Paris VIII) : « Les impossibilités du récit » (ENS LSH).

 

12 janvier 2006 : Laurent Dubreuil (Cornell Universtiy) : « L’histoire à l’œuvre » (ENS LSH).

 

16 février 2006 : Séance de travail (présentations d’étudiants).

 

2 mars 2006 : Henri Garric et Sophie Rabau : « Autour du temps messianique et de Giorgio Agamben » (ENS LSH).

 

16 mars 2006 : Denis Mellier (Poitiers) : « Steampunk et fiction du temps » (ENS Ulm, Salle Paul Lapie, 29, rue d’Ulm, 75005 Paris).

 

30 mars 2006 : Henri Garric et Sophie Rabau : « Fiction du temps et temps possibles chez Javier Marías » (ENS Ulm, salle à préciser).

 

11 mai 2006 : Richard Saint-Gelais (Université de Laval à Québec) : « La machine à détraquer le temps » (ENS Ulm, Salle 445, 29, rue d’Ulm, 75005 Paris). 

 

18 mai : Marie Blaise (Université de Montpellier-III) : « Temps à demeure : psychanalyse et littérature » (ENS LSH).

 

 

 

 

 

Contacts : srabau@free.fr; laurenri@wanadoo.fr.