Actualité
Appels à contributions
« Sonder l’abyme » La mise en abyme dans les textes et les images (16 et 17 janvier 2015)

« Sonder l’abyme » La mise en abyme dans les textes et les images (16 et 17 janvier 2015)

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Tonia Raus)

Dès que l’on s’intéresse au fonctionnement de la mise en abyme, on s’aperçoit que le principe repose sur une fausse évidence, due certainement à l’interrogation de la représentation sans cesse reprise sur de nouveaux frais et notamment sous l’impulsion des nouveaux romanciers et de l’effort théorisant des années structuralistes. Résultat : l’expression de mise en abyme a fini par renvoyer à tout miroir de l’œuvre, indépendamment des modalités de son apparition. Selon Lucien Dällenbach (1977 : 139-140), dont la typologie est communément admise comme base de réflexion du principe en littérature, il faut garder à l’esprit « l’effet cumulatif » de la mise en abyme qui ne peut se présenter sous une forme pure, gagnant même en termes de «rendement narratif » à exacerber ses ressorts à tous les niveaux (énonciation, énoncé, code).

Si le raisonnement se justifie à l’aune de nombreux exemples, il paraît en même temps éluder les difficultés qu’il y a à cerner la mise en abyme en soi et a fortiori ses champs d’application. D’autant plus que ceux-ci sont particulièrement nombreux, étant donné le caractère pluri-sémiotique de la mise en abyme, qu’on peut retrouver aussi bien en littérature qu’en peinture, en photographie, au cinéma. D’où l’impasse à aborder la mise en abyme en termes seulement narratifs. Foncièrement, le verbal et le visuel sont mis à contribution, parfois même conjointement. La mise en abyme gagnerait de fait à être considérée dans toute son ampleur sémiotique. C’est qu’elle a cette particularité de pouvoir figurer et être figurée, échelonnant son rendement de la plus simple allusion à la plus complexe médiation de la représentation – à l’instar de l’ajout de sens opéré dans une image par un miroir convexe savamment orienté qui fait basculer le hors-champ à l’intérieur du champ de vision en soi. S’il y a de fait une réflexion qui opère, dans le sens d’un retour sur le fondement de l’œuvre concernée, comment celle-ci peut-elle être cernée ? Et partant, quelles sont les propriétés de cette réflexion ? Faut-il, comme le suggère Bernard Vouilloux (2004 : 129-131), distinguer la « réflectivité » de la « réflexivité » ? Dès lors, quelles différences y a-t-il entre la réflexivité et l’autoréflexivité (cf. Metz 1991, Genin 1998) ? Finalement, puisque toute une tradition d’études visuelles a montré l’autoréflexivité inhérente à (pratiquement) chaque création – visuelle ou textuelle –, par des moyens et sous des aspects bien spécifiques à chaque fois (cf. Marin 1977, Damisch 1987, Aumont 1996), ne faudrait-il pas en conclure qu’analyser une œuvre, c’est déjà envisager son processus de mise en abyme ?

On voit bien que, d’une part, le champ notionnel qui entoure le principe de la mise en abyme est très vaste et semble, au vu des études menées dans le passé, s’adapter au sujet ou support étudié ; mais, d’autre part, la question s’impose s’il ne serait pas intéressant de définir la mise en abyme d’un point de vue plus strictement théorique, au-delà des questions particularisantes liées à une œuvre ou un médium. En effet, à mettre en présence les différentes tentatives de définition de la mise en abyme, en partant de la charte gidienne, l’aporie guette tant elles ne concordent pas. Par exemple : le mouvement de mise en abyme nécessite forcément deux niveaux de représentation, mais faut-il nécessairement qu’un deuxième support de représentation soit mentionné ? De même, étant donné le jeu entre ces deux niveaux, celui-ci est-il toujours d’ordre métaleptique (cf. Genette 2004) ? Qu’en est-il de la délimitation de la mise en abyme : doit-elle être clairement isolable ou simplement localisable ? Enfin, quel est l’apport d’une mise en abyme : un traitement ludique de la représentation, un vecteur de l’illusion référentielle ou au contraire la dénonciation de celle-ci ?

Il s’agira donc à l’occasion de ce colloque de véritablement sonder l’abyme en croisant des traditions et des perspectives d’analyse d’objets considérés souvent séparément afin de faire le point et d’essayer de formuler une vision d’ensemble. Les communications pourront porter sur :

  • des études de cas qui s’attelleront à ouvrir des perspectives théoriques ou généralisantes,
  • des études-bilan qui permettront un état des lieux de la question au sein d’une discipline choisie,
  • des études théoriques inter- et/ou disciplinaires.

La durée des interventions est de 30 minutes, suivies de 15 minutes de discussion. Les propositions, sous forme de résumé de 400 mots accompagné d’une brève bio-bibliographie de l’auteur, devront être envoyées pour le 01 août aux deux organisateurs. Les langues acceptées sont le français et l’anglais (voir ci-dessous pour l'argumentaire en anglais). Les réponses seront notifiées pour le 15 septembre.

Organisé par l’IRMA (Institut d’études romanes, médias et arts) de l’Université du Luxembourg, le colloque se déroulera au Casino – Forum d’art contemporain de Luxembourg. Le projet de publication sera lancé courant 2015.

Organisateurs : Tonia Raus (tonia.raus@ext.uni.lu) et Gian Maria Tore (gian-maria.tore@uni.lu)

Contact : Tonia Raus

 

Conférenciers invités : Victor Stoichita (Université de Fribourg, Suisse) ; Jean-Pierre Bertrand (Université de Liège, Belgique)

 

Comité scientifique : Jacques Aumont (EHESS/Université Paris 3, France), Jean-Pierre Bertrand (Université de Liège, Belgique), Marion Colas-Blaise (Université du Luxembourg, Luxembourg), Ralph Dekoninck (Université catholique de Louvain, Belgique), Richard Saint-Gelais (Université Laval, Canada), Christiane Solte-Gresser (Université de la Sarre, Allemagne) et Bernard Vouilloux (Université Paris 4, France).

 

Bibliographie indicative

·       Aumont, Jacques, À quoi pensent les films ?, Séguier, 1996

·       Cerisuelo, Marc, Hollywood à l'écran. Essai de poétique des films, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2000

·       Dällenbach, Lucien, Le Récit spéculaire. Etude sur la mise en abyme, Seuil, 1977

·       Damisch, Hubert, L’origine de la perspective, Flammarion, 1987 ; 2ème éd. 1993

·       Fevry, Sébastien, La mise en abyme filmique. Essai de typologie, CEFAL, 2007

·       Genette, Gérard, La Métalepse. De la figure à la fiction, Seuil, 2004

·       Genin, Christophe, Réflexion de l’art, Kimé, 1998

·       Marin, Louis, Détruire la peinture, Flammarion, 1977

·       Metz, Christian, L’énonciation impersonnelle. Ou le site du film, Klincksieck, 1991

·       Pier, John et Schaeffer, Jean-Marie (dirs), Métalepses. Entorses au pacte de la représentation, EHESS, 2005

·       Saint-Gelais, Richard, Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Seuil, 2011

·       Schmeling, Manfred (dir.), Littérature, Modernité, Réflexivité (Conférences du séminaire de littérature comparée de l’Université Sorbonne Nouvelle), Honoré Champion, 2002

·       Stoichita, Victor I., L’Instauration du tableau, Métapeinture à l’aube des temps modernes, Klincksieck 1993 ; 2ème éd. Droz, 1999 

·       Vouilloux, Bernard, L’Œuvre  en souffrance. Entre poétique et esthétique, Belin, 2004

***

‘Probing the Abyss’

The mise en abyme in Text and Image

Interdisciplinary Symposium in Luxembourg (16th – 17th January 2015)

 

When trying to apprehend the process of the mise en abyme, one soon notices that it rests upon a widespread fallacy, due undoubtedly to the constant questioning and re-thinking of the representation, particularly driven by the influence of the Nouveau Roman on the one hand and, on the other, by the theoretical efforts of structuralist, postmodernist thinking. Consequently, the expression mise en abyme has ended up referring to any kind of mirror of a given work. According to Lucien Dällenbach (1977: 139-40), whose typology is commonly accepted as the basis for any reflection on this process in literature, one has to keep in mind the ‘cumulative tendency’ of the mise en abyme, which cannot occur in its pure form. As Dällenbach argues, it rather gains in terms of ‘narrative efficiency’ if its effects are exacerbated at every level (enunciation, utterance, code).

Although this reasoning is justified in the light of numerous examples, at the same time it eludes the difficulties to grasp the mise en abyme for and in itself and, a fortiori, its fields of application. These are particularly varied given the plurisemiotic character of the mise en abyme, which can be found in literature as well as in painting, photography and cinema. It therefore appears unduly stifling to approach the process in purely narrative terms. The verbal and the visual are involved fundamentally, deeply, and sometimes even jointly in the process. Thus, the mise en abyme would benefit from being considered in its full semiotic extent. For it has this particular feature of being able to both depict and be depicted, its significance can reach from the simplest allusion to the most complex mediation of the representation – like additional meaning created in an image through a cleverly positioned convex mirror that swings the out-of-frame inside the field of view. The reflection once revealed, leading back to the foundations of the work itself, how can such it be fully grasped? And what are its properties then? Do we, as Bernard Vouilloux (2004: 129-31) suggests, need to distinguish between ‘reflectivity’ and ‘reflexivity’? Consequently, what is the difference between reflexivity and autoreflexivity (cf. Metz 1991, Genin 1998)? Finally, as an entire tradition of visual studies has revealed autoreflexivity as inherent to every painting, film or work of visual or textual nature – each time through specific methods and distinct aspects (cf. Marin 1977, Damisch 1987, Aumont 1996) –, are we not forced to admit that any attempt of analyzing a work already means considering its process of mise en abyme?

It is true that the notional field surrounding the mise en abyme is tremendously vast. Past studies have shown that the process also seems to adapt itself to the subject or to the medium itself. But does this not call for the attempt to define the mise en abyme from a more theoretical point of view that goes beyond particular approaches linked to a work or a medium. Indeed, to put to the test the various attempts at definition of mise en abyme, starting from Gide’s famous ‘charter’, risks resulting in aporia, so incoherent are they. For example, if the movement of mise en abyme inevitably requires two levels of representation, does this necessarily mean that a second type of representation needs to be mentioned? Similarly, if there is interplay between these two levels, is it always of a metaleptic nature (cf. Genette 2004)? Then, do the limits of the mise en abyme need to be clearly identifiable or simply recognizable? Lastly, what is the actual contribution of a mise en abyme: a playful use of representation, a vector of referential illusion or, on the contrary, a denunciation of the latter?

The aim of this conference is then to literally probe the abyss by comparing traditions and perspectives of analysis of objects usually considered separately in order to take stock and to attempt to formulate a holistic vision. Contributions in the following areas are welcome:

·       case studies which open up theoretical or generalising perspectives

·       study-reports allowing a comprehensive review of the question within a chosen discipline

·       disciplinary and interdisciplinary theoretical studies.

 

The length of the individual presentations will be 30 mins, followed by 15 mins of discussion. Proposals should be submitted in the form of a 400-word abstract accompanied by a brief bio-bibliography of the author. Submissions should be sent to both organizers by 01st August. Accepted languages are English and French. Contributors will be notified by 15th September.

 

The conference is organized by the IRMA (Institute of Romance Studies, Media and Arts) of the University of Luxembourg and will take place at the Casino – Luxembourg Forum of Contemporary Art. The process of publication of the papers will be launched in 2015.

 

Organisers: Tonia Raus (tonia.raus@ext.uni.lu) and Gian Maria Tore (gian-maria.tore@uni.lu)

Contact: Tonia Raus

 

Guest speakers: Victor Stoichita (Universität Freiburg, Switzerland), Jean-Pierre Bertrand (Université de Liège, Belgium)

Scientific committee: Jacques Aumont (EHESS/Université Paris 3, France), Jean-Pierre Bertrand (Université de Liège, Belgium), Marion Colas-Blaise (Université du Luxembourg, Luxembourg), Ralph Dekoninck (Université catholique de Louvain, Belgium), Richard Saint-Gelais (Université Laval, Canada), Christiane Solte-Gresser (Universität des Saarlandes, Germany) et Bernard Vouilloux (Université Paris 4, France).