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Sociocritique du théâtre

Sociocritique du théâtre

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Olivier Bara)

Appel d'articles

« Sociocritique du théâtre »

Revue Étudeslittéraires, Université Laval, Québec

Dansle bilan récemment proposé par Anthony Glinoer sur les études sociocritiques (Texte.Revue de critique et de théorie littéraire, n° 45/46, 2009,« Carrefours de la sociocritique »), l'accent est porté sur ladiversification et même la forte dispersion des pratiques comme des ancragesinstitutionnels de la recherche en sociocritique. Sa fécondité résideraitmoins, selon l'état des lieux proposé près de quarante ans après la formulationde Claude Duchet, dans la fermeté des méthodes que dans sa puissance dequestionnement des modes de textualisation du social. La mise en relationdialectique des phénomènes sociaux et des phénomènes littéraires constituerait toujoursun champ d'expérimentation vivant et ouvert.

Les travaux menésen sociocritique, attachés à la construction discursive des représentationssociales, ont privilégié jusqu'à présent la fiction romanesque, de préférenceréaliste, le texte d'idées et le discours journalistique – Alain Vaillant lerappelle avec une grande acuité critique dans la même revue (« De lasociocritique à la poétique historique »). Le théâtre a été partiellementomis du domaine d'application des lectures sociocritiques, comme si la« politique du texte » se lisait plus difficilement dans des oeuvresnon encloses dans leur nature purement textuelle. Certes, des étudessociocritiques de textes dramatiques ont été proposées, par Claude Duchet toutd'abord (« Théâtre, histoire et politique sous la Restauration »,dans Romantisme et politique, Armand Colin, 1969). Mais ces études ontsouvent concerné, symptomatiquement, un théâtre écrit au XIXe sièclepour la seule lecture : Claude Duchet, « La Saint-Barthélémy :de la “scène historique” au drame romantique », Revue d'Histoirelittéraire de la France, n° 5, sept.-oct. 1973, « Théâtre etsociocritique : la crise de la parole dans deux pièces de Musset »,dans Sociocritique, Nathan, 1979 ; Anne Ubersfeld,« Révolution et topique de la cité : Lorenzaccio », Littérature,N° 24, déc. 1976 ; Pierre Laforgue, « Lorenzaccio, ouOedipe à Florence », « Fantasio, ou être bouffon en1830 », dans L'Oedipe romantique, Ellug, 2002 ; XavierBourdenet, « D'une guerre à l'autre : l'histoire au miroir du présentdans Les Espagnols au Danemark, de Prosper Mérimée », Orages,n° 3, mars 2004. Le théâtre vivant, directement écrit pour être joué,serait-il soupçonné par les sociocriticiens d'obéir à des contraintes formellesimposées a priori et de reproduire des conventions telles que lediscours sur la société s'en trouverait appauvri ? Surtout, si lasociocritique constitue un retour au texte et à sa « littérarité »,on conçoit que le théâtre – dont le texte ouvert et troué ne fait pas toutel'oeuvre – ait été plus ou moins laissé de côté.

Pourtant,le théâtre représenté, en tant que phénomène collectif, acte social etpolitique, offre un champ d'observation et d'analyse privilégié des modes desymbolisation du social. Mais deux conditions sont peut-être à remplir pourmener à bien l'étude, conditions qui orienteront la constitution du projet depublication dans la revue Étudeslittéraires. La première consiste à ne pas limiter le théâtre au seulpanthéon des chefs-d'oeuvre du répertoire, et à travailler aussi sur un« corpus collectif » (Alain Vaillant), où les représentationsdominantes ou contradictoires d'une époque et d'une société soient ressaisies àpartir de ce que l'on jouait effectivement dans les théâtres – et non de ce quel'histoire du théâtre a retenu et « panthéonisé ». La thèse de SylvieVielledent, 1830 aux théâtres (Champion, 2009) offre ici un modèleméthodologique : elle ne réduit pas 1830 à Hernani, mais éclaire Hernaniet, au-delà, l'ensemble des représentations symboliques dominantes, à partir detout ce qui se jouait dans les théâtres cette année-là. La seconde conditionconcerne le « texte » théâtral. Une sociocritique du théâtre ouvrenécessairement une réflexion critique sur le statut strictement littéraire del'oeuvre dramatique et sur les outils existants de la sociocritique (le« sociogramme » par exemple) forgés pour l'analyse textuelle. Commentlire et interpréter du point de vue de la socialité et du discours historiquede l'oeuvre tout ce qui au théâtre ne relève pas du seul texte, mais d'unsystème de signes non verbaux ? Claude Duchet remarquait récemment :« La sociocritique n'est pas une sociologie de la littérature et elle n'apas seulement la littérature pour objet mais tous les ensemblessocio-sémiotiques. […] l'objectif de la sociocritique est l'étudesocio-historique des représentations » (« Entretien avec ClaudeDuchet » par Ruth Amossy, Littérature, n° 140, déc. 2005,p. 132). On évitera donc de se limiter au seul texte théâtral écrit,comme de se cantonner à une étude contextuelle des conditions de création ou deréception du théâtre ; on dépassera, comme la sociocritique y invite, larelation mécaniste supposée mener du contexte au texte, pour privilégier lesprocessus de symbolisation du social et de l'histoire portées par l'oeuvrethéâtrale, dans la totalité des signes déployés sur scène. Enfin, même si lasociocritique a trouvé dans le siècle de la question sociale et des révolutionsson premier terrain d'élection, on ouvrira la perspective en deçà et au-delà duseul XIXe siècle.

Lespropositions, sous forme d'un court texte de 3000 signes et d'un titreprovisoire, accompagnés d'un CV d'une page, sont à adresser avant le 1ermai 2011 à bara.olivier@wanadoo.frAprès acceptation de la proposition, l'article (30000 signes) sera à envoyeravant le 1er janvier 2012. Chaque article sera soumis, avantpublication, à l'approbation du comité de lecture de la revue.

Olivier Bara, Université Lyon 2, UMR LIRE(CNRS-Lyon 2)