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«Si les Aztèques nous avaient conquis (et autres récits d'histoire contrefactuelle)» (letemps.ch, 27.02.2016)

«Si les Aztèques nous avaient conquis (et autres récits d'histoire contrefactuelle)» (letemps.ch, 27.02.2016)

Publié le par Marie Minger

«Si les Aztèques nous avaient conquis (et autres récits d'histoire contrefactuelle)»

Article paru sur letemps.ch, le 27 février 2016
Par Nic Ulmi

 

Romanesque et ludique, l'histoire avec de «si» a parfois des enjeux sérieux. Les historiens Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou explorent la jungle des passés alternatifs

Jésus a 97 ans, «il souffre d’arthrose et son esprit est ailleurs, la plupart du temps». Il meurt «en deux minutes», terrassé par une attaque, «seul dans sa chambre», mais reconnu dans tout l’Empire romain comme un prophète à part entière. Dix-sept siècles plus tard, en 1848, les troupes chinoises entrent triomphalement à Londres et la reine Victoria se prosterne devant l’empereur Daoguang. Pour en arriver là, les Chinois ont successivement financé la guerre contre Napoléon, ruiné l’industrie du Lancashire en inondant le pays de textiles bon marché et envoyé leurs armées lorsque les Britanniques se sont mis en tête de protéger leur économie en augmentant les droits de douane. Entre-temps, en 1519, la cavalerie de Moctezuma a repoussé sans peine «la poignée de soldats espagnols menée par Cortès» et s’est lancée dans la traversée de l’océan pour conquérir l’Europe. Il se peut ainsi que le Vieux Continent voie les premières lueurs du XXe siècle alors qu’il est ravagé par les rivalités entre l’Empire aztèque et l’Empire du milieu…

On doit le premier de ces trois récits à Carlos Eire, historien des religions à Yale, le deuxième à l’historien britannique Ian Morris, professeur à Stanford, le troisième à Jared Diamond, géographe à l’Université de Californie à Los Angeles. Selon ce dernier, si les Espagnols ont soumis les Aztèques plutôt que l’inverse, c’est «en raison de l’extinction des mammifères en Amérique pendant le pléistocène tardif»: c’est en effet principalement l’absence de domestication de ces grands animaux, sources de protéines, de moyens de transport et de puissance militaire, qui différencie les deux sociétés au début du XVIe siècle. Ces trois scénarios d’histoire contrefactuelle sont évoqués par Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou dans Pour une histoire des possibles, vaste ouvrage consacré à cette manière de faire «l’histoire avec des si». Et si le général de Gaulle s’était crashé en hélicoptère en revenant de son voyage secret à Baden-Baden, en mai 68, et que les lanceurs de pavés de la rive gauche avaient triomphé?

(…)

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Quentin Deluermoz, Pierre Singaravélou, Pour une histoire des possibles. Analyses contrefactuelles et futurs non advenus, Seuil, 2016.