Actualité
Appels à contributions
Shakespeare au risque de la philosophie

Shakespeare au risque de la philosophie

Publié le par Vincent Ferré (Source : Université de Poitiers)

« Hast any philosophy in thee ?[1] » : 
Shakespeare au risque de la philosophie

 

Colloque international (dans les deux langues : anglais et français) :

Jeudi 17-Vendredi 18 mars 2016, année du 400e anniversaire de la mort de Shakespeare

Organisé par Pascale Drouet (Département d’Études Anglophones, L&L) et Philippe Grosos (Département de philosophie, SHA), porté conjointement par Laboratoire FoReLL (Équipe B1 : Poétiques de la représentation), dir. Michel Briand / Laboratoire MAPP (Métaphysiques allemandes et philosophie pratique), dir. Bernard Mabille

- Avec la participation des étudiants du Conservatoire de Poitiers pour mise en voix de textes de Shakespeare traduits par Yves Bonnefoy, dir. Agnès Delume, en présence d’Yves Bonnefoy.
- Avec la participation du poète, traducteur et essayiste Yves Bonnefoy (exposé et discussion).
- Avec la participation de Paul A. Kottman, directeur de l’ouvrage collectif sur Philosophers on Shakespeare (conférence).

Argument

Si Shakespeare n’est pas philosophe, et s’il ne s’est guère, au sein de ses œuvres, intéressé à la philosophie, ni à celle de son temps, ni à celle des temps anciens, l’inverse n’est pas vrai. En effet si la réception de son œuvre par les philosophes ne fut pas immédiate, en revanche celle-ci a pris une ampleur considérable à partir du XIXe siècle – les grands philosophes allemands, pour ne penser qu’à eux, de Hegel à Nietzsche en passant par Schelling, en sont un bel exemple. Or, jusqu’à nos jours, cela ne s’est pas démenti au point que l’intérêt de Jacques Derrida pour l’auteur de Hamlet a pu lui-même susciter de riches échanges[2].

Qu’ont pu dès lors trouver tous ces philosophes dans l’œuvre de Shakespeare, sinon de la philosophie même ? On pourrait certes soutenir, en un premier sens, que chez tous grands penseurs (et un grand poète ou un grand dramaturge est un grand penseur) se cache une philosophie implicite. En cela, s’intéresser philosophiquement à Shakespeare reviendrait à mettre au jour les présupposés philosophiques des concepts fondamentaux qu’il déploie, autant qu’interroger en lui le sens de la modernité qui est la sienne, au tournant des XVIe et XVIIe siècles.

En un second sens, approcher philosophiquement Shakespeare, c’est également prendre au sérieux la description qu’en son œuvre même il propose de la condition humaine, celle que toute anthropologie philosophique entend ressaisir. Et en cela, il ne s’agit plus seulement d’étudier Shakespeare en son temps, mais bien Shakespeare de tout temps, dans l’atemporalité, au moins postulée, de son propos.

Ainsi, la vocation de ce colloque est triple :

- il s’agit d’étudier philosophiquement la pensée de Shakespeare en faisant d’elle un moment exemplaire de la naissance de la modernité, dans son rapport critique et conflictuel avec le monde antique dont alors irréversiblement on s’éloigne.

- il s’agit de s’intéresser à la réception de cette œuvre au sein de la tradition philosophique. Celle-ci est en effet si importante, qu’on est dans l’obligation de penser que les philosophes ont reconnu en lui un penseur, avec lequel il fallait discuter. Or toute réception ayant une histoire, tous les philosophes n’ont pas cherché en cette œuvre, selon qu’elle fut lue, par exemple, comme celle d’un poète ou comme celle d’un dramaturge, les mêmes réalités.

- il s’agit enfin d’être attentif aux concepts fondamentaux déployés en cette œuvre, c’est-à-dire aux questions qui font que, de siècles en siècles, l’auteur ne cesse d’exercer dans le monde philosophique une constante fascination.

Au final, étudier Shakespeare au risque de la philosophie, c’est l’étudier à partir de rigoureuses interprétations conceptuelles, au risque de vouloir lire en lui plus que lui-même peut-être n’aura écrit. Mais n’est-ce pas là également la marque des plus grands que de se voir attribuer même le mérite de ce qu’ils n’ont pas écrits ? Enfin, l’étudier au risque de la philosophie, ce sera également l’étudier en faisant courir à la philosophie elle-même, dans la prétention qu’elle a de dire la chose même, le grand risque de voir son objet sans cesse insaisissable et sans cesse à interroger. C’est là la double exigence, le double risque, de ce colloque.

Calendrier : Les propositions de communication, accompagnées d’une brève notice sur auteur, sont à envoyer avant le 15 juin 2015 à pascale.drouet@univ-poitiers.fr et philippe.grosos@univ-poitiers.fr


Comité scientifique : William C. Carroll (University of Boston) ; Hélène Cixous (CIPH – Collège international de philosophie – et CCEFEG – Centre d'Etudes Féminines et d'Etudes de Genre, Université de Paris 8) ; Pascale Drouet (Université de Poitiers) ; Philippe Grosos (Université de Poitiers) ; Paul A. Kottman (The New School, New York) ; Marie-Madeleine Martinet (Université de Paris Sorbonne – Paris IV)

Suggestions bibliographiques

Bates Jennifer Ann, Hegel and Shakespeare on Moral Imagination, New York, State U of New York P, 2010.

Bates Jennifer, « Hegel’s Inverted World, Cleopatra, and the logic of the crocodile », Criticism, Vol. 54 Issue 3, Summer 2012, p. 427-443.

Bonnefoy Yves, Théâtre et poésie : Shakespeare et Yeats, Paris, Mercure de France, 1998.

Cixous Hélène, « Shakespeare Ghosting Derrida », Oxford Literary Review, Shakespeare and Derrida, 2012, Vol. 34 Issue 1, p. 1-24.

Cox John D, « Shakespeare and political philosophy », Philosophy and Literature, Vol. 26, Issue 1, 2002, p. 107-124.

Derrida Jacques, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 2006.

Drouet Pascale, Mise au ban et abus de pouvoir. Essai sur trois pièces tragiques de Shakespeare, Préface d’Emmanuel Housset, Paris, Presses de l’Université Paris Sorbonne, 2012.

Ferguson Malcolm M, Hoag Ronald Wesley, « Dejection or Joy, As You Like It : Schiller, Shakespeare, and Thoreau », Thoreau Society Bulletin, Issue 261, Winter 2008, p. 8-12.

Grosos Philippe, « William Shakespeare et l’ironie tragique des Histoires », in Grosos Philippe, L’ironie du réel à la lumière du romantisme allemand, Lausanne, L’Age d’homme, 2009, p. 137-155.

Halpern Richard, « An impure history of ghosts: Derrida, Marx, Shakespeare », in Halpern Richard, Howard Jean E., Shershow Scott Cutler (eds.), Marxist Shakespeares, London, Routlledge, 2000, p. 31-52.

Heller, Agnès, « Shakespeare: Philosophical Aspects », Revue internationale de philosophie, Vol. 63, Issue 247, 2009.

Huemer Wolfgang, « Misreadings : Steiner and Lewis on Wittgenstein and Shakespeare », Philosophy and Literature, 2012 Apr, 36(1), p. 229-237.

Joughin John J. (ed.), Philosophical Shakespeares, London, Routledge, 2000.

Kaytor Daryl, « Shakespeare’s Political Philosophy : A Debt to Plato in Timon of Athens », Philosophy and Literature, 2012 Apr, 36(1°, p. 136-152.

Keeping J, « ‘O that this too, too solid flesh would melt : A Phenomonology of Sadness in Shakespeare’s Hamlet », Philosophy Today, Vol. 52, Issue 2, 2008, p. 116-125.

Kottman, Paul A. (ed.), Philosophers on Shakespeare, Redwood City (CA), Stanford University Press, 2009.

Pascucci, Margherita, Philosophical Readings of Shakespeare : ‘Thou Art the Thing Itself’, New York, Palgrave Mcmillan, 2013.

Pierce Robert B., « Shakespeare and the Ten Modes of Scepticism », Shakespeare Survey, Issue 46, 1994, p. 145-158.

Pierce Robert B., « ‘I Stumbled When I Saw’ : Interpreting Gloucester’s Blindness in King Lear », Philosophy and Literature, 2012 Apr, 36 (1), p. 153-165.

Penisson P., « Le Shakespeare de Herder », Études philosophiques, Issue 3, 1988, p. 305-310.

Presson Robert K, « Boethius, King Lear, and ‘Maystresse Philosophie’ », Journal of English and Germanic Philology, 64, 1965, p. 406-424.

Smallwood, Philip, « Shakespeare and Philosophy », in Ritchie Fiona, Sabor Peter (eds.), Shakespeare in the Eighteenth Century, Cambridge, CUP, 2012, p. 331-348.

Soellner Rolf, « ‘Hang up philosophy !’ Shakespeare and the limits of knowledge », Modern Language Quarterly, Vol. 23, Issue 2, June 1962, p. 135-150.

Stewart Stanley, « Was Shakespeare Thinking Philosophy ? », Ben Jonson Journal, 2008 May, 15(1), p. 123-137.

Weitz Morris, « Literature without philosophy : Anthony and Cleopatra », Shakespeare Survey, Issue 28, 1975, p. 29-36.

Weitz Morris, Weitz Margaret Collins, Levin Harry (eds.), Shakespeare, Philosophy and Literature : Essays, New York, Peter Lang, 1995.

Wheater, Isabella, « Aristotelian Wealth and the Sea of Love : Shakespeare’s Synthesis of Greek Philosophy and Roman Poetry in The Merchant of Venice », Review of English Studies, 44 (173), Feb 1993, p. 16-36