Édition
Nouvelle parution
Sénèque, L’Apocoloquintose de l’empereur Claude. Pamphlet violent à l'adresse d'un prince physiquement éliminé (trad. J.-J. Rousseau)

Sénèque, L’Apocoloquintose de l’empereur Claude. Pamphlet violent à l'adresse d'un prince physiquement éliminé (trad. J.-J. Rousseau)

Publié le par Marc Escola

L’Apocoloquintose de l’empereur Claude

Pamphlet violent à l'adresse d'un prince physiquement éliminé

Sénèque

Traduction J.-J. Rousseau.

Pontcerq éd., 2019

92 p. — ISBN 978-2-919648-26-9

 

QUIGNARD ! MICHON ! BERGOUNIOUX ! ÉCRIVAINS SACHANT LA LANGUE ! Ou vous autres en elle débutant ! Voyez un peu ce que Sénèque le sévère, qui savait la sienne, se permit !

À vous ! Pontcerq lance le plus grand concours de satire ménippée jamais organisé : il est ouvert aux écrivains chevronnés comme aux gratte-papier débutants. Choisissez votre chef d’Etat, de Presse, de Culture, d’Entreprise, de Police, de Pédagogie, etc., puis un légume de votre choix (ou fruit ou bête ou autre objet) – et envoyez vos pasquilles.

Par principe nous ne prendrons rien ni sur Louis-Philippe ni sur François Hollande : et d’ailleurs n’accepterons que les chefs et cheffes en exercice – ou mieux même (comme notre Claude) fraîchement éliminés du pouvoir (qu’ils soient sortis par la porte de devant et le double vantail ; ou évacués un jour en urgence par l’arrière et les jardins, quand au devant ça devenait trop compliqué… les managers, les gilets jaunes, les grognes sociales). Vous pouvez écrire en latin, ou directement en français. Attention, ne vous ébrivez pas… Oh ! C’est que la satire ménippée obéit à des règles fort strictes ; et elle a sa façon !

C’est pour vous la faire connaître que nous publions – en exemple – le coloquintage du divin Claude par le sévère Sénèque – traduit par le très-méchant Rousseau ; et dans une édition fort bien faite et richement annotée. Ouvrez voir !

Voir le site de l'éditeur…

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Messaline eut quatre années d’emprise sur l’esprit de Claude. Succession de déportements admirables, d’orgies, de trahisons. Mais plusieurs affranchis exerçaient eux aussi leur influence sur le prince. Messaline tomba. Alors une jeune nièce de l’empereur, une soeur de Caligula, femme intelligente, devina ou estima son heure​ venue : Pallas, l’un des affranchis, l’appuyait ; elle s’avança vers le prince, qui tergiversait ; elle prit sur lui, par ses caresses, l’ascendant nécessaire pour qu’il la choisît.​ Il était son oncle : on changea la loi pour autoriser ce mariage incestueux. Agrippine, ensuite, fait s’avancer le fils qu’elle a eu d’un mariage précédent : le jeune​ Domitius (qui sera Néron). Elle réussit à faire que l’empereur adopte cet enfant, au détriment du sien. Elle fait revenir d’exil un philosophe que sous l’emprise de Messaline Claude avait huit ans plus tôt, pour l’éloigner de Rome, relégué dans la Corse ; île aride ; île rocheuse et terrible. Ce philosophe est Sénèque. On lui confie à son retour à Rome l’éducation de l’enfant​ Néron. Enfin, Agrippine s’avance en direction de Claude, trop lent à mourir pour ses desseins : portant avec elle, cette fois, des poisons puissants. On cache à la ville quelques heures la mort de l’empereur en faisant sortir du palais clos des nouvelles fluctuantes sur l’état de sa santé ; en faisant entrer des comédiens – per similationem. Enfin, quand tout est prêt, la mort est annoncée.​ Néron s’adresse aux soldats de la garde, descend les marches du Palatium ; il est porté en litière au camp des prétoriens, à qui il s’adresse, en lisant des mots que​ Sénèque a stylés. Le pouvoir est pris.​

Le jeune empereur de dix-sept ans préside aux​ cérémonies de sépulture de Claude – dont a été décidée l’apothéose. Seuls avant lui J. César et Auguste avaient été jugés dignes de l’honneur exorbitant : mais Agrippine le voulut pour son époux ; elle se désigna prêtresse de ce culte nouveau. Néron prononce un discours, écrit de même par le précepteur, et ce discours contient l’éloge du défunt : un historien raconta plus tard que lors de la cérémonie, lorsque Néron lut les phrases de Sénèque sur la sagesse de Claude, la foule s’esclaffa.

Puis le même Sénèque, peu après (quand ?) (à la demande de qui ? d’Agrippine ?) (ou de sa propre initiative ?) compose un pamphlet violent contre la mémoire de Claude, prince physiquement éliminé : rancune gardée en souvenir des sept années de l’exil corse ? acte destiné à se laver des flatteries du discours d’apothéose, voire de celles de la Consolation à Polybe, quand il s’était agi, en flattant déjà, d’espérer accourcir l’exil ? ou​ manière de contrer les ambitions d’Agrippine, qui avait pour Claude décidé cette consécration ?​

L’apothéose de l’empereur, dans cette satire, est changée en apocoloquintose, c’est-à-dire citrouillage ou incucurbitation ; ou topinambourage, coloquintage,​ courgification, gourdification ; c’est le texte qu’on va lire.​

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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"Sénèque, Macron et la petite maison dans le lierre", par Claire Paulian (en ligne le 3 décembre 2019)

L’Apocoloquintose est le récit bouffon des déboires post mortem de l’empereur Claude, élevé non au rang de dieu – ce serait là banale apothéose – mais à celui de courge ou de citrouille. On doit, semble-t-il, cette satire politique à Sénèque. En choisissant de publier l’opuscule dans une version latine du XVIIIe siècle, accompagnée de la traduction de Jean-Jacques Rousseau (1758) et de l’article du latiniste Léon Herrmann sur « Rousseau traducteur de Sénèque » (1933),  c’est comme si les éditions Pontcerq avaient réuni des membres du Comité Invisible, des philologues classiques et un étudiant endeuillé par la mort de son professeur, pour produire un objet hybride et inclassable. Passé un premier et bel effet de surprise, l’ouvrage oscille entre des perspectives différentes, sans trouver d’assise définitive, selon une logique peut-être plus romanesque qu’on n’aurait cru.

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Revue de presse:

Lise Wajeman, « Citrouillez citoyens! », Médiapart, 5 juillet 2019. [lire l’article]

Jean-Claude Leroy, André Bernold, « L’Apocoloquintose de l’empereur Claude. Macron sous l’œil de Sénèque ? » Lundimatin, 16 septembre 2019. [lire l’article]

Evelyne Pieiller, « Bandes de mauvais esprits », Le Monde diplomatique, novembre 2019. [lire l’article]