Essai
Nouvelle parution
Sémiologie du secret

Sémiologie du secret

Publié le par Marielle Macé (Source : Muriel Seauve-Oliviéri)

Nouvelle parution :
Sémiologie du secret



Résumé des différentes contributions :

Les secrets de la boite chez Christian Boltanski
Éliane Burnet
À en croire Gaston Bachelard, la boîte témoignerait de ce besoin de secret qui habite chaque homme par son appartenance au domaine de ces « images d'intimité qui sont solidaires des tiroirs et des coffres, solidaires de toutes les cachettes où l'homme, grand rêveur de serrures, enferme ou dissimule ses secrets ». Or depuis presque 40 ans, Christian Boltanski, multiplie les installations de boîtes en tout genre : casiers, fichiers, tiroirs, boîtes à archives ou reliquaires. Comme si, ce qui en tant que secret devrait être mis à l'écart, séparé, caché, appelait son contraire, l'ostentation et la monstration comme un besoin d'être partagé. Dans les dédales multiples du secret, la traque des significations des boîtes de Christian Boltanski se présente comme une invitation à un parcours qui part du secret de famille en passant par le secret de l'enfant, de l'identité et le secret de la mort pour parvenir jusqu'au secret de l'art.


Le secret, la transparence, la discrétion
Pascal Bouvier
Le thème du secret hante nos écrans, notre littérature, il est presque devenu une mode. Cette omniprésence n'est pas surprenante, notre époque adore la transparence et la révélation poursuivant ainsi un lent processus historique qui, des Lumières à l'avènement de la société de l'image, nous oblige à ne rien laisser dans l'ombre. Pour comprendre les enjeux d'une telle évolution il convient de retracer les origines et les formes du secret, car celui-ci renvoie aussi bien à la métaphysique qu'à l'histoire des sciences ou de la politique. Le secret se cache tout en se manifestant, telle est la définition qu'en donne la tradition. Il n'existe, en somme, que dans la nuance. S'il faut bien convenir que l'histoire du secret est aussi l'histoire de la perte du sens de la nuance, n'est-il pas nécessaire de trouver un passage entre la tyrannie d'une transparence absolue et l'idée d'une vérité réservée à quelques initiés ?


Fautes et secrets de famille
les tragédies de l'intime selon Eugène Sue et Emile Zola

Catherine Lenoir-Bellec
À l'heure où la littérature contemporaine se plaît à exploiter la thématique du secret et où la psychanalyse n'en finit pas d'explorer les méandres des relations familiales, il semblait intéressant de revenir sur le fonctionnement de schémas fictionnels parentaux récurrents inscrits au coeur du patrimoine littéraire du XIXe siècle. En effet, du roman-feuilleton d'Eugène Sue au naturalisme d'Emile Zola, les oeuvres portent l'empreinte d'une histoire familiale complexe et douloureuse marquée du poids du secret. Au centre du processus dramatique, la faute, longtemps inavouée, n'en finit pas de hanter les protagonistes des Mystères de Paris et des Rougon-Macquart, et plus particulièrement le destin des personnages de La Curée et du Ventre de Paris. Marquée du sceau d'un inconscient collectif que Freud mettra en évidence au sein de ses travaux, la configuration romanesque de ces secrets de famille témoigne de la sorte d'intuitions psychanalytiques évidentes conférant à Eugène Sue et Emile Zola des fonctions de précurseurs et à leurs oeuvres une intemporalité que l'actualité littéraire ne cesse de rappeler.


L'intime mis à nu
Sylvain Santi
À partir d'une réflexion d'ordre général sur l'intime et le secret, il s'agit d'analyser comment, pour Maurice Blanchot, la mise à nu est une mise à mort qui fait être l'auteur par un devenir d'interruption. En revenant sur ce que Blanchot nomme, dans Après coup, la nudité du mot écrire, il est alors possible de comprendre comment : « [] L'oeuvre est oeuvre seulement quand elle devient l'intimité ouverte de quelqu'un qui écrit et de quelqu'un qui la lit, l'espace violemment déployé par la contestation mutuelle du pouvoir de dire et du pouvoir d'entendre » (L'Espace littéraire)


Le récit herméneutique balzacien
Nathalie Solomon
Dans le récit à énigme balzacien, c'est le processus de dévoilement qui compte, davantage que le moment de la révélation. Dans Sarrasine, le corps de Zambinella, centre du récit et solution de l'énigme, est enfoui sous des représentations nombreuses, peinture, sculpture, personnage d'opéra, au point que ce n'est pas tant le thème de la substitution des sexes qui importe, que celui de la manière dont l'art vient remplacer la réalité des corps. Dans La Fille aux yeux d'or, le secret dévoilé à la fin de la nouvelle est que l'amant prétendu de Paquita Valdès est une femme, demi-soeur de de Marsay, physiquement presque identique à celui-ci; or cette découverte oblige à relire tout ce qui précède en le réinterprétant : il ne s'agit pas d'un récit sur le pouvoir de l'apparence comme on aurait pu le croire, mais sur la question de l'identité. Ainsi le secret est rarement celui que l'on attend chez Balzac, et sa solution ne suffit pas à répondre à toutes les questions posées. Le processus herméneutique balzacien se découvre ainsi prétexte plutôt que fin ultime.


Représenter l'intime : toucher les limites
Lydie Rekow
Dans la mesure où l'intime reste le terrain d'expression de la pure subjectivité, il est, par nature, insaisissable. Le flou de sa définition problématise tout projet de représentation. Si la figuration de l'intime s'avère d'essence allégorique, il est tel quel, en soi, irreprésentable. Ce constat ne fait pourtant pas obstacle et l'art actuel est particulièrement prolixe sur le thème de l'intimité. Nous avons choisi d'approcher deux démarches qui explorent l'espace intime en se confrontant à la question des limites du représentable. La radicalité de la proposition de Mona Hatoum avec son installation vidéo intitulée Corps étranger (1994) établit un réel rapport de force entre l'image et le spectateur subitement confronté au plus profond du corps pénétré de l'artiste. A cette exhibition de la profondeur, l'oeuvre de Paul-Armand Gette Le Toucher de la Nymphe (1986) oppose sa « logique des surfaces » faite d'allusions, d'effleurements et de fines approches dans un jeu ambiguë avec les apparences, tenant autant du secret que d'une expérience de l'intime en partage. Chacune de ses propositions interroge à sa façon les modes de représentation de ce qui serait l'intimité, à travers la tradition artistique de l'image du corps féminin.
Dans l'intimité d'un corps de lumière


Théâtre et nouvelles technologies
Yannick Bressan
Quelle intimité est portée sur la scène de théâtre par l'utilisation des nouvelles technologies? Que révèle t-elle? Ce texte propose une réflexion, à la lumière d'exemples contemporains, sur l'intimité et le trouble induits sur la scène par l'utilisation des nouvelles technologies. L'outil technologique est, certes, en question mais c'est surtout la faculté du théâtre à rendre présent à notre perception de spectateur l'absent qui est ici interrogé. Ce travail propose de réflechir sur l'espace temps scénique, temps de l'à côté face à l'ici, espace de l'ailleurs face au là. Les nouvelles technologies agissent comme un révélateur, précipité d'une solution chimique, nous donnant à voir des pans d'invisible portés par la scène théâtrale. C'est aussi, par ces quelques réflexions, chercher le secret d'une alchimie théâtrale, alchimie de la vie.


Sémiologie du secret, collection Théories, éditions aleph, août 2004, 152 pages, 24 euros.