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Événements & colloques
K. Brown et G. Théval, séminaire TIGRE : «Créativité du livre d’artiste» (Paris)

K. Brown et G. Théval, séminaire TIGRE : «Créativité du livre d’artiste» (Paris)

Publié le par Romain Bionda (Source : Evanghelia Stead)

Kathryn Brown (Loughborough University, Grande-Bretagne), «Dessiner les mots, entendre la couleur: Matisse, Jazz, et “l’échec” du livre»

Publié en 1947, Jazz est vite devenu l’un des livres d’artiste les plus célèbres et les plus commentés d’Henri Matisse. Mais cette œuvre a aussi suscité des questions relatives à son genre et à sa lisibilité. Est-ce que Jazz est une œuvre à lire ou un objet à voir ? Quelle pratique de lecture demande-t-elle à son public ? Comment l’exposer dans un musée pour mettre en valeur tout autant ses images colorées que son texte écrit à la main ? Dans cette intervention je défends l’idée que nous devons concevoir Jazz comme un livre, mais comme un livre qui remet en question la manière dont nous décryptons un « texte » et comprenons son rapport aux images qui l’accompagnent. Je commence par l’examen de cette œuvre sur des plans visuels, auditifs, et cognitifs et montre que Jazz invite une aventure plurisensorielle qui met en scène les limites de la signification et de la lecture. Ensuite je me tourne vers l’idée qu’on doit interpréter Jazz comme un engagement critique de Matisse avec l’histoire littéraire. Je montre l’importance de la lecture dans la pratique visuelle de l’artiste et retrace les liens entre la structure de Jazz et la poésie de Charles Baudelaire. Finalement, je propose l’idée que ce livre doit bien « échouer » en tant que livre pour réaliser son potentiel. Paradoxalement, c’est en exposant les limites du livre comme véhicule de la pensée, que Jazz fait un mouvement libérateur vers une sphère qui existe au-delà de la représentation.

Gaëlle Theval (Thalim et programme ANR "littépub"): «Les livres d’un poète sonore : des objets paradoxaux ?» (à propos de Bernard Heidsieck)

Au milieu des années 1950, Bernard Heidsieck entend mettre le poème « debout », l’ « arracher à la page », le sortir du livre, considéré comme carcan, espace mortifère dans lequel la poésie est selon lui en train de se « noyer », et produit ses premiers « poèmes-partitions », destinés à être dits à voix haute, puis, à partir de 1959, enregistrés et, enfin, performés sur scène, à partir de 1963. Poésie hors du livre, mettant, par l’enregistrement et la performance scénique, la voix et le corps du poète au premier plan, cette poésie « sonore » et « action » se pense ainsi en rupture avec un médium traditionnellement considéré comme le site « naturel » , ou plutôt « naturalisé », de la poésie. Pourtant, Bernard Heidsieck ne cesse de publier, des disques vinyles, mais aussi, et surtout, des livres-disques, objets hybrides, au statut problématique, dans lesquels se côtoient plusieurs manifestations du poème : la « partition », graphique, s’imprime ainsi et se donne à lire seule ou simultanément à l’écoute du disque inséré. Encore ce dispositif est-il appelé à connaître de nombreuses variations, parfois sous l’influence des artistes avec lesquels le poète a partagé plusieurs « livres de dialogue » (dont D2+D3Z réalisé avec Jean Degottex en 1973, ou encore Partition V, paru la même année au Soleil Noir avec une sculpture de Ruth Franken). Ce sont ces objets problématiques, paradoxaux, que nous nous proposons ici d’envisager, moins pour remettre en question un geste de rupture que pour mesurer de façon concrète le rapport au support induit par une poétique de l’intermédialité.