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Monologuer: situations, formes et pratiques (Séminaire)

Monologuer: situations, formes et pratiques (Séminaire)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Sophie Lespinasse)

Séminaire Monologuer : situations, formes et pratiques
Calendrier 2014-2015

Université Paris 7 Diderot - CERILAC et Institut des Humanités de Paris
Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle - PRISMES
Université de Poitiers - FORELL
 

 

Horaires : Lundi 18h-20h.
Salle (sauf le 16 mars) : À l’Université Paris Diderot, Bibliothèque Seebacher (Bâtiment des Grands Moulins, aile A, 2e étage ; Université Paris Diderot, UFR LAC ; 16 rue Marguerite Duras 75013 Paris).

Ce projet de recherche a commencé en 2010-2011. En 2010-2012, le séminaire avait mis l’accent sur la définition du monologue, au croisement du roman, du théâtre, de la psychologie et des monologues des enfants. L’année 2012-2013 a permis de confronter les pratiques du monologue à travers différents arts. L’année 2013-2014 a été essentiellement recentrée sur des pratiques littéraires, en dialogue avec la psychanalyse ou le cinéma.

L’année 2014-2015 sera consacrée à l’exploration des frontières du monologue à partir d’une définition plus précise de la notion : frontières disciplinaires (sciences humaines et neurosciences, littérature et cinéma, psychanalyse et médecine), frontières notionnelles (monologue intérieur et endophasie, intériorité et extériorité), frontières géographiques (domaines français et anglophone).

 

 

Lundi 17 novembre Hélène Lœvenbruck (Chargée de Recherche CNRS, Université de Grenoble), Langage intérieur et neurosciences.
Discutant : Pierre-Louis Patoine (Maître de conférences, Université Sorbonne Nouvelle).

Les neurosciences apportent un éclairage intéressant sur la nature et la fonction du langage intérieur. Elles montrent qu’il joue un rôle central dans la mémoire de travail, la mémoire autobiographique, la planification, la résolution de problème, la lecture, l’écriture, la pensée, la conscience de soi, l’autorégulation et le développement du langage chez l’enfant. On estime qu’au moins un quart de notre vie est accompagné de parole intérieure, qu’elle soit délibérée (comme lorsque nous faisons mentalement une liste de courses) ou plus spontanée voire inconsciente (lorsque nous avons des pensées vagabondes, comme l’illustre Joyce dans les monologues de Ulysses). Lorsqu’elle est perturbée, la parole intérieure peut toutefois avoir un rôle négatif. Dans la dépression ou les troubles anxieux, par exemple, la rumination mentale devenue excessive peut interférer avec les performances cognitives. Dans la schizophrénie, il a été suggéré qu’un dysfonctionnement du suivi de la parole intérieure peut conduire à des hallucinations auditives verbales, les propres pensées verbales du patient étant perçues comme des voix externes et l’endophasie, telle que la décrit Gabriel Bergounioux, devenant alors perturbante, voire invalidante.

En nous appuyant sur des résultats neuroscientifiques récents, nous comparerons les caractéristiques comportementales et cérébrales de la parole à voix haute et de la parole intérieure ; nous passerons en revue diverses manifestations -- plus ou moins conscientes, plus ou moins abstraites et conceptuelles, plus ou moins oralisées -- du langage intérieur, telles que la parole intérieure dans la lecture, l’écriture, le vagabondage mental, les prémisses de la parole intérieure chez les nourrissons ou le langage intérieur chez les personnes sourdes utilisant la langue des signes ; enfin nous aborderons le cas des hallucinations auditives verbales.

 

Lundi 8 décembreThomas Constantinesco (Maître de conférences, Université Paris Diderot), Michel Imbert (Maître de conférences, Université Paris Diderot).
En solo, seul à seul : William James, Alice James et Henry James s’épanchent sans se parler.
Discutante : Isabelle Alfandary (Professeur, Université Sorbonne Nouvelle).
Séance commune avec Le Style de la Science.

En partant des pages que William James a consacrées à ce qu’il appelle alternativement le flux de la pensée (stream of thought) et le flux de conscience (stream of consciousness), dans les Principles of Psychology en 1890 et dans Psychology. Briefer Course en 1892 notamment, il s’agira de s’intéresser aux curieux échanges qui, au sein de la fratrie James, s’instaurent par textes interposés autour de la question du monologue intérieur. Car chez les James, on s’écrit sans se parler, on se raconte et on raconte les autres mais en s’adressant d’abord à soi-même. Pour William, le flux continu des états de conscience est une donnée psychologique fondamentale et cette continuité de la pensée contribue à la fiction, au sens littéral, d’un sujet paradoxal qui demeure identique à lui-même tout en n’étant jamais le même. Dans son journal publié en 1892 à compte d’auteur et à l’insu de ses frères, William et Henry, Alice James, elle, fait le récit de sa maladie et prend ses distances avec le regard clinique que porte sur elle le grand médecin de la famille qu’est William, à qui elle emprunte pourtant images et concepts pour mieux les retourner : le flux toujours changeant de la conscience n’est plus ici le signe de l’assomption du sujet, mais le symptôme de sa dépossession. Quant à Henry, il publie en 1913 le premier volume d’une autobiographie au titre énigmatique : A Small Boy and Others, qui, dès les premières phrases, se présente paradoxalement comme la biographie de son frère William et du reste de la famille, c’est-à-dire comme l’autobiographie d’un non-sujet qui n’aura finalement vécu que pour raconter la vie des autres et s’efforce de remembrer rétrospectivement les fragments de son existence pour lui conférer la continuité d’un destin. En confrontant quelques passages représentatifs de ces trois graphomanes, on essaiera de réfléchir aux formes et aux modalités de ce monologue familial à plusieurs voix où la conscience en partage est tendue entre l’expérience de sa fragmentation et le rêve de son unification.

 

Lundi 9 mars – Florence Dupont (Professeur, Université Paris Diderot), Le monologue dans les tragédies grecques anciennes.
Discutants : Jean-François Cottier (Professeur, Université Paris Diderot), Patrick Zuzalla (Metteur en scène). 

 

Lundi 16 mars (à Paris 3, Institut du Monde anglophone, salle 16, 5 rue de l'École de Médecine, 75006 Paris) – Régis Salado (Maître de conférences, Université Paris Diderot), « Kidneys were in his mind » / « Il avait des rognons en tête » (Ulysses, 4.6). À propos des formes de monologue intérieur dans Ulysses de Joyce.
Discutant : Carle Bonafous-Murat (Professeur, Université Sorbonne Nouvelle).

Ulysses, que Joyce disait avoir écrit « par différents moyens suivant les diverses parties », est une œuvre marquée par l’hétérogénéité des styles, des formes littéraires et des modes d’énonciation. Dans ce contexte où les pouvoirs d’invention de l’écrivain sont mis au premier plan, il n’est guère contestable que le monologue intérieur, par l’accès qu’il ouvre en direction de leur parole intérieure et de leur pensée, contribue puissamment à donner de la consistance aux personnages principaux du roman (Stephen, Bloom, Molly). Pour autant, le type de subjectivité auquel donne forme le monologue intérieur joycien n’a rien d’unitaire ni d’homogène. En effet, d’une part le roman présente des formes de monologue intérieur fortement différenciées (on analysera quelques exemples de ces variations), d’autre part l’usage que l’écrivain fait de ces formes concourt à une figuration de la vie psychique où sont remises en question les catégories susceptibles d’en donner une description ordonnée. Ainsi du partage entre extérieur et intérieur, sujet et objet, personnel et impersonnel, présence et absence, perception et hallucination etc.

A cet égard, examiner les formes du monologue intérieur dans Ulysses amène nécessairement à considérer la façon qu’a cette œuvre de questionner et de renouveler une pensée du sujet.

 

Lundi 13 avril – Véronique Fournier, médecin, directrice du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin à Paris (http://ethique-clinique.com/), La voix du patient en pratique d’éthique clinique.
Discutante : Laurie Laufer (Professeur, Université Paris Diderot).

La voix du patient continue d’avoir souvent du mal à prendre la place qui devrait être la sienne en clinique quotidienne. C’est le constat qui a été à la base de la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé, ainsi qu’à la base de la création du Centre d’éthique clinique de Cochin en Avril 2002, conçu comme une sorte de dispositif d’application de la loi.

En éthique clinique, nous sommes appelés lorsqu’un processus décisionnel est suspendu parce que la décision en cause fait conflit au plan éthique : Pouvons-nous accéder à la demande de ces parents que la vie de leur enfant né avec un lourd handicap s’achève vite du seul fait de la lourdeur de ce handicap ? Les médecins ont-ils raison de nous refuser cette interruption médicale de grossesse pour notre fille de 40 ans, gravement schizophrène, alors que cette grossesse est une catastrophe annoncée pour elle et pour l’enfant ?, etc.

Pour aider à la prise de décision et faire en sorte d’apporter pour commencer un peu d’apaisement dans ces situations souvent tendues quand elles nous arrivent, l’exercice s’appuie fortement sur l’outil narratif. Il s’agit de rencontrer les différents protagonistes chacun individuellement pour leur laisser la possibilité de déployer la façon dont ils vivent l’histoire, ainsi que les émotions et les arguments qui les animent. Ce temps du monologue, des différents monologues autour de la même histoire, ainsi que le regard croisé et éthique que nous portons en tant que groupe sur la situation qui nous est amenée à partir de ces différents monologues est la base de notre méthode. Au-delà d’apporter un peu d’aide dans la résolution de ces histoires singulières, elle permet une appréhension quasi anthropologique de l’endroit où sont les différents acteurs de la société sur les sujets abordés qui sont tous de véritables « sujets de société ». En effet, ils interrogent les valeurs structurantes qui sont à la fois celles de tout un chacun et celles du Vivre ensemble, ainsi que leur positionnement réciproque : quelle place laisser au respect de l’autonomie de chacun, dans quelle société voulons-nous vivre demain, quelle place dans cette société  pour la vieillesse ou le handicap, comment accueillir et/ou accompagner les demandes d’aide active à mourir ?, etc. 

 

Lundi 18 mai – Evelyne Lignon (Doctorante, Université Paris Diderot/Université Sorbonne Nouvelle), Polyphonie et monologue. 
Discutante : Jacqueline Authier-Revuz (Professeur, Université Sorbonne nouvelle).

L’observation stylistique du monologue intérieur (ici dans la littérature française contemporaine) et l’analyse d’un corpus de monologues extériorisés de jeunes enfants met en évidence le caractère constitutif de la polyphonie dans toute parole; ce qui nous conduit à la conception d’une pensée elle aussi polyphonique dans ses matériaux, dialogique dans sa dynamique aux processus en partie inconscients (toute parole, toute pensée répondant à une question, même informulée). Cette monstration que la littérature pense rejoint l’interrogation de Gabriel Bergounioux à propos de « l’envers de la linguistique », à savoir l’endophasie, flux ininterrompu de la parole intérieure et inconsciente, constitutive de la pensée humaine et du psychisme des individus.

 

Lundi 1er juin – Guiomar Hautcoeur (Maître de conférences, Université Paris Diderot), Les monologues surpris des "vieux romans" : des secrets sans secret.
Discutante : Anne Paupert (Maître de conférences, Université Paris Diderot).

 

Lundi 22 juin – Cécile De Bary (Maître de conférences, Université Paris Diderot), Andrée Chauvin-Vileno (Professeur, Université de Franche-Comté), Un texte, une voix, des images : Un homme qui dort.
Discutante : Anne Lété (Maître de conférences, Université Paris Diderot).


Le film Un homme qui dort (1974) réalisé par Bernard Queysanne en collaboration avec Perec à partir du récit qui porte le même titre, montre un homme qui se tait et fait entendre par la voix d’une récitante le texte original.
Ce texte énoncé à la deuxième personne est-il un monologue, un soliloque, un discours intérieur ? En dépit de l’omniprésence du pronom de l’adresse, le texte ne semble adressé ni tout à fait à un autre ni tout à fait à soi, en deçà de la profération, dans une aporie de présent. La voix narrative sans ancrage manifeste un clivage et une distance plus qu’elle ne déclare une origine ou une destination ; elle ne mime pas davantage les flux de pensée et de rêverie mais déroule des séquences litaniques.
A l’écran le texte filmique dédouble l’identité du protagoniste et de la voix off féminine qui peut sembler accompagner, décrire, raconter, voire interpeller. Pour autant le discours énoncé est-il un monologue ? Est-ce le discours en voix off qu’il faut considérer comme monologue à double destination (protagoniste, spectateur) ou bien l’ensemble constitué par le discours, la bande sonore, la succession des images ? L’intériorité, la subjectivation sont-elles portées par le verbe ou par la parole et ses inflexions, les cadrages et les espaces, le rythme des images et de leur retour ?
Ces questions seront abordées essentiellement à partir des problématiques de l’énonciation littéraire et cinématographique.