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Séminaire "Littérature, théâtre, cinéma au croisement des arts ": Anne-Violaine Houcke sur "Le palimpseste des voix chez Pasolini : vocations antiques"

Publié le par Mireille Brangé

Séminaire "Littérature, théâtre, cinéma au croisemnt des arts"

 Mercredi 24 mars 2010, ENS, Salle Weil, 17h-19h 

Le palimpseste des voix chez Pasolini : vocations antiques

 

 

A la fin des années 1960, Pier Paolo Pasolini réalise une « trilogie antique » : avec Oedipe-roi (1967), Médée (1969), et le Carnet de notes pour une Orestie africaine (1968-1970), il retrouve la voie de l'antiquité grecque (à vingt ans, il écrivait déjà une pièce intitulée Oedipe à l'aube, avait traduit la poétesse Sappho etc.), et renoue avec ses voix tragiques : Eschyle, Sophocle, Euripide.

C'est à partir de la  notion de « voix » qu'il s'agira ici d'interroger les modalités du travail intertextuel et intermédial entre les textes antiques et leur « actualisation » cinématographique. La citation, par exemple, n'a-t-elle pas chez Pasolini une capacité – soutenue par l' étymologie  – de mise en mouvement : une mobilisation des voix du passé au service d'une motivation des images ? Mais de quelles voix parle-t-on ? Celles des acteurs ne sont-elles que des médiations – leurs corps ne sont-ils que les porte-parole de voix désormais éteintes ? Pourquoi la Callas est-elle Médée ? (et pourquoi la cantatrice est-elle utilisée à contretemps : muette ?) Pourquoi la prophétie de Cassandre est-elle interprétée en free jazz, en anglais, par une chanteuse noire-américaine, Yvonne Murray ? Quel travail s'instaure dans le Carnet de notes pour une Orestie africaine entre les images muettes des Africains – le « choeur » – que l'on voit parler ou chanter, et la bande sonore qui vient s'inscrire dans la texture de ces images : voix-off de Pasolini (voix elle-même polyphonique, selon qu'il commente en son nom propre, ou récite Eschyle, dans sa propre traduction) et basse continue des chants révolutionnaires russes ? Reprenant à Genette la notion de palimpseste, nous souhaitons la faire sortir de son inscription dans le cadre du texte littéraire, pour mettre en évidence le travail intempestif, anachronique de la voix – des voix –  dans la texture visuelle et sonore de ces films. « Il y a entre l'archaïque et le moderne un rendez-vous secret », écrit Giorgio Agamben  dans Qu'est-ce que le contemporain ?: peut-être est-ce dans la voix que l'on pourra lire l'indice de ce rendez-vous ?

La réflexion qui s'engage alors est « esthétique » : c'est celle de la «(re)-présentation du passé (que Pasolini avait clairement posé à propos de Médée-La Callas dans un texte intitulé « Le Sentiment de l'histoire »). C'est peut-être grâce au jeu palimpsestique des voix que les temps se rencontrent, que se révèle la contemporanéité du passé.

C'est aussi une question politique : prêter sa voix à l'autre, ou assumer la voix d'un autre, c'est ouvrir, exposer son corps à l'altérité. C'est faire, aussi, de l'espace filmique un tribunal, où la citation peut être citation à comparaître, et l'évocation une convocation.