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Séminaire Fabula à l'ENS: Julien Piat, Gilles Philippe, Ann Banfield

Séminaire Fabula à l'ENS: Julien Piat, Gilles Philippe, Ann Banfield

Publié le par Marielle Macé

Séminaire mensuel « Actualité des études littéraires », 18 mai

 

46 rue d'Ulm, mercredi 18h-20h

[la salle et l'horaire ont été modifiés, merci de bien noter ces changements]

 « Perspectives linguistiques et textes littéraires »

Cette séance sera animée par Julien Piat (Grenoble), et présentera les enjeux d’une étude de la « langue littéraire ».

Deux invités prendront également la parole, que nous sommes très heureux de recevoir pour clore le programme de cette année :

  • Gilles Philippe, professeur à Grenoble, auteur du Moment grammatical de la littérature française (Gallimard 2002)

  • et Ann Banfield, professeur à Berkeley, qui propose des outils pour penser un texte sans narrateur (Phrases sans paroles, Seuil, 1995).

L'analyse prendra appui sur les textes suivants:

Marcel Proust, Du côté de chez Swann

C’est ainsi que, sur les conseils qu’une mère prévoyante lui avait donnés quand il avait quitté sa province, il ne laissait jamais passer soit une locution ou un nom propre qui lui étaient inconnus, sans tâcher de se faire documenter sur eux.

Marcel Proust, Du côté de chez Swann

Elle semblait non pas adresser une invitation, mais demander un service, et avoir besoin de l’avis de la princesse sur le quintette de Mozart, comme si ç’avait été un plat de la composition d’une nouvelle cuisinière sur les talents de laquelle il lui eût été précieux de recueillir l’opinion d’un gourmet.

Samuel Beckett, Malone meurt, Éditions de Minuit, 1951, pp. 7-9 (début).

            Je serai quand même bientôt tout à fait mort enfin. Peut-être le mois prochain. Ce serait alors le mois d’avril ou de mai. Car l’année est peu avancée, mille petits indices me le disent. Il se peut que je me trompe ou que je dépasse la Saint-Jean et même le Quatorze juillet, fête de la liberté. Que dis-je, je suis capable d’aller jusqu’à la Transfiguration, tel que je me connais, ou l’Assomption. Mais je ne crois pas, je ne crois pas me tromper en disant que ces réjouissances auront lieu sans moi, cette année. J’ai ce sentiment, je l’ai depuis quelques jours, et je lui fais confiance. Mais en quoi diffère-t-il de ceux qui m’abusent depuis que j’existe ? Non, c’est là un genre de question qui ne prend plus, avec moi, je n’ai plus besoin de pittoresque. Je mourrais aujourd’hui même, si je voulais, rien qu’en poussant un peu, si je pouvais vouloir, si je pouvais pousser. Mais autant me laisser mourir, sans brusquer les choses. Il doit y avoir quelque chose de changé. Je ne veux plus peser sur la balance, ni d’un côté ni de l’autre. Je serai neutre et inerte. Cela me sera facile. Il importe seulement de faire attention aux sursauts. Du reste je sursaute moins depuis que je suis ici. J’ai évidemment encore des mouvements d’impatience de temps en temps. C’est d’eux que je dois me défendre à présent, pendant quinze jours trois semaines. Sans rien exagérer bien sûr, en pleurant et en riant tranquillement, sans m’exalter. Oui, je vais enfin être naturel, je souffrirai davantage, puis moins, sans en tirer de conclusions, je m’écouterai moins, je ne serai plus ni froid ni chaud, je serai tiède, je mourrai tiède, sans enthousiasme. Je ne me regarderai pas mourir, ça fausserait tout. Ma suis-je regardé vivre ? Me suis-je jamais plaint ? Alors pourquoi me réjouir, à présent ? Je suis content, c’est forcé, mais pas au point de battre des mains. J’ai toujours été content, sachant que je serais remboursé. Il est là maintenant, mon vieux débiteur. Est-ce une raison pour lui faire fête ? Je ne répondrai plus aux questions. J’essaierai aussi de ne plus m’en poser. On va pouvoir m’enterrer, on ne me verra plus à la surface. D’ici là je vais me raconter des histoires, si je peux. Ce ne sera pas le même genre d’histoires qu’autrefois, c’est tout. Ce seront des histoires ni belles ni vilaines, calmes, il n’y aura plus en elles ni laideur, ni beauté, ni fièvre, elles seront presque sans vie, comme l’artiste. Qu’est-ce que j’ai dit là ? Ça ne fait rien. Je m’en promets beaucoup de satisfaction, une certaine satisfaction. Je suis satisfait, voilà, je suis fait, on me rembourse, je n’ai plus besoin de rien. Laissez-moi dire tout d’abord que je ne pardonne à personne. Je souhaite à tous une vie atroce et ensuite les flammes et la glace des enfers et dans les exécrables générations à venir une mémoire honorée. Assez pour ce soir.

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Ce séminaire entend introduire aux orientations actuelles de la recherche en littérature, en relation avec les ressources des nouvelles technologies pour les études littéraires, les travaux de doctorants ou de jeunes chercheurs, ainsi qu'avec les productions et les projets scientifiques du site Fabula.

Les séances présenteront l'état de la question sur une problématique donnée, un compte rendu de lecture, ou les travaux en cours de doctorants invités. Le programme s'articulera autour de questions de littérature générale : examen de développements récents concernant des catégories littéraires (historicité des notions critiques, théories de la fiction, théories des genres, analyse du récit), introduction aux champs actuellement privilégiés par la recherche littéraire : littérature et discours de savoir, récit et histoire, rhétorique et science, question du témoignage et du document, réflexion sur les fonctions de la littérature.

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